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Apnées du sommeil

Publié le  Lecture 18 mins

Prise en charge du SAOS chez la personne vivant avec un diabète

Anne-Laure BOREL, Grenoble

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) correspond à des collapsus du pharynx, complets ou partiels, survenant de manière répétée au cours du sommeil. Ces collapsus répétés du pharynx ont quatre conséquences principales : survenue de séquences désaturationréoxygénation, épisodes transitoires d’hypercapnie, efforts respiratoires augmentés et survenue de micro-éveils terminant les événements respiratoires. Le SAOS est favorisé, en dehors d’anomalies constituées réduisant le diamètre des voies aériennes supérieures (rétrognathisme, micrognathisme, etc.), par l’excès de poids (surpoids/obésité) qui réduit les volumes thoraciques et le calibre des voies aériennes supérieures(1). En raison du facteur de risque commun que représente l’obésité, notamment l’obésité abdominale, SAOS et diabète de type 2 sont fréquemment associés. Il apparaît toutefois que l’association entre SAOS et diabète n’est pas simplement liée à ce facteur étiologique commun et dépasse le seul cadre du diabète de type 2 (DT2). Le SAOS est ainsi fréquent chez les personnes avec un diabète de type 1 (DT1) et pourrait également favoriser le diabète gestationnel.

Épidémiologie du SAOS En population générale En Europe, une étude suisse récente a évalué la prévalence du SAOS à partir d’une cohorte en population générale. Dans cette cohorte appelée « HypnoLAus », 48 % des participants étaient des hommes, d’âge médian 57 ans et d’indice de masse corporelle (IMC) moyen 25,6 kg/m 2. La prévalence de TRS modérés à sévères, dépistés par polysomnographie, était de 49,7 % chez les hommes et 23,4 % chez les femmes. La prévalence du SAOS modéré à sévère était environ de 7 % pour les hommes et 2 % pour les femmes de moins de 60 ans. Les facteurs associés aux TRS étaient l’âge, le sexe masculin, l’IMC, le tour de cou, le rapport taille sur hanches, le ronflement, mais pas la somnolence diurne (score d’Epworth). Les comorbidités associées, dans des modèles ajustés, étaient l’hypertension artérielle, le diabète, le syndrome métabolique et la dépression (2). Chez les sujets qui ont un diabète Plusieurs études ont permis d’évaluer la prévalence des TRS chez les patients ayant un diabète (tableau1). Celle-ci est élevée chez les patients qui présentent un diabète de type2, elle varie selon les populations étudiées, de 58 à 86% pour un IAH > 5 et de 18 à 53,1 % pour les formes modérées et sévères. Dans la cohorte française ENTRED, la présence d’un SAOS a été évaluée à l’aide d’autoquestionnaires chez 3 894 personnes porteuses d’un DT2 sélectionnées au hasard à partir des bases de données de l’assurance maladie. Le SAOS était déjà connu chez 8,5 % de ces patients, mais 16 % supplémentaires des sujets de la cohorte présentaient des signes cliniques évocateurs de SAOS : ronflements fréquents associés à une somnolence excessive et/ou des apnées constatées par l’entourage (3). La prévalence des TRS modérés à sévères est également élevée chez les personnes avec un DT1, variant de 10,3 à 40 % selon les études (tableau 2) ; elle est évaluée en moyenne à 16,7 % par une métaanalyse récente (4). *Facteurs associés avec la présence ou la sévérité de l’apnée du sommeil, hors symptômes cliniques de SAOS.Abréviations : IAH, index d’apnées-hypopnées ; IMC, indice de masse corporelle, H, homme ; F, femmes ; PSG : polysomnographie ; PG : polygraphie respiratoire ; DT, diabète ; TT, tour de taille ; MCV, maladies cardiovasculaires ; HTA, hypertension ar- térielle ; NR, non rapporté. *HTA persistante malgré la correction du mode de vie et la mise en place de 3 traitements antihypertenseurs, dont un diurétique thiazidique Incidence du diabète chez les sujets qui ont un SAOS Une métaanalyse publiée en 2016 a rassemblé les résultats de 8 études qui ont analysé le risque de diabète incident chez des patients apnéiques comparés à des sujets non apnéiques. Elle retrouvait un risque significatif de diabète incident avec une hétérogénéité modérée entre les études ( I 2 : 47,9 %). Le risque relatif (RR) était de 2,02 (IC95% : 1,57-2,61) avec un risque similaire sur les deux études qui ont utilisé le seuil d’IAH > 5 actuellement utilisé pour définir un SAOS léger. Après ajustement pour l’âge, le sexe et l’IMC, le RR était atténué à 1,49 (IC95% : 1,27-1,75) pour les 8études et 1,42 (IC95% : 1,02-1,99) pour les 2études utilisant le critère d’IAH à 5 (14). Définitions Troubles respiratoires du sommeil (TRS) : présence d’apnées (interruption des débits de 10s) et/ou d’hypopnées (baisse du débit respiratoire d’au moins 30 % associé à une désaturation en oxygène de plus de 3 % et/ou un microéveil). Les troubles respiratoires du sommeil sont considérés comme légers si la somme des apnées et hypopnées qui définitl’index d’apnées-hypopnées (IAH) en événements/h est comprise entre 5 et 14,9 événements/h. Ils sont modérés entre 15 et 29,9, sévères au-delà de 30. SAOS : il se définit par la présence de TRS associés à des signes cliniques parmi lesquels somnolence diurne, ronflements sévères et quotidiens, sensation d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil, fatigue diurne, nycturie et céphalées matinales. Le SAOS est considéré comme léger, modéré ou sévère selon le niveau d’IAH. La somnolence diurne peut s’apprécier par une échelle de somnolence d’Epworth (score > 10/24) et par un interrogatoire clinique. Mécanismes physiopathologiques associés au SAOS Conséquences immédiates Les conséquences immédiates des événements respiratoires survenant au cours du sommeil sont représentées par une hypoxie intermittente (survenue séquentielle de phénomènes cycliques de désaturation-réoxygénation), une augmentation transitoire de la capnie durant le collapsus pharyngé, des variations considérables des pressions intrathoraciques du fait des efforts respiratoires du patient pour lutter contre le collapsus, la survenue de micro-éveils terminant les événements respiratoires et entraînant une fragmentation du sommeil. Parmi ces stimuli, la sévérité de l’hypoxémie intermittente nocturne est le principal déterminant et prédicteur des complications cardiovasculaires et métaboliques. Mécanismes intermédiaires Les stimuli contemporains de chaque événement respiratoire vont engendrer des mécanismes chroniques d’adaptation à l’hypoxie intermittente. Des études sur cultures cellulaires, sur modèles animaux et chez l’homme ont permis de montrer que l’hypoxie intermittente entraîne une hyperactivité sympathique (15,16) , une inflammation systémique et vasculaire via NFkB (17-20), un stress oxydant (21) et une stimulation pro-inflammatoire du tissu adipeux via l’hypoxie et HIF-1 (diminution des adiponectines, infiltration macrophagique via une augmentation de MCP1) (22,23). La fragmentation du sommeil entraîne également des perturbations du cycle nycthéméral de la sécrétion de cortisol et de l’axe somatotrope entraînant une baisse de l’IGF-1 (24-27). Conséquences de ces mécanismes intermédiaires Dysfonction endothéliale, modification tensionnelle, rigidité artérielle L’hyperactivité sympathique, l’inflammation et le stress oxydant conduisent à une dysfonction endothéliale, un remodelage vasculaire caractérisé par une augmentation de la rigidité artérielle et de l’athérosclérose (28, 29). Ces mécanismes sont à l’origine de l’association dose-réponse très forte entre SAOS et hypertension artérielle. La dysfonction endothéliale et par conséquent l’altération microcirculatoire pourraient contribuer aux complications microvasculaires du diabète en favorisant également l’augmentation des produits avancés de la glycation et des altérations de la signalisation de la protéine kinase C (30-32). Insulinorésistance, insulinosécrétion, dyslipidémie L’hyperactivité sympathique augmente la glycogénolyse et la néoglucogenèse hépatique. Les flux d’acides gras libres vers le foie et le muscle sont également augmentés par activation de la lipolyse, ce qui favorise l’insulinorésistance, mais aussi l’aggravation des hépatopathies non alcooliques dysmétaboliques (33) . Des études fondamentales ont montré un effet apoptotique de l’hypoxie intermittente sur des cel lules bêta-panc réatiques (34,35) lié au stress oxydant. L’hypoxie intermittente induit une inflammation du tissu adipeux et favorise la lipolyse (36). La sévérité du SAOS est l iée de manière dosedépendante à la dyslipidémie combinée ou dyslipidémie d’insulinorésistance (élévation des triglycérides et bai s se du HDL-C) après ajustement pour les facteurs confondants (figure) (37). Figure. Synthèse des conséquences cardio-métaboliques du SAOS. Les enjeux Risque d’accidents et qualité de vie La somnolence diurne doit être prise en compte dans l’évaluation de la sévérité du SAOS comme principal symptôme en lien avec la détérioration de la qualité de vie. L’hypovigilance diurne induite par la répétition des micro-éveils nocturnes qui fragmentent le sommeil peut être à l’origine de situations dangereuses liées au risque d’endormissement dans des c ircons tances tel les que la conduite de véhicules ou le travail (38,39). Des troubles cognitifs (troubles de l’attention, de la mémoire et de la concentration) sont également au premier plan de l’altération de la qualité de vie des patients qui présentent un SAOS (40). De plus, elle est associée à une augmentation du risque d’accidents routiers évités et réels (38). Dans la problématique spécifique de la personne vivant avec un diabète, ce risque d’accident routier lié au SAOS s’ajoute au risque lié à celui de possibles hypoglycémies iatrogènes. Face à un événement aigu, les deux hypothèses doivent être évoquées. Risque d’hypertension artérielle Il existe une forte relation entre hypertension artérielle et SAOS. La prévalence de l’hypertension augmente de manière dose-dépendante avec la sévérité du TRS (41-43). La prévalence du SAOS est de 83 % chez des patients ayant une hypertension artérielle résistante. Plusieurs cohortes ont montré que les TRS modérés à sévères (IAH > 15) sont associés à un risque de développer une hypertension. Risque cardiovasculaire Le pronostic cardiovasculaire du SAOS est dépendant des symptômes, de la quantité de désaturations nocturnes et surtout des comorbidités cardiométaboliques qui constituent le principal facteur pronostique de la maladie (44-46). Plusieurs études de cohortes ont montré que le SAOS est lui-même associé à une augmentation de la mortalité et de l’incidence des événements cardiovasculaires. Qualité du contrôle glycémique Plusieurs études ont mis en évidence une corrélation positive entre la sévérité du SAOS et l’augmentation de l’HbA 1c chez des sujets présentant un diabète (essentiellement un DT2), y compris après ajustement sur les principaux facteurs de confusion et en utilisant plusieurs critères d’évaluation (47-51). La cohorte européenne ESADA (49) (6 616 sujets éligibles, suspects de TRS) a permis d’estimer la prévalence du DT2 chez les sujets apnéiques (17, 2 %) et a retrouvé un effet-dose entre sévérité du SAOS et mauvais contrôle glycémique puisque les taux moyens ajustés d’HbA1c chez les patients porteurs d’un diabète étaient de 6,76 %, 6,70 %, 6,88 % et 7,48 % respectivement chez les sujets dont le SAOS était

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