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Pneumologie

Publié le  Lecture 15 mins

Dilatation des bronches : questions et réponses pour une vision pratique de la maladie

Philippe SERRIER, Pneumologie et soins intensifs respiratoires, hôpital Cochin, Paris

Depuis quelques années, le diagnostic des dilatations des bronches (DDB) a singulièrement progressé. La banalisation et l’usage très large de la tomodensitométrie (TDM) thoracique en est sans doute en grande partie responsable. Le diagnostic plus fréquent a comme corollaire d’attiser l’intérêt des cliniciens et des chercheurs.

Les données épidémiologiques les plus récentes indiquent que les dilatations des bronches non mucoviscidosiques ont une prévalence de 139 cas/100 000 habitants aux États-Unis en 2013 tous âges confondus. L’incidence et la prévalence augmentent avec l’âge avec une incidence qui double entre la population de 65 à 74 ans et les plus de 75 ans. Quelle que soit la tranche d’âge, il existe une prédominance féminine. La prise en charge a été sensiblement modifiée ces dernières années. Celle-ci va encore se modifier à l’avenir, grâce aux informations obtenues à partir de la constitution de la cohorte européenne EMBARC qui recueille les données cliniques, microbiologiques, radiologiques, étiologiques et évolutives des patients porteurs de dilatation des bronches non mucoviscidosiques. Les plus vieux d’entre nous étaient à la fois démunis et fatalistes, habitués qu’ils étaient à prendre en charge des patients rescapés de la tuberculose pulmonaire. Après tout, ils s’en étaient tirés, ils n’avaient pas trop à se plaindre. L’attitude que nous pouvions avoir s’apparentait à « l’aquabonisme mortifère ». Le diagnostic, c’est la TDM, le traitement c’est beaucoup le drainage bronchique et l’antibiothérapie parmi d’autres. Reste à chercher la cause. Ce rapide parcours autour des dilatations des bronches a pour but d’éveiller chez chacun de nous l’intérêt d’évoquer le diagnostic et savoir vers quelle prise en charge se diriger. Plus encore, c’est ma vision de l’approche de la maladie que je livre ici, ma « fiche pratique ». Je resterai à distance raisonnable de la mucoviscidose, méritant un sujet à part entière, mais ferai tout pour que vous y pensiez. Le dépistage systématique ne date que de 2002 et n’est pas obligatoire. Il faudra y penser chez les patients nés avant cette date et chez les étrangers. Il y a de fortes chances que ceux que vous verrez soient des formes de découverte à l’âge adulte. Mais comment faire le diagnostic ? Les dilatations des bronches sont définies par l’imagerie, notamment le scanner (tomodensitométrie haute définition en coupes fines sans injection). Avant le scanner (et ce n’est pas si vieux) La clinique orientait le diagnostic, comme aujourd’hui : le ou la patient(e) (mais la dilatation des bronches est plus fréquente chez les femmes) a une bronchorrhée chronique, l’expectoration qui sédimente en deux couches, l’une superficielle muqueuse claire, l’autre, sous-jacente, purulente. Mettre son nez dessus, c’est repérer l’odeur de « plâtre frais » ou une odeur fétide. L’imagerie restait réduite à la radiographie de thorax face et profil mais pouvait orienter vers le diagnostic en montrant un épaississement des parois bronchiques, mieux visibles dans les bases, mimant des « rails ». Et la bronchographie au lipiodol ? Il s’agissait d’utiliser un produit de contraste huileux qui une fois inhalé se collait aux parois bronchiques, mettant en évidence les glandes à mucus hypertrophiées, nombreuses et des bronches dystrophiques. Si on peut oublier la bronchographie au lipiodol (et ses complications nombreuses…), on n’oubliera pas complètement la radiographie de thorax qui peut nous faire évoquer le diagnostic. Et aujourd'hui On définit les dilatations des bronches par une augmentation permanente et irréversible du calibre bronchique dans des territoires pulmonaires plus ou moins étendus. La définition est scanographique selon des critères bien définis, un seul suffit pour affirmer le diagnostic : diamètre bronchique ≥ 1,5 fois le diamètre artériel (image en « bague à chaton ») ; absence d’effilement bronchique vers la périphérie, parois bronchiques parallèles sur au moins 2 cm (image en « rail bronchique ») ; bronches encore visibles à moins de 1 cm de la plèvre. Mais quelles en sont les causes ? Interviennent des facteurs infectieux, mécaniques, environnementaux, toxiques et des facteurs liés à l’hôte. Par quels mécanismes ? Il faut retenir le cercle vicieux (dit cercle vicieux de Cole publié dans Thorax en 1985) : agression de la muqueuse – infections favorisées – colonisation bactérienne chronicisée – nouvelles lésions – destruction muqueuse – agression muqueuse – infection, etc. Les polynucléaires neutrophiles, nombreux dans la lumière et la paroi bronchique, sécrètent des protéases, notamment l’élastase du neutrophile. Ces protéases, dont la sécrétion est entretenue par l’infection chronique, sont à l’origine d’une inflammation chronique des voies aériennes. Les toxines bactériennes aggravent l’agression de la muqueuse. La clairance mucociliaire en est altérée. C’est un des mécanismes de l’augmentation de la sécrétion muqueuse et de l’encombrement bronchique, les cils ne fonctionnant plus normalement. Les mécanismes d’immunité cellulaire incriminés regroupent l’infiltration de la muqueuse par des lymphocytes CD8, des macrophages, l’interleukine IL-8, le TNF alpha. Quelles sont les formes de DDB ? Environ 50 % n’ont pas de cause identifiée, dites idiopathiques, 30 % sont post-infectieuses, 8 à 10 % sont associées à un déficit immunitaire, 7 à 8 % sont associées à une aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA) et 4 à 5 % sont liées à un reflux gastrooesophagien (RGO), en rappelant la fréquence des RGO, ce qui dilue un peu sa responsabilité. C’est la conjonction de facteurs environnementaux, surtout infectieux, et d’un terrain prédisposant qui aboutissent à la DDB. On peut les décrire en diffuses ou localisées. • Les DDB diffuses sont représentées par les maladies immunes, certaines pathologies congénitales dont la mucoviscidose (les lésions prédominant cependant le plus souvent aux lobes supérieurs), la dyskinésie ciliaire primitive. Elles peuvent être séquellaires (rougeole). • Les DDB localisées sont le plus souvent post-infectieuses ou obstructives. Elles peuvent être dues à une obstruction bronchique ou une compression de la bronche. Si elles sont secondaires à un corps étranger, elles sont alors localisées. Les infections broncho-pulmonaires survenues tôt (ou moins tôt) dans la vie sont des pourvoyeurs classiques. Historiquement, c’est la tuberculose qui était une cause très fréquente de DDB, mais on n’oubliera pas le VRS, la coqueluche, la rougeole, etc. Bref, toute infection sévère ou répétée dans l’enfance peut être la cause de survenue d’une DDB. Quels sont les facteurs environnementaux ? • Le principal est l’infection, on l’a vu. Tuberculose surtout, ce qui reste d’actualité, par destruction parenchymateuse, cicatrisation fibreuse, compression de la bronche par une adénopathie. • Les mycobactérioses non tuberculeuses, dites atypiques : on se souvient du syndrome de Lady Windermere, avec cette DDB du lobe moyen et de la lingula, avec colonisation par Mycobacterium avium, sans doute due autant à un déficit immunitaire qu’aux efforts que déployait la Lady pour ne pas tousser et cracher… Mais aussi, coqueluche, rougeole, VRS, mycoplasmes, etc. avec une place particulière pour le VIH, la DDB étant plus fréquente chez les sujets infectés par ce virus. • L’ Aspergillus sous la forme d’une ABPA (aspergillose bronchopulmonaire allergique) se caractérise, en principe, par des DDB proximales, des bouchons muqueux composés de mucus riche en polynucléaires neutrophiles et mycélium aspergillaire responsable d’impactions mucoïdes spontanément denses au scanner thoracique) et à une hyperréactivité bronchique provoquée par des réactions allergiques vis-à-vis des antigènes aspergillaires. • Les facteurs locaux : les corps étrangers intrabronchiques, les compressions bronchiques extrinsèques, certaines tumeurs endobronchiques d’évolution lente, les traumatismes. Il y a parfois alors des solutions chirurgicales. • L’agression chronique inhalée : on a parlé du RGO. Il ne semble pas y avoir de doute. C’est un co-facteur de DDB, a fortiori lorsqu’il existe une hernie hiatale. Mais l’un comme l’autre étant très fréquents, la responsabilité exclusive du RGO dans la DDB est peut-être exagérée. On en parle plus volontiers dans les DDB des lobes inférieurs. On retiendra aussi les pneumopathies d’inhalation chez les patients, le plus souvent âgés, présentant des troubles de la déglutition. • La BPCO, modèle d’agression chronique de toxique inhalé. Et l'hôte dans tout cela ? Les maladies génétiques ou malformatives Il y a les raretés : syndrome de Mounier-Kühn, syndrome de Swyer-James, de Marfan, les déficits en alpha-1-antitrypsine dont l’action équilibre celle de l’élastase neutrophilique. Plus fréquents : les déficits immunitaires, les maladies ciliaires, la mucoviscidose. Les déficits immunitaires Il s’agit des hypo- ou agammaglobulinémies, les déficits en une classe d’Ig (A, M ou G), en rappelant la fréquence des déficits en IgA, les déficits en sousclasses d’IgG, surtout en IgG2 et 3, le syndrome des hyper-IgE associant DDB, infections fréquentes, dermatite eczématiforme, syndrome dysmorphique. Ces déficits peuvent parfois être substitués. La, ou plutôt, les dyskinésies ciliaires primitives (DCP) `La motilité ciliaire implique 35 protéines codées par au moins autant de gènes qui eux-mêmes peuvent présenter un nombre non négligeable de mutations (par exemple, la mucoviscidose qui est une pathologie monogénique, peut être la conséquence d’une mutation parmi plus de 2 000, etc.). Ceci explique pourquoi l’enquête génétique des DCP est très complexe avec un mode de transmission qui peut varier selon le gène impliqué et qui ne se fait donc pas en routine. Les DCP se présentent le plus souvent avec une historique d’infections ORL récidivantes (otites et sinusites), la présence fréquente d’une polypose naso-sinusienne et la présence de DDB le plus souvent prédominant aux bases. Il existe parfois un situs inversus (syndrome de Kartagener). On trouve souvent une hypofertilité ou une stérilité chez les hommes. Le diagnostic est suspecté devant un tableau clinique compatible et la mesure d’un NO nasal bas, il est ensuite aidé par l’étude des mouvements ciliaires par vidéomicroscopie et l’analyse ciliaire par microscopie

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