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Thérapeutique

Publié le  Lecture 13 mins

Traitement du cancer bronchique : où en est-on ?

Jean-Baptiste ASSIE, Anthony CANELLAS, Jacques CADRANEL, Hôpital Tenon, service de pneumologie ; Centre expert en oncologie thoracique ; Centre constitutif maladies pulmonaires rares ; Médecine Sorbonne Université, Paris

La prise en charge du cancer du poumon a considérablement changé ces dernières années avec des survies sans progression allant jusque 20 mois pour des cancers étendus, dans certains sous-groupes de malades. En effet, le pronostic s’améliore du fait probablement de plusieurs facteurs : amélioration de la filière de soins avec des délais de prise en charge plus courts, amélioration de la prise en charge péri-opératoire et des techniques de radiothérapie, meilleure sélection des malades à traiter (âge, PS, comorbidités) et, enfin, impact des nouvelles stratégies thérapeutiques (chimiothérapie de maintenance, thérapies ciblées).

Les nouveautés thérapeutiques ont surtout intéressé les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) métastatiques avec l’avènement des thérapies ciblées, chez les patients arborant des anomalies moléculaires EGFR/ALK/ROS1/ BRAF permettant des gains de survie nettement supérieurs à la chimiothérapie. Cette approche a été rendue possible par le développement des nouvelles techniques de biologie moléculaire dont le Next Generating Sequencing (NGS) et l’étude de l’exome avec la recherche de panels de mutations et réarrangements de plus en plus larges ; certaines situations ou mutations inhabituelles nécessitent des réunions de concertation pluridisciplinaires spécialisées dites « moléculaires ». Jusqu’à récemment, en l’absence d’addiction oncogénique, une chimiothérapie à base de sels de platine était préférée avec l’association au bévacizumab (pour certains malades avec un CBNPC non épidermoïde) permettant une amélioration de la survie sans progression (SSP) de 2,0 mois. Depuis 2015, l’immunothérapie s’est rapidement positionnée comme le standard thérapeutique de 2 e ligne avec le nivolumab (survie globale de 9,2 mois contre 6,0 pour le docétaxel) (1) puis en 1 re ligne avec le pembrolizumab permettant d’obtenir une SSP de 10,3 versus 6,0 mois pour le bras chimiothérapie, chez les malades présentant une forte expression tumorale de PD-L1 (> 50 %) (2). L’intensité d’ex pression de PD-L1 par la tumeur comme seul biomarqueur de bonne réponse ne semble néanmoins pas suffisant. La recherche de nouveaux biomarqueurs comme la charge mutationnelle tumorale ou l’abondance de l’infiltration lymphocytaire du microenvironnement tumoral permettront probablement de détecter les profils phénotypiques des patients potentiellement répondeurs à l’immunothérapie. Une meilleure compréhension des mécanismes d’action de l’immunothérapie semble être le tournant de la prise en charge des cancers et encore plus des CBNPC n’exprimant pas d’anomalie moléculaire, mais aussi des cancers bronchiques à petites cellules (CPC). Nous aborderons dans cet article les avancées récentes dans la prise en charge thérapeutiques des CBNPC localement avancés (non chirurgicaux) et métastatiques ainsi que les CPC. Cancers bronchiques non à petites cellules métastasiques Localement avancés et opérés : un bénéfice de la radiothérapie ? La radiothérapie de consolidation des tumeurs de stades IIIa N2 opérées après chimiothérapie néoadjuvante semble diminuer le risque de rechute selon une métaanalyse. Toutefois, cette situation n’a jamais été évaluée par un essai thérapeutique. L’étude LUNG-ART de l’Intergroupe français de cancérologie thoracique (IFCT) qui sera clôturée cette année permettra de répondre à cette question. Un traitement d’entretien efficace pour cancers localement avancés non résécables Le traitement de référence pour ces patients est établi depuis 2010 avec un bénéfice absolu à 5 ans de 4,5 % de la radiochimiothérapie (RTCT) concomitante en comparaison à un traitement séquentiel. L’immunothérapie en traitement adjuvant d’une RTCT se profile comme le nouveau standard thérapeutique après la publication en 2018 de l’essai PACIFIC démontrant qu’un traitement d’entretien de 12 mois par durvalumab (anti-PD-L1) après une RTCT permettait d’observer une SSP médiane de 16,8 versus 5,6 mois pour le bras placebo (figures 1 et 2) (3). Figure 1. Essai PACIFIC : schéma de l’essai. Figure 2. Essai PACIFIC : résultats de survie sans progression. Les CBNPC métastatiques, des nouveautés importantes La 8 e classification TNM de l’IASLC en 2016 a mis un point majeur à distinguer des patients oligo-métastatiques (M1a ou M1b) des patients métastatiques multiples. En effet, une prise en charge à visée curative peut être envisagée en cas de métastase unique. En 10 ans la recherche des anomalies moléculaires est devenue primordiale et progressivement enrichie. Initialement réservée aux patients jeunes ou non fumeurs, la recherche d’une anomalie moléculaire est dorénavant impérative chez tout patient présentant un CBNPC (non épidermoïde) métastatique avant la mise en route du traitement. Cette approche s’est par ailleurs révélée intéressante en termes de coût. Néanmoins, en fonction des systèmes de santé, on peut être amené à la réaliser de manière séquentielle en privilégiant les mutations les plus fréquentes (KRAS) et les plus facilement indentifiables et ciblables (EGFR et ALK). En effet depuis 2018, il est recommandé de rechercher les mutations de l’EGFR, de BRAF et les réarrangements de ALK et de ROS1 (4). Depuis 2018, il est recommandé de rechercher les mutations des gènes EGFRet BRAF et les réarrangements de ALK et ROS1 en première intention. Ces anomalies sont le plus souvent retrouvées au cours des adénocarcinomes et chez les personnes non fumeuses ou ayant interrompues depuis longtemps leur tabagisme. D’autres biomarqueurs émergeants peuvent également être recherchés, même s’ils sont beaucoup moins fréquents (RET, NTRK, NRG1, etc.) ou avec une dépendance oncogénique moins évidente (HER2, MET). Par ailleurs, il est également recommandé de rechercher la mutation T790M de résistance de l’EGFR après traitement par un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de 1 re ou 2 e génération. Les biomarqueurs validés en 2018 offrent de nouvelles possibilités • Les mutations de l’EGFR, encore et toujours plus précises Les mutations de l’EGFR restent aujourd’hui le mécanisme de dépendance le plus fréquemment observé au cours des CBNPC étendus, représentant 12 % des adénocarcinomes et 44 % des CBNPC des non-fumeurs, en France. Il est actuellement bien démontré que les ITK anti-EGFR de 1 re génération (erlotinib, gefinitib) ou 2 e génération (afatinib) ont une efficacité supérieure à la chimiothérapie en 1 re ligne de traitement en termes de réponse et de SSP. La progression sous ITK anti-EGFR est devenue un enjeu important avec 3 questions auxquelles il est obligatoire de répondre : De quel type de progression s’agit-il ? Il est important de différencier les malades présentant une progression rapide et multisites qui justifient d’un traitement systémique, de ceux présentant une progression lente mono ou oligosites qui pourraient bénéficier d’un traitement locorégional exclusif (chirurgie, cimentoplastie, irradiation, radiofréquence), avec la poursuite de l’ITK au-delà de la progression selon les critères RECIST (5). De même, il est essentiel de réaliser une IRM cérébrale pour dépister dans le suivi les progressions cérébrales exclusives qui restent sensibles aux ITK et sont accessibles à une radiothérapie cérébrale stéréotaxique. S’agit-il d’une résistance pharmacologique ? Il est important de s’assurer que le malade prend toujours son traitement et qu’il n’existe pas de facteurs pouvant interférer avec son efficacité (troubles digestifs, prise pendant les repas pour l’afatinib, reprise d’un tabagisme ou administration d’un inhibiteur de la pompe à protons pour l’erlotinib, interaction avec un médicament ou un traitement alternatif métabolisé par les mêmes cytochromes). Il peut être utile d’adresser le malade pour une consultation de conciliation thérapeutique avec le pharmacien hospitalier et/ou de réaliser des dosages des ITK. Existe-t-il un mécanisme de résistance moléculaire identifiable et ciblable ? La recherche de mécanisme de résistance impose un nouveau prélèvement tumoral, tissulaire ou « liquide » sur un ADN tumoral circulant (ADNtc). En cas de positivité de la mutation T790M un traitement par osimertinib est devenu le standard en 2 e ligne depuis l’essai AURA. Un grand nombre d’autres mécanismes ont été décrits : – amplification de MET (6-14 %), d’HER3 ou d’HER2 ; – phénomène de transition épithélio-mésenchymateuse et trans-différenciation en cancer à petites cellules (5-22 %) ; – altérations moléculaires dans la voie de signalisation de l’EGFR qui semblent pour certains d’entre eux réversibles à l’arrêt de l’ITK. Pour finir, plusieurs mécanismes peuvent être associés chez un même malade, justifiant l’intérêt potentiel d’une nouvelle biopsie pour guider la stratégie thérapeutique et permettre l’inclusion des malades dans des essais thérapeutiques. Les stratégies thérapeutiques de 1 re et de 2 e ligne étaient donc bien établies mais ont été bouleversées par l’arrivée de l’osimertinib en 1 re ligne avec l ’essai de phase III FLAURA (figure 3) (6). En effet, ce travail a permis de montrer la supériorité de l’osimertinib au géfitinib et à l’erlotinib en 1 re ligne de traitement avec une SSP de 18,9 mois versus 10, 2 mois respectivement. Les résultats en survie globale ne sont pas encore matures. Son autorisation de mise sur le marché a été acceptée par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis et par l’ European Medicine Agency, mais le prix et le remboursement ne sont pas encore obtenus en France. Figure 3. Schéma de l’essai de phase 3 FLAURA et courbes de survie. • Un succès non obtenu pour les mutations de BRAF Le couple dabrafénib (ITK antiBRAF) et tramétinib (ITK antiMEK) a montré une efficacité en 2 e ligne devant un taux de réponse de l’ordre de 65 % chez les patients por teurs d’une mutation BRAF V600E (7). Ce double blocage de la voie des MAP-kinase a également fait l’objet d’un essai de phase II en 1 re ligne qui a inclus 36 patients. Celui-ci a objectivé 64 % de réponse globale avec 2 patients ayant une réponse complète et une SSP médiane de 14,6 mois (8). Cependant, son autorisation de mise sur le marché en France a finalement obtenu un avis défavorable de la haute autorité de santé en mars 2018 devant l’absence de compa raison à un bras chimiothérapie. Les recommandations tendent donc à adopter une chimiothérapie et d’instaurer l’association dabrafénib-tramétinib en 2 e ligne. • Une florescence thérapeutique pour les réarrangements de ALK Le crizotinib (ITK anti-ALK de 1 re génération) a été le premier traitement à montrer une supériorité par rapport à la chimiothérapie en 1 re ligne. Il en est de même pour le céritinib (ITK antiALK de 2 e

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