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Dermato - Allergo

Publié le  Lecture 16 mins

Dermatites de contact chez les boulangers et les pâtissiers

Marie-Bernadette CLEENEWERCK, Pôle Santé Travail Métropole Nord, Lille

Dans le secteur de l’alimentation, considéré comme l’un des plus à risques de dermatoses professionnelles, les boulangers, pâtissiers et confiseurs occupent une place importante dans des structures artisanales ou parfois dans de grandes entreprises(1). L’apparition de dermatites de contact est fréquente. Il s’agit principalement de dermatites d’irritation, mais également de dermatites allergiques de contact (DAC) (eczémas), d’urticaires de contact et de dermatites de contact aux protéines. Les étiologies s’avèrent multiples et variées. En boulangerie, les dermatites de contact d’origine professionnelle sont non seulement fréquentes, mais parfois sévères(2). Les risques importants de pathologies allergiques ORL et respiratoires dans ce secteur d’activités ne sont pas développés ici.

Données épidémiologiques D’après des informations allemandes recueillies dans le Registre des Dermatoses Professionnelles de la Bavière du Nord par Dickel et coll. (3), à propos de 5 285 cas , les boulangers représentent, après les coiffeurs, les métiers les plus à risques de dermatoses professionnelles. L’incidence annuelle est de 33,2 cas pour 10 000 employés. Les pâtissiers sont classés en 4 e position avec une incidence annuelle de 20,6 cas pour 10 000 employés (3). Selon Brisman et coll., dans une cohorte rétrospect ive de 2 923 boulangers suédois, l’atopie cutanée est considérée comme un facteur multipliant par 3 l’incidence de l’eczéma des mains dans cette profession (4). D’après les résultats d’une étude de cohorte prospective, portant sur le suivi de cas d’apprentis du secteur de l’alimentation pendant 3 ans, Bauer et coll. constatent que la majorité d’entre eux a développé un eczéma des mains dans les 6 premiers mois, avec une prévalence proche de 30 % (5). Tacke et coll., au nord de la Bavière, soulignent que les dermatites irritatives de contact (DIC) surviennent plus souvent que les DAC chez les boulangers (70 %/36 %) et les pâtissiers (87 %/16 %) (6). La DIC est également la principale cause de dermatoses professionnel les chez les boulangers et chez les pâtissiers, pour Dickel et coll. (7). Lors d’une enquête rétrospective chez 45 boulangers atteints d’une dermatite des mains, Meding et coll. constatent toutefois un taux plus important de DAC (44 % des cas soit 20/45) (8). En Finlande, les boulangers représentent le métier dans lequel l’incidence de l’urticaire de contact d’origine professionnelle sur 5 ans est la plus élevée (9). Parmi les 22 observations de dermatites de contact aux protéines (DCP) d’origine professionnelle, récemment colligées en France par A. Barbaud et coll. (10), 3 cas sont relevés chez les boulangers ou pâtissiers, tous sensibilisés aux farines. Description des principales activités professionnelles (11-12) Le boulanger Il réalise les opérations nécessaires à la fabrication du pain. Celles-ci sont adaptées en fonction des types de pains souhaités (choix des farines et des additifs, des méthodes de pétrissage et de cuisson, etc.). • Les différentes activités du métier de boulanger consistent à peser la farine et les produits annexes, à malaxer et pétrir les pâtes, à les façonner et à les poser sur des plaques. • Le pétrissage est l’opération de mélange des divers ingrédients entrant dans la composition du pain : farine, eau, levure et/ou levain et sel, le frasage étant le début du mélange. • Le fleurage ou farinage de la pâte et/ou du matériel est une manipulation effectuée à la volée, pour saupoudrer avec de la farine, à la fois le plan de travail mais aussi les machines. Cette pratique a lieu à toutes les étapes de la fabrication du pain. Elle permet à la pâte de ne pas coller au support sur lequel on la place (11). • Pour réaliser la division d’une masse de pâte en pâtons de formes habituellement rectangulaires, le boulanger utilise une diviseuse hydraulique dans laquelle il place la pâte, fleurée de manière abondante. • Pour diminuer l’épaisseur de la pâte, le laminage dans un laminoir va abaisser le pâton (12). • Le façonnage correspond à l’étape de mise en forme du pâton ou portion de pâte servant à chaque pain, après un préfaçonnage à la main. • La fermentation est une transformation de la pâte sous l’action des ferments contenus dans la farine ou ajoutés sous forme de levures. Un gonflement dû à un dégagement de gaz carbonique (qui fait « lever » la pâte) apparaît. • Les diverses étapes de cuisson des pains avec les opérations d’enfourner, de contrôler et de défourner sont également importantes. Les pains sont ensuite déposés dans des paniers. • Le nettoyage et l’entretien des équipements (matériel, machines et outils utilisés, etc.), des tables et des locaux de travail sont, par ailleurs, indispensables. • Les principaux ingrédients utilisés sont différentes farines et divers additifs. Parmi ces derniers, citons des enzymes comme l’alpha-amylase fongique, facilitateur de la fermentation par la levure, la xylanase fongique, enzyme réducteur de sucres, des levures comme la levure de bière, le levain, des antioxydants et des agents de blanchiment (fèves). Geste de fleurage au niveau de la diviseuse. Geste de façonnage des pâtons. DIC fissurée de l’auriculaire chez un boulanger. Hyperkératose palmaire chez une fourreuse de gauffres. Le pâtissier Il réalise les opérations nécessaires à la fabrication des gâteaux. Celles-ci sont adaptées en fonction des variétés des pâtisseries souhaitées. Le choix des recettes est d’abord établi (11,12). • Les différentes étapes de travail de la profession de pâtissier consistent à peser la farine et les autres produits, à étaler au laminoir, à former les fonds de tarte et autres et à les placer sur des plaques ou des toiles appelées couches. Après une mise au « repos », va débuter la cuisson des pâtes. Le pâtissier va également préparer des mousses, dresser et décorer la pâtisserie. Le nettoyage et l’entretien des équipements des locaux de travail font partie des activités habituelles. • Parmi les produits utilisés, les farines (blé, seigle et riz), les enzymes et les levures sont identiques à celles des boulangers. Principales étiologies des dermatites de contact Dermatites irritatives de contact La conjonction fréquente de facteurs d’irritation chimique et mécanique, à l’origine de DIC, est à retenir dans ce secteur professionnel de l’alimentation. • Facteurs d’irritation chimique Le travail en milieu humide (eau), le lavage répété des mains avec des produits plus ou moins adaptés à des concentrations parfois trop importantes et les manipulations itératives de détergents et de désinfectants favorisent la survenue de nombreux cas de DIC (13). Chez les boulangers-pâtissiers, la farine elle-même est un important facteur d’irritation cutanée, de même que la pâte humide, les jus de fruits (famille des citrus), les arômes, les épices et les enzymes (14). Les manipulations pluriquotidiennes de la pâte à pain, composée d’un mélange de farine et d’eau, d’agents édulcorants avec du chlorure de sodium, de l’acide acétique, de l’acide lactique, de l’acide L-ascorbique (améliorant pour la farine), des agents antioxydants (gallates) et des enzymes, provoquent de nombreux cas de dermatites d’irritation par contacts cutanés directs. D’après AA. Fisher, les autres irritants additionnels que les boulangers peuvent rencontrer sont des agents blanchissants, du sulfate et de l’acétate de calcium, des agents émulsifiants, du bicarbonate de potassium ainsi que de la levure (15). L’emploi fréquent, intensif parfois, de détergents pour le nettoyage des ustensiles et des locaux peut être à l’origine de lésions cutanées irritatives des mains, notamment chez les apprentis affectés aux tâches de nettoyage (16). C. Géraut et coll. signalent même des risques de brûlures chimiques professionnelles à la suite de manipulations de détergents puissants. • Facteurs d’irritation mécanique Des microtraumatismes et frottement s répétés peuvent induire des callosités, ou hyperkératoses réactionnelles professionnelles, en regard de la face palmaire des mains et du bord cubital des auriculaires chez les boulangers, à la suite de gestes de pression quand ils pétrissent et malaxent la pâte, à « mains nues »… (17). Comme le soulignent D. Dupas et C. Géraut (21), le caractère humide et collant (adhésivité) de la pâte à pain amène le boulanger à se frotter énergiquement les mains, au risque « d’abîmer » son épiderme (16). Dermatites allergiques de contact (DAC) ou eczémas de contact allergiques M.-N. Crépy a classé récemment les principaux allergènes responsables de DAC en milieu de travail en boulangerie, pâtisserie et confiserie que nous reprenons ici (18). • Parmi les aliments eux-mêmes, les principaux fruits susceptibles d’être incriminés appartiennent aux agrumes (citrus fruits) : orange, citron, pamplemousse, mandarine. Le limonène, terpène présent dans de nombreux agrumes est un allergène à évoquer. Les arômes peuvent en contenir (1). • Divers additifs du pain et de la pâtisserie-confiserie sont à retenir, comme des conservateurs, des antioxydants, des arômes et des colorants alimentaires. • Les principaux conservateurs retenus sont les suivants : acide ascorbique, benzoate de sodium, ascorbate de sodium et de calcium, acide sorbique, sorbate de potasse et de calcium ; sulfites et bisulfites utilisés aussi comme antioxydants, agents de blanchiment et antibactériens dans les aliments et les boissons (1,18). • Les antioxydants principalement cités sont surtout le gallate de propyle (E310), d’octyle (E311) et de dodécyle (E312). Ils peuvent être présents dans de la margarine, des pâtisseries et du chewing-gum (18). Le terbutyl-p-hydroxylanisole (BHA) (E320) et le butylhydroxytoluène (E321) sont utilisés comme antioxydants dans des produits gras, des glaces et des céréales. Les tocophérols (vitamine E) correspondent également à des antioxydants. • Les arômes et épices comprennent : l’anis, la cardamome, la cannelle, le gingembre, la vanille, les clous de girofle, l’alcool cinnamique, l’aldéhyde cinnamique, l’eugénol, l’isoeugénol, le menthol, l’anéthole, l’huile de rose, le citral, le géraniol, le maltol et la propolis. Il convient de rappeler que certains de ces allergènes sont présents dans la composition des mélanges de parfums de la batterie standard européenne : fragrance-mix I et II. La cannelle est une épice contenant de l’eugénol et de l’aldéhyde cinnamique, allergènes présents dans le fragrance-mix I. Elle est très utilisée par les boulangers et les pâtissiers. F. Guarneri rapporte l’observation d’un boulanger atteint d’un eczéma professionnel des mains dû à une allergie cutanée de contact à l’aldéhyde cinnamique. Celui-ci prétend utiliser beaucoup d’ingrédients, notamment la cannelle (19). Les clous de girofle sont très riches en eugénol. • Les colorants

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