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Avancées thérapeutiques dans la prise en charge de l’asthme sévère : un futur de plus en plus proche
G. GARCIA, C. SATTLER, Service de pneumologie, université Paris-Sud, Faculté de médecine, Le Kremlin-Bicêtre

L’asthme sévère est une pathologie difficile à prendre en charge. L’arsenal thérapeutique disponible, pour ces patients présentant un mauvais contrôle des symptômes d’asthme malgré un traitement inhalé à doses maximales et une prise en charge optimale, reste très limité. La mauvaise observance du traitement reste la cause la plus fréquente de mauvais contrôle des symptômes et doit être recherchée systématiquement.
Les traitements en développement comprennent à la fois des innovations dans les classes thérapeutiques existantes mais également le développement de nouvelles classes thérapeutiques appartenant essentiellement aux domaines de biothérapies. Les nouveaux bronchodilatateurs d’action prolongée sont en cours d’évaluation. Les anticholinergiques d’action prolongée ont récemment démontré un bénéfice dans la prise en charge de l’asthme sévère et devraient rapidement pouvoir disposer d’une AMM dans cette indication. Les anticorps anti-IgE sont efficaces mais ciblent une population sélectionnée de patients asthmatiques sévères allergiques. De nouvelles biothérapies dirigées contre des cytokines (IL-5, IL-13, IL-4, IL-17), les macrolides notamment chez les patients asthmatiques présentant une inflammation bronchique où la neutrophilie est prédominante ou la thermoplastie bronchique, pourraient s’avérer efficaces chez ces patients. Certaines de ces thérapeutiques innovantes pourraient être accompagnées de biomarqueurs capables de prédire la réponse au traitement instauré. L’asthme sévère est une maladie hétérogène sur le plan clinique et inflammatoire. Ces nombreux développements thérapeutiques pourraient s’adresser, non pas à tous les patients, mais être spécifiquement prescrits dans le cadre d’une prise en charge personnalisée à condition de mieux connaître et reconnaître les différents phénotypes cliniques et immunologiques. Asthme sévère et observance L’asthme sévère est défini par la persistance des symptômes d’asthme malgré un traitement inhalé maximal (www.ginasthma.org) et une prise en charge optimale (1). La grande majorité des patients asthmatiques présentent un asthme dont les symptômes sont parfaitement contrôlés grâce à un traitement de fond quotidien, dont la pierre angulaire reste la corticothérapie inhalée (CSI pour corticostéroïdes inhalés) à faibles doses en monothérapie ou en association avec un bêta2-mimétique de longue durée d’action (LABA : Long Acting bêta2-Agonist) (niveau II ou III du GINA) (figure). Pourtant, malgré l’existence de ces traitements efficaces, plus de la moitié des patients asthmatiques sont insuffisamment contrôlés en grande partie en raison d’une mauvaise observance thérapeutique (2,3). Dans certaines séries, plus de 80 % des cas d’asthme difficile sont liés à une mauvaise observance du traitement de fond (4). Cette mauvaise observance thérapeutique est également présente chez les patients asthmatiques les plus sévères. Les dosages plasmatiques réguliers de prednisone montrent que seulement la moitié des patients asthmatiques corticodépendants prennent correctement leur traitement de fond. Le suivi des patients après une hospitalisation en réanimation pour une exacerbation d’asthme confirme l’existence d’une mauvaise observance du traitement par stéroïdes inhalés et oraux (5). Le relais IV ou IM de la corticothérapie systémique permet de mettre en évidence cette mauvaise observance s’il permet d’obtenir le contrôle de l’inflammation bronchique et/ou des symptômes chez des patients suivis et traités par des CSI à fortes doses ou une corticothérapie orale (CSO pour corticostéroïdes oraux) quotidienne (6). La mauvaise observance du traitement reste donc le premier facteur de mauvais contrôle des symptômes d’asthme et la première étape à évaluer avant toute décision thérapeutique, quelle que soit la sévérité de l’asthme. Les raisons de cette mauvaise observance, particulièrement dans l’asthme sévère, sont mal identifiées. L’absence de contrôle des symptômes malgré un traitement anti-inflammatoire puissant, et parfois des CSO quotidiens, semble être des éléments importants. Les facteurs qui concourent à cette mauvaise observance et les stratégies pour dépasser ce problème essentiel doivent être évalués, si possible dans le cadre de l’éducation thérapeutique. Mais le plus souvent, ces patients justifient également d’un traitement anti-inflammatoire plus puissant. Cet article revient sur les traitements en cours de développement ou d’évaluation dans l’indication spécifique de l’asthme sévère, soit seulement 5 à 10 % des patients asthmatiques (7). Mais ce petit pourcentage des 3,5 millions d’asthmatiques en France représente plus de la moitié du coût de l’asthme en termes de santé publique. La stratégie smart Plusieurs études ont démontré l’efficacité de la stratégie SMART (Single inhaler Maintenance and Reliever Therapy) dans la prise en charge de l’asthme. Cette stratégie consiste à utiliser l’association d’un CSI et du formotérol en traitement de fond matin et soir et en traitement d’urgence pour les symptômes (8-11). L’objectif est de répondre à la fois aux symptômes mais également à l’augmentation de l’inflammation bronchique et de prévenir ainsi la survenue d’une exacerbation. Cette stratégie permet de réduire significativement le nombre d’exacerbations et d’améliorer globalement le contrôle des symptômes. Mais les patients inclus ont recours en moyenne une fois par jour au traitement de secours traduisant la persistance d’un critère de contrôle partiel selon les recommandations du GINA. La SMART repose sur l’utilisation du formotérol associé à des CSI ; elle n’est pas démontrée avec les autres LABA comme le salmétérol, le vilantérol ou l’indacatérol. Elle est efficace chez les patients asthmatiques modérés à sévères, mais aucune étude n’a clairement validée cette stratégie dans l’indication « asthme sévère ». Cette stratégie n’est donc pas recommandée dans le cadre de la prise en charge des patients asthmatiques sévères (1). Les corticoïdes inhalés et oraux De nombreuses molécules de corticoïdes sont disponibles dans des dispositifs d’inhalation variés en poudre, en spray ou en particules extrafines. Elles ont globalement toutes la même efficacité clinique; par contre les propriétés pharmacologiques sont différentes et de ce fait l’exposition systémique également. Les patients asthmatiques sévères justifient d’une forte dose quotidienne de CSI (niveau IV du GINA) avec un effet systémique potentiel. Il est préférable d’utiliser les CSI qui ont le moins de passage systémique. Actuellement, les données pharmacologiques indiquent que le ciclésonide dispose d’un passage systémique moins important que les autres CSI, cependant aucune donnée concernant l’efficacité de cette molécule dans le cadre de l’asthme sévère n’est actuellement disponible. En ce qui concerne la corticothérapie orale quotidienne, il n’y a pas d’éléments qui permettent de recommander une molécule. Toutes les molécules présentent un bénéfice clinique important, mais également des risques majeurs d’effets secondaires sur le long terme (amincissement et fragilité cutanée, risque cardiovasculaire avec HTA et complications de l’HTA, ostéopénie et ostéoporose, atteinte ophtalmologique, etc.). Figure : Recommandations du GINA : approche par paliers du traitement de l’asthme. Les bronchodilatateurs de courte et de longue durée d’action Les LABA sont le traitement additionnel aux CSI de choix selon les recommandations du GINA. Ils sont toujours prescrits en associations aux CSI et jamais en monothérapie (12,13). Plusieurs bronchodilatateurs administrés une seule fois par jour sont actuellement en cours de développement (indacatérol, vilantérol, carmotérol, oladétérol) dans l’indication asthme, toujours en association avec un CSI (14). Les bronchodilatateurs muscariniques ou atropiniques de longue durée d’action (LAMA : Long Acting Muscarinic Antagonist) associés aux CSI semblent moins efficaces que l’association CSI-LABA dans la prise en charge de l’asthme. Cependant, plusieurs études ont montré qu’il existe chez environ 30 % des patients asthmatiques sévères un effet bronchodilatateur additionnel aux LABA du tiotropium. L’association du tiotropium à des CSI à fortes doses en traitement de fond a permis d’améliorer le contrôle des symptômes et de limiter significativement le nombre d’exacerbations (15). L’objectif de ces nouveaux bronchodilatateurs n’est pas nécessairement d’obtenir la meilleure bronchodilatation mais d’améliorer le contrôle des symptômes et de permettre d’utiliser une dose quotidienne de CSI moins importante. L’intérêt de coupler CSI, LABA et LAMA en traitement de fond n’a jamais été évalué dans l’asthme sévère. LES ANTI-IgE L’omalizumab est le seul traitement spécifique de l’asthme sévère. La molécule se fixe sur la chaîne lourde des IgE et empêche la fixation des IgE sur le récepteur de haute affinité aux IgE (FcεRI) exprimés sur les cellules inflammatoires comme les mastocytes, les basophiles, et les cellules dendritiques, mais également sur le récepteur de faible affinité (FcεRII) exprimé par de nombreuses cellules immunitaires et inflammatoires (macrophages, éosinophiles, lymphocytes T et B). L’efficacité clinique de l’omalizumab pour réduire le recours aux CS oraux, le nombre et la fréquence des exacerbations, ainsi que les scores de qualité de vie, est clairement démontrée. Les patients doivent être traités pendant au moins 16 à 20 semaines avant d’évaluer l’efficacité du traitement sur les critères déterminés en amont du traitement (score de contrôle de l’asthme, fréquence des exacerbations, recours aux CS oraux en cure courte, VEMS) (16,17). L’omalizumab est indiqué chez les patients asthmatiques sévères allergiques présentant un VEMS 80 %, un taux d’IgE totales compris entre 30 et 1300 kUI/ml et deux exacerbations dans l’année précédente. Il n’existe pas de données suffisantes pour affirmer l’efficacité de l’omalizumab chez les patients non allergiques ; et son utilisation n’est pas recommandée chez ces patients (18,19). Des essais ont évalué l’impact du lumiliximab, un anticorps monoclonal anti-CD23 dirigé contre FcεRII, le récepteur de faible affinité aux IgE. Le bénéfice clinique s’est avéré décevant et le développement de cet anticorps n’a pas été poursuivi (7). Cibler les médiateurs de l’inflammation La meilleure connaissance de l’immunopathologie de l’asthme a permis d’identifier plus de
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