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Hypertension pulmonaire : classification et outils diagnostiques
O. SITBON, Service de pneumologie et soins intensifs, hôpital de Bicêtre, Inserm UMR-S 999, université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre

L’hypertension pulmonaire (HTP) est caractérisée par l’augmentation progressive des résistances artérielles pulmonaires aboutissant à une insuffisance cardiaque droite et au décès. Au cours des dix dernières années, les progrès réalisés dans l’épidémiologie et la compréhension des mécanismes physiopathologiques des HTP ont permis une classification clinique plus précise, indispensable au clinicien pour prendre en charge cette affection.
L’ HTAP est une forme particulière d’HTP caractérisée par la prolifération intense de la paroi des petites artères pulmonaires. Il s’agit d’une maladie rare pour laquelle des progrès très importants ont été réalisés au cours des quinze années, avec la mise au point de plusieurs molécules innovantes permettant une nouvelle approche thérapeutique de cette maladie. Les récents congrès de l’ European Society of Cardiology (ESC) et de l’ European Respiratory Society (ERS) ont été l’occasion de présenter les nouvelles recommandations jointes de ces deux sociétés savantes sur le diagnostic et la prise en charge des HTP (recommandations publiées début octobre 2015 dans l’ European Heart Journal et l’European Respiratory Journal). Définitions Le terme « hypertension pulmonaire (HTP) » définit toute élévation de la pression artérielle pulmonaire (PAP) objectivée par la mesure au cathétérisme cardiaque droit (et uniquement par cet examen) d’une PAP moyenne (PAPm) ≥ 25 mmHg au repos. On distingue deux types d’HTP : l’HTP précapillaire, pour laquelle l’élévation de la PAP est liée à un obstacle en amont des capillaires pulmonaires et l’HTP post-capillaire, pour laquelle l’élévation de la PAP est secondaire à la transmission passive d’une élévation de pression en aval des capillaires pulmonaires (due en général à une insuffisance cardiaque gauche). La distinction entre HTP pré- ou postcapillaire se fait par la mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) lors du cathétérisme cardiaque droit : l’HTP est post-capillaire lorsque la PAPO est élevée (> 15 mmHg) (figure 1). Figure 1. Définition de l’HTP pulmonaire pré- et post-capillaire. Il a été ajouté dans la définition de l’HTAP (groupe 1), l’augmentation des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) > 3 unités Wood (UW). La distinction entre HTP post-capillaire isolée et HTP post- et précapillaire associées ne s’établit plus en fonction du gradient transpulmonaire (GTP = PAPm – PAPO), trop dépendant des conditions de charge (volémie) et du débit cardiaque. Elle est envisagée dorénavant en fonction du gradient de pression diastolique (GPD) qui est la différence entre la PAP diastolique (PAPd) et la PAPO (GDP = PAPd – PAPO) (figure 2). Figure 2. Définitions hémodynamiques des HTP post-capillaires. Le terme « hypertension artérielle pulmonaire » (HTAP) définit un sous-groupe d’HTP de causes diverses mais caractérisées par une physiopathologie proche, et notamment un remodelage intense des artères pulmonaires de petits calibres (diamètre 500 µm). Les HTAP représentent le groupe 1 de la classification des HTP (tableau 1). Le terme « HTP d’effort » a disparu car il n’en existe pas de définition précise, une élévation importante de la PAPm à l’effort (> 35 mmHg) pouvant s’observer en dehors de toute situation pathologique (en particulier chez le sportif). La conséquence principale de l’hypertension pulmonaire est la survenue d’une insuffisance cardiaque droite (le ventricule droit adapté à cette circulation à basse pression n’arrive pas à s’adapter à une augmentation de sa post-charge) et au décès. Classification des hypertensions pulmonaires L’utilisation d’une classification des HTP a pour objectif d’individualiser des catégories de pathologies présentant des similitudes dans leur physiopathologie, leur présentation clinique et leur prise en charge. Les dernières recommandations ERS/ESC ont permis une actualisation de cette classification proposée pour la première fois en 1998 lors du 2e Congrès mondial sur l’HTP, puis revue et modifiée plusieurs fois depuis (tableau 1). Cette classification comprend 5 groupes : – groupe 1 : hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). On en rapproche la maladie veino-occlusive pulmonaire (MVO) et l’hémangiomatose capillaire pulmonaire (HCP) (groupe 1’), ainsi que l’hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né (groupe 1’’) ; – groupe 2 : HTP des maladies cardiaques gauches ; – groupe 3 : HTP des maladies respiratoires ou associées à une hypoxie chronique ; – groupe 4 : HTP thromboembolique chronique (HTP-TEC) et autres obstructions artérielles pulmonaires ; – groupe 5 : HTP de mécanismes multifactoriels ou incertains. Groupe 1 : hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) L’HTAP répertorie un groupe de maladies caractérisées par un remodelage très important des artérioles pulmonaires, secondaire à la prolifération des cellules constituant la paroi artérielle pulmonaire normale : cellules endothéliales (CE) et cellules musculaires lisses (CML). Il est essentiel de bien identifier ce groupe de maladies car la prise en charge est spécifique et les thérapeutiques ciblées de l’HTAP (traitements vasodilatateurs ayant essentiellement une action antiproliférante et antiremodelage : prostacyclines, antagonistes des récepteurs de l’endothéline, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, stimulateur de guanylate cyclase soluble) n’ont d’indication que dans ce groupe des HTP. Pour les autres groupes, le traitement consiste en une prise en charge étiologique. • L’HTAP est dite « idiopathique » si aucun facteur favorisant ou maladies à risque ne sont retrouvés. L’HTAP peut également survenir dans un contexte familial (HTAP héritable), lié à une anomalie génétique. Le principal gène responsable est le gène BMPR2, avec une transmission autosomique dominante à pénétrance incomplète. Des mutations de BMPR2 sont retrouvées dans 80 % des formes familiales d’HTAP (plusieurs cas identifiés), et dans 15 à 20 % des formes sporadiques. D’autres gènes peuvent être responsables d’HTAP héritable, notamment ALK1 et endogline lorsque l’HTAP est associée à une maladie de Rendu-Osler. Les HTAP idiopathique et héritable sont caractérisées par une nette prédominance féminine (sex ratio F/H = 2,5/1), avec un pic de fréquence entre 25 et 50 ans. • L’HTAP peut aussi survenir dans un contexte de prises de médicaments ou de toxiques. Les anorexigènes (aminorex et dérivés de la fenfluramine) constituent le principal facteur de risque d’HTAP médicamenteuse. Ces traitements ont été à l’origine d’épidémies d’HTAP dans les années 1970-1980 et sont depuis retirés du marché. Plus récemment, le benfluorex (Médiator ®) a également été reconnu comme facteur de risque d’HTAP. Ces médicaments agissent sur le métabolisme de la sérotonine, favorisant la survenue d’HTAP et de valvulopathies. La présentation clinique de ces HTAP est similaire à celle des HTAP idiopathiques. Un interrogatoire systématique des expositions médicamenteuses doit donc être réalisé pour tout malade présentant une HTAP. Seule une faible proportion de patients exposés va néanmoins développer une HTAP, ces médicaments étant considérés comme un trigger de l’HTAP chez des patients ayant une susceptibilité particulière. Une mise au point sur les médicaments et toxiques responsables d’HTAP ou susceptibles d’être à l’origine du développement d’une HTAP a été établie dans les dernières recommandations ERS/ESC (tableau 2). L’HTAP peut être aussi associées à différentes pathologies • Les connectivites sont une cause fréquente d’HTAP (environ 15 %). La principale connectivite associée à l’HTAP est la sclérodermie systémique, la prévalence de l’HTAP est d’environ 10 %. Néanmoins, le diagnostic d’HTAP est parfois difficile dans cette maladie car les causes possibles d’HTP sont nombreuses : fibrose pulmonaire (HTP groupe 3), dysfonctions diastolique ou atteinte cardiaque spécifique (HTP groupe 2). De plus, ces différents mécanismes sont souvent associés. L’HTAP et la fibrose pulmonaire sont les deux principales causes de mortalité dans la sclérodermie systémique. Les autres connectivites à risque sont le lupus érythémateux systémique, la connectivite mixte et, plus rarement, le syndrome de Sjögren et les polymyosites. La polyarthrite rhumatoïde n’est pas un facteur de risque d’HTAP. • L’infection par le VIH. L’HTAP est une complication rare de l’infection par le VIH. Les données épidémiologiques évaluent sa prévalence à environ 0,5 %. L’incidence et la sévérité de cette complication ont beaucoup diminué avec la généralisation des multithérapies antirétrovirales actives. • L’hypertension portale. Toutes les hypertensions portales, d’origines hépatique (cirrhoses) et extra-hépatique (thromboses portales), peuvent provoquer une HTAP ; on parle alors d’hypertension portopulmonaire. Sa prévalence au cours de la cirrhose est estimée entre 0,5 et 2 %. La survenue d’une HTAP est associée à une surmortalité et peut contre-indiquer la transplantation hépatique. • Les cardiopathies congénitales. Certains patients présentant une cardiopathie congénitale, en particulier en cas de shunt gauche-droit (communications interauriculaire ou interventriculaire, persistance du canal artériel, etc.) vont développer une HTAP. Le syndrome d’Eisenmenger correspond à l’évolution d’une cardiopathie congénitale, avec initialement un shunt gauche-droit entraînant un hyperdébit chronique dans les artères pulmonaires. Les lésions vasculaires pulmonaires liées à cet hyperdébit sont à l’origine d’une augmentation des résistances et d’une HTAP. L’augmentation des pressions dans les cavités droites a pour conséquence une inversion secondaire du shunt (droit-gauche) entraînant une cyanose. • Les schistosomiases. Il s’agit d’une forme d’HTAP très rarement observée en Europe. L’HTAP survient chez 5 à 10 % des patients présentant une atteinte hépatosplénique de bilharziose (Schistosomia mansoni, en particulier au Brésil). Groupe 1’ : maladie veino-occlusive pulmonaire (MVO)/hémangiomatose capillaire pulmonaire (HCP) Il est actuellement reconnu que la MVO et l’HCP représentent la même entité clinique. Il s’agit d’une forme rare d’HTP caractérisée par une obstruction des veinules pulmonaires et une prolifération des capillaires pulmonaires. Elle peut être idiopathique, héritable ou compliquée avec l’utilisation de certaines chimiothérapies. Les MVO/HCP se caractérisent par des anomalies radiologiques : avec au scanner thoracique, la présence d’un
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