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La pHimpédancemétrie œsophagienne des 24 heures : nouvel outil diagnostique du reflux
François BOBIN, service ORL, polyclinique de Poitiers

Comment réaliser la pH-impédancemétrie et pour quoi faire ? Cette mise au point présente les caractéristiques de ce nouvel outil diagnostique dans le reflux gastro-œsophagien à disposition des ORL et sa mise en pratique dans quelques cas cliniques.
Actuellement la pH-impédancemétrie œsophagienne (pHi) des 24 heures est le seul examen qui permet d’appréhender le reflux gastro-œsophagien (RGO) dans ses différents aspects, tant cliniques avec ses manifestations digestives et extradigestives (1), que physicochimiques avec ses composants acides et peu acides, liquides et gazeux. Jusque-là réservée aux gastro-entérologues pratiquant les explorations fonctionnelles digestives, la pHi peut être pratiquée par les ORL, sous réserve d’une formation technique et clinique à cet examen, dont l’interprétation des tracés est facilitée par la qualité des logiciels d’analyse mis à disposition. Pourquoi la PHI ? Le RGO, maladie la plus répandue de l’appareil digestif, est un phénomène physiologique lié au fonctionnement du tube digestif, mais il devient de plus en plus fréquemment pathologique, touchant comme une véritable épidémie 40 % de la population des pays développés, en rapport probablement avec leur comportement alimentaire (2). Les publications sur le RGO sont également « épidémiques », plus de 1 200 par an (3), avec deux points de vue, celui des gastroentérologues pour le RGO proprement dit et celui des ORL pour les manifestations extradigestives du RGO, allant jusqu’à différencier le reflux pharyngolaryngé (LPR pour les auteurs anglo-saxons) du RGO (GERD). Anatomiquement, l’étanchéité de l’orifice hiatal est assurée par le sphincter inférieur de l’œsophage (SIO), simple épaississement de la couche musculaire lisse œsophagienne, développé sur une hauteur de 4 cm, mais sans véritable individualité anatomique, associé au ligament phréno-œsophagien qui le solidarise à l’orifice hiatal du diaphragme (4). La hernie hiatale par glissement, la plus fréquente, se caractérise par une ascension de l’œsophage abdominal dans le thorax entraînant une élongation du ligament phréno-œsophagien qui diminue son pouvoir de contention et favorise le RGO. À l’inverse, le RGO pourrait causer, par des phénomènes inflammatoires chroniques, la rétraction de l’œsophage et l’ascension du cardia, et favoriser la hernie hiatale. La hernie hiatale par roulement, moins fréquente conserve l’angle de His et génère moins de RGO. Plusieurs facteurs favorisent le reflux : dilatation de l’estomac par les aliments ou les gaz déglutis, ralentissement de sa vidange, dysfonction du sphincter pylorique, mais le mécanisme principal est représenté par la relaxation transitoire du SIO (RT-SIO) (5). La RT-SIO, nécessaire à la déglutition des aliments, est physiologique lorsqu’elle dure moins de 8 secondes, et devient pathologique au-delà. Il s’agit d’un mécanisme actif sous la dépendance d’un réflexe vagovagual empruntant les voies parasympathiques du nerf pneumo-gastrique, et non d’un simple phénomène passif de dilatation ou de relâchement musculaire. La voie afférente du réflexe part des récepteurs sensoriels gastriques et pharyngés, suit le trajet du nerf pneumogastrique jusqu’au noyau du faisceau solitaire, puis repart du noyau moteur dorsal du vague vers l’effecteur moteur du SIO, avec plusieurs neuromédiateurs, GABA (action connue du baclofène), et sérotonine (plus récemment identifiée). Les noyaux du nerf pneumogastrique situés dans le plancher du 4 e ventricule s’organisent en une véritable tonotopie. Ils reçoivent et intègrent des afférences du tube digestif, du système nerveux autonome (stress) et du cortex. Le contenu de l’estomac est malaxé dans sa partie inférieure, mais il stagne dans sa partie supérieure (fundus), réalisant une poche acide ( acid pocket) dont le surnageant, au contact de l’orifice hiatal va pouvoir refluer lors des RT-SIO (6). Le contenu gastrique est une véritable soupe composée des sécrétions de la muqueuse gastrique, en premier lieu acide chlorhydrique et pepsinogène, rapidement transformé en pepsine, mais aussi de sécrétions biliaires qui refluent dans l’estomac par le sphincter pylorique, sels biliaires et bicarbonates qui tamponnent l’acidité (7). Le reflux biliaire, souvent mal connu, est mis en évidence en fibroscopie digestive par la stagnation de bile dans l’estomac et peut être mesuré objectivement par Bilitec 2000 ®, exploration peu répandue en pratique courante. Le reflux est exploré couramment en clinique par la pHmétrie œsophagienne, filaire ou par capsule Bravo ®, par la pH-impédancemétrie œsophagienne (pHi) et par la manométrie œsophagienne (8). La manométrie étudie la dynamique de l’œsophage et enregistre les phénomènes moteurs du SSO, de l’œsophage et du SIO, qu’elle soit conventionnelle : avec 4 à 6 capteurs perfusés, ou en haute résolution avec plus de capteurs et une représentation topographique par code couleur (9). La pHmétrie objective les reflux acides liquides suivant des critères précis: le pourcentage de temps passé en 24 heures sous pH 4, nombre de reflux et de reflux longs (> 5 min), durée du reflux le plus long, score de DeMeester, mais elle n’identifie pas les reflux non acides ou gazeux. Comment se déroule une PHI ? Matériel La pHi associe sur la même sonde une pHmétrie avec deux électrodes et une impédancemétrie, suivant les travaux de J. Silny (1991) (10) et leur première application clinique en 2001 (11). L’impédance ou résistance au courant électrique entre deux électrodes sous tension, est mesurée en permanence. Elle est faible en cas de présence de liquide, on parle de chute d’impédance. Elle est au contraire forte s’il y a du gaz ou peu de liquide. Les chutes d’impédance successives, enregistrées par la série de capteurs disposés sur la sonde et couplés deux à deux, réalisent un véritable train d’ondes lors du passage d’un bolus liquidien dans l’œsophage, qu’il soit descendant en cas de déglutition ou ascendant en cas de reflux. Le passage de gaz, ascendant ou descendant, est également objectivé par un train d’onde, mais avec des augmentations d’impédances successives. Les boîtiers enregistreurs, les logiciels d’exploitation et les sondes sont commercialisés par trois principaux fabricants : Sandhill Scientific (boîtier ZepHr Comfor ® et sondes Tec LPR ®), MMS (boîtier Ohmega ®) et Medtronic (boîtier Digitrapper ® pH-Z ® et sondes Versaflex Z ®, développés à l’origine par Given Imaging puis Covidien) (figure 1). Figure 1. Sonde de pHi de type 15 cm, 8 rings. Les deux électrodes de pHmétrie sont distantes de 15 cm. Pratique Le patient doit être informé du but de l’examen, de son déroulement, avec si besoin des photos explicatives, des difficultés et incidents possibles et de sa prise en charge financière par l’Assurance maladie (sous le code HEQD002). Un examen ORL est réalisé comprenant une fibroscopie nasopharyngée. • L’examen. Le matin, après un petit-déjeuner léger, la sonde est introduite par voie nasale, sous anesthésie locale, parfois difficile du fait de l’anatomie des fosses nasales et du cavum, ou de reflexes nauséeux, d’une toux ou de vomissements parfois incoercibles, puis la sonde est fixée à l’orifice narinaire (figure 2). La sonde est connectée au boîtier enregistreur dont le fonctionnement est expliqué au patient, avec ses quatre boutons : prise de traitement, repas, coucher, marqueur d’événements. Il est conseillé d’avoir une activité et une alimentation les plus habituelles possibles, mais un arrêt de travail de 24 heures est souvent nécessaire. La sonde est parfois mal tolérée et peut être retirée avant la fin de l’examen. La gêne qu’elle entraîne est le plus souvent bien acceptée, sous réserve d’une bonne préparation et de la motivation du patient. La sonde est retirée 24 heures plus tard, le lendemain matin, le boîtier est connecté à l’ordinateur PC et le fichier d’enregistrement est chargé sur le logiciel Accuview ®. Figure 2. Sonde et boîtier enregistreur de pHi en place. • Les résultats. Le tracé peut être lu devant le patient, qui pourra préciser certains événements enregistrés, les prises alimentaires, surtout hors des repas. Ce tracé présentera très concrètement la pathologie du reflux (figure 3). Le compte rendu semi-automatique est édité, complété par les conclusions et les propositions thérapeutiques. Figure 3. Exemple de tracés de pHi. Conditions La pHi peut être réalisée soit sans traitement par IPP (inhibiteur de la pompe à protons), dans un but diagnostique du reflux, soit avec un traitement pour comprendre les raisons de son insuccès : reflux non acide et/ou reflux acide mal contrôlé, voire absence de reflux. Pour la pathologie ORL, la sonde est placée assez haute avec le capteur pHmétrique proximal mis en place dans le pharynx ou le haut de l’œsophage et le capteur distal dans le bas de l’œsophage. Pour le RGO classique, la sonde est plus distale, avec le capteur supérieur placé dans le bas œsophage et le capteur inférieur dans l’estomac. • Des définitions ont été établies. Un reflux est dit liquide lorsque l’impédance diminue de plus de 50 % ; il est gazeux lorsqu’elle augmente de plus de 50 % ; acide lorsque le pH est 4, peu acide entre 4 et 7, et alcalin > 7. L’étude franco-belge de 2005 chez 72 sujets sains a établi le nombre total normal de reflux à 44 par 24 heures, dont 59 % acides, 38 % peu acides, 10 % alcalins, 52 % liquides, 48 % mixtes gazeux et liquides. Certains auteurs ont souligné que le consensus international sur les valeurs normales de l’impédancemétrie œsophagienne était moins bien établi que pour la pHmétrie, aussi les relations temporelles entre les anomalies constatées lors de l’impédancemétrie et les manifestations cliniques supposées du reflux, dites associations symptomatiques, doivent être analysées avec le plus de précision possible, en s’aidant de l’interrogatoire du patient, du journal qu’il tient pendant les 24 heures de l’examen, et du marqueur d’événements du boîtier enregistreur. Pourquoi faire la PHI ? Principales indications La classification de Montréal de 2006 (12) distingue les manifestations œsophagiennes du reflux qui intéressent le gastroentérologue, et les manifestations extra-œsophagiennes qui concernent l’ORL ou le pneumologue, dont certaines sont
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