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ORL

Publié le  Lecture 23 mins

Sémiologie vestibulaire centrale

H. BOZEC, Site Médipôle, Cabestany

L’examen clinique de tout patient venant consulter un praticien est la base de toute démarche diagnostique. C’est particulièrement le cas de la pathologie vertigineuse au sein de laquelle cet examen, correctement effectué, doit être capable dans 9 cas sur 10 d’aboutir à un diagnostic. Il est sans doute nécessaire, en ces temps actuels où la société ne voit la vérité que par l’image, de rappeler les éléments sémiologiques nécessaires au praticien pour qu’il puisse assurer son diagnostic et rendre son verdict.

Une étude récente (1) et une revue récente de la littérature (2) montrent qu’une analyse sémiologique rigoureuse, en particulier des mouvements oculaires, est plus sensible que l’IRM dans la détermination du niveau lésionnel. L’exposé suivant se propose d’éclairer les points sémiologiques évoquant une origine neurologique d’un syndrome vestibulaire. Un prochain article visera à dresser la liste des principales pathologies neurologiques à l’origine d’un tel syndrome. Données de l'interrogatoire L’interrogatoire fournit au clinicien des éléments importants dans sa stratégie diagnostique. Seuls seront développés ceux qui orientent spécifiquement vers l’origine cérébrale du syndrome vertigineux. Recherche des antécédents médicaux Elle est orientée sur l’existence de pathologies neurologiques connues et sur les facteurs favorisants de certaines d’entre elles. On recherchera donc, préférentiellement : – la survenue d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques constitués ou transitoires ou de facteurs favorisants connus : tout facteur de risque vasculaire reconnu comme tel, des pathologies emboligènes (valvulopathies, troubles du rythme cardiaque, athérome avéré, thrombophlébites à l’origine d’embolies paradoxales, etc.), des situations à risque (accident de décompression, etc.), des maladies systémiques (lupus notamment) ; – l’existence d’une pathologie cancéreuse primitive cérébrale ou secondaire métastatique ; – l’existence d’une maladie neurodégénérative, d’une sclérose en plaques (SEP), d’une épilepsie, d’une migraine ; – l’existence d’antécédents familiaux (cérébellopathies notamment). Bilan symptomatique Il fait état de l’ensemble des symptômes ressentis dont il faut rechercher l’exhaustivité. • La sensation vertigineuse • Le type : – l’illusion rotatoire semble moins fréquente que dans les pathologies périphériques mais n’élimine pas une atteinte centrale : elle sera d’autant plus fréquente que l’atteinte est proche du neurone vestibulaire primaire (c’est le cas des AVC du tronc cérébral et notamment du syndrome de Wallenberg) ; – l’illusion de translation verticale évoque davantage une origine centrale ; – les sensations de mouvement plus complexes sont davantage l’apanage des atteintes neurologiques, notamment celles intéressant le cortex cérébral (épilepsies, AVC supratentoriels) : – autoscopie (= héautoscopie) : expérience de sortie du corps, vision de soi par soi-même, – sensation de lévitation, – kinétopsie : perception en mouvement d’objets immobiles. • L’intensité Comme pour la sensation rotatoire, l’intensité du vertige dépend beaucoup de la proximité de la lésion avec le neurone vestibulaire primaire. Elle est souvent moindre, comparativement à celle de l’instabilité et des nausées/vomissements. • Le mode d’installation Il est relativement peu informatif. On gardera à l’esprit les installations brutales des AVC ischémiques et des AIT, et l’installation progressive des maladies neurodégénératives. • La durée Là encore, il s’agit d’un élément peu discriminant entre une étiologie périphérique et centrale du vertige. Une durée de quelques secondes peut traduire une crise d’épilepsie ; une durée de quel ques minutes peut évoquer un AIT ou une malformation d’Arnold Chiari ; une durée de quel ques heures se rencontre dans les migraines ou des crises de SEP ; une durée de plusieurs jours est plutôt caractéristique d’un AVC, qu’il soit ischémique ou hémorragique. • Le profil évolutif Certaines évolutions sont assez caractéristiques de certaines pathologies neurologiques mais n’éliminent pas une origine labyrinthique. Une crise unique est typique d’un AVC. Des crises répétées peuvent être dues à des AIT, une épilepsie, une migraine, une SEP. Un mode permanent est plutôt en faveur d’une tumeur cérébrale, d’une maladie dégénérative ou d’une cérébellopathie. • Les facteurs déclenchants Les crises de vertiges issues de pathologies neurologiques sont peu favorisées par quelque facteur que ce soit. Deux exceptions néanmoins : l’extension cervicale pour les malformations d’Arnold Chiari et la dissection vertébrale, et le traumatisme crânien pour l’hématome sous-dural (HSD). • L’instabilité Elle est souvent au premier plan, visible dès que le patient se met debout, contrastant parfois avec la modestie des vertiges, voire leur absence. Elle s’intègre le plus souvent dans l’ataxie, c’est-à-dire l’incoordination motrice empêchant la station debout (astasie) et/ou la marche (abasie) sans qu’il y ait de déficit moteur. Outre son origine cérébelleuse ou labyrinthique, elle peut être due à d’autres atteintes, et notamment à la sensibilité proprioceptive : la marche est alors caractéristique, dite « talonnante ». Une origine supratentorielle est également possible, relevant davantage de l’apraxie d’origine frontale, telle qu’on peut la constater dans l’hydrocéphalie à pression normale (HPN). La marche est alors « dandinante » avec une rétropulsion fréquente en station debout, pieds joints. L’instabilité peut également être due à une atteinte motrice déficitaire (atteinte du motoneurone, syndrome pyramidal) ou à des mouvements anormaux (syndrome extrapyramidal, syndrome choréique, ballique ou athétosique, dystonie). • Les nausées/vomissements Ils ne sont pas l’apanage des pathologies centrales. Néanmoins, la discordance entre leur importance et la pauvreté de l’illusion de mouvement plaide en faveur d’une pathologie de la fosse cérébrale postérieure. Lorsqu’ils soulagent des céphalées, ces vomissements sont alors évocateurs d’une hypertension intracrânienne et doivent commander, sans délai, une orientation dans un service d’accueil d’urgences médicales. • Les symptômes neurologiques • Les céphalées fréquentes dans les syndromes vertigineux, elles sont suspectes lorsqu’elles sont inhabituelles pour le patient. Les céphalées migraineuses sont typiquement unilatérales mais peuvent être diffuses, soit d’emblée, soit secondairement ; elles sont le plus souvent frontales ou temporales, volontiers pulsatiles, notamment à l’effort ou à l’acmé. Trois quarts des patients les considèrent comme violentes (EVA > 6). Elles s’accompagnent d’autres symptômes caractéristiques et sont souvent annoncées par d’autres symptômes annonciateurs. Les céphalées d’hypertension intracrânienne (tumeurs cérébrales d’évolution rapide, AVC hémorragique, abcès cérébraux, œdèmes cérébraux, etc.) sont constantes et précoces, sans localisation préférentielle. Elles sont souvent qualifiées d’atroce, à type de broiement ou d’éclatement du crâne, et surviennent par crises de plusieurs heures avec intervalles libres. Elles sont augmentées par la toux, l’effort et la rotation cervicale, elles s’accompagnent fréquemment de vomissements et d’une impression de flou visuel. Les céphalées d’hypotension intracrânienne ont un profil évolutif différent, persistantes plusieurs jours sans crise et très nettement augmentées par l’orthostatisme. • Les symptômes évoquant une atteinte du tronc cérébral : – la diplopie (+++) peut traduire une paralysie oculomotrice ou supranucléaire ( cf. infra), même si sa cause la plus fréquente est l’hétérophorie, facilement découverte au cover-test (figures 1, 2 et 3) et relevant d’une rééducation orthoptique. Toute diplopie installée est en règle transitoire car rapidement compensée par des phénomènes centraux, d’où la nécessité impérative de poser la question au patient : « depuis que vous avez vos vertiges, avez-vous eu au moins à une reprise une vision dédoublée des choses ? ». Une vision trouble initiale peut représenter une diplopie a minima, la diplopie ne s’observe pas chez l’enfant de moins de 6 ans du fait de l’absence, avant cet âge, de vision binoculaire ; – troubles pharyngolaryngés (dysphagie, dysphonie, fausses routes, rhinolalie, reflux pharyngo-nasal) évoquant une paralysie des nerfs mixtes ; – troubles de la motricité faciale évoquant une paralysie du nerf facial ; – troubles de la sensibilité faciale évoquant une paralysie du nerf trijumeau ; – hémiplégie respectant ou non la face selon le niveau d’atteinte du tractus cortico-spinal (anciennement faisceau pyramidal) ; – troubles de la sensibilité d’un hémicorps par atteinte des tractus spino-thalamiques (anciennement lemnisque médian et latéral) ; – troubles du sommeil à type d’hypersomnie traduisant l’atteinte de la formation réticulaire activatrice ascendante. • Les symptômes évoquant une atteinte cérébelleuse : – ataxie ou trouble de la coordination des mouvements dans l’espace et le temps, sans atteinte de la force musculaire ; – dysarthrie ; – tremblements ; – dysgraphie. • Les symptômes évoquant une atteinte thalamique : – douleurs d’un hémicorps, spontanées et intenses, plutôt matinales, ne respectant pas forcément la face, rebelles aux traitements antalgiques ; – mouvements choréo-athétosiques fréquents, discrets et prédominants aux extrémités des membres supérieurs : c’est la « main thalamique » (main creuse tonique avec positionnement digital dans différents plans de l’espace) ; – troubles vasomoteurs : refroidissement des extrémités alternant avec bouffées de chaleur ; – manifestations neuropsychologiques : troubles du schéma corporel (asomatognosie, illusions kinesthésiques, négligence spatiale ou motrice) pour les lésions droites, troubles du langage (prosodie réduite, pauses dans le discours, persévérations) pour les lésions gauches, troubles de la mémoire pour des lésions bilatérales. • Les symptômes évoquant une atteinte corticale : sensations de mouvements plus ou moins complexes. Les symptômes absents L’absence de symptômes auditifs est un argument en faveur d’une origine centrale des vertiges mais n’élimine pas une atteinte périphérique comme, par exemple la névrite vestibulaire, la vestibulopathie récurrente idiopathique ou les vertiges paroxystiques positionnels bénins. Données de l'examen physique L’examen physique cherche à recueillir des signes attestant de l’atteinte vestibulaire centrale mais aussi de l’atteinte d’autres structures ou

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