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Les traitements d’avenir de la BPCO
Bruno DEGANO*, Thibaud SOUMAGNE** - *Pneumologie-physiologie, Pôle Thorax et Vaisseaux, CHU Grenoble-Alpes, Grenoble ; Laboratoire HP2, INSERM U1300, université Grenoble-Alpes, Grenoble ; **Pneumologie et soins intensifs respiratoires, HEGP Paris

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BPCO : mieux la connaître pour mieux la comprendre La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire chronique définie comme l’association de symptômes chroniques (dyspnée, toux et/ou expectoration) et d’une obstruction bronchique permanente (1). La BPCO est une maladie souvent qualifiée de « traitable », sans qu’il soit pour l’instant possible de la guérir. Ceci dit, elle est avant tout « évitable » dans la mesure où elle est liée, dans l’immense majorité des cas, à l’exposition chronique à des particules ou à des gaz nocifs. Le tabagisme reste le principal facteur d’exposition lié à la survenue d’une BPCO, mais des expositions environnementales comme la fumée de combustion de biomasse et la pollution atmosphérique contribuent à une proportion croissante des cas. Des éléments liés à l’hôte (particularités génétiques, infections pulmonaires fréquentes dans l’enfance…) sont autant de facteurs qui prédisposent certains individus à une BPCO. Il en résulte une hétérogénéité, à la fois en termes de physiopathologie et de phénotypes cliniques, qui fait que la maladie est de plus en plus considérée comme un syndrome résultant de nombreux facteurs intrinsèques et extrinsèques (2). Si les objectifs du traitement de la BPCO ne sont hélas pas de guérir la maladie, ils ont pour but d’améliorer les symptômes (en particulier la dyspnée), la capacité d’exercice, la qualité de vie et, si possible, l’espérance de vie en bonne santé. La prise en charge thérapeutique vise également à ralentir le déclin de la fonction respiratoire, prévenir les exacerbations et éviter l’évolution vers le handicap et l’insuffisance respiratoire. Objectif d’avenir : mieux prévenir et mieux diagnostiquer Eu égard à son étiologie, la seule stratégie susceptible de faire reculer la BPCO reste d’en prévenir la survenue (prévention primaire). Quand malheureusement un patient est atteint de BPCO, des stratégies de prévention secondaire sont toutefois à même de ralentir l’évolution de la maladie. Les principales stratégies de prévention sont : d’enrayer la poussée du tabagisme sous toutes ses formes ; d’oeuvrer pour diminuer la pollution de l’air ; de favoriser un bon usage de la vaccination et d’optimiser la prise en charge des maladies respiratoires de l’enfance qui, lorsque leur traitement n’est pas adapté, peuvent prédisposer au développement d’une BPCO à l’âge adulte (3). Même si cela peut surprendre, poser le diagnostic de BPCO reste un problème non réglé. La BPCO est une maladie sous-diagnostiquée : on considère en effet qu’à travers le monde, environ la moitié des patients atteints de BPCO n’ont pas reçu de diagnostic (4). L’expérience quotidienne donne raison à ces données épidémiologiques, et on est parfois face à des patients dont le diagnostic de BPCO n’est posé que tardivement, à un stade où les mesures thérapeutiques et d’éviction ont peu de chance d’éviter l’apparition d’un handicap lié à la maladie. Néanmoins, de nombreux patients, sous prétexte qu’ils sont exposés à des facteurs pouvant causer une BPCO (tabagisme en premier lieu) et qu’ils ont des symptômes respiratoires (dyspnée et/ou bronchite chronique), ont un diagnostic erroné de BPCO qui a été posé : dans plusieurs séries, ce diagnostic par excès concerne environ 30 % des patients (4,5). Poser un diagnostic par excès est tout sauf anodin, pour au moins deux raisons. La première est que cela soumet les patients aux risques d’effets indésirables des traitements(6), injustifiés, de la BPCO. La deuxième est que ce faux diagnostic en cache souvent un autre qui, n’étant pas connu, ne fait pas l’objet d’une prise en charge (5). Il semble même que le sur-diagnostic de BPCO soit associé à davantage de morbi-mortalité que le sous-diagnostic (4). Bronchodilatateurs et corticoïdes inhalés : un traitement d’avenir ? Les indications des bronchodilatateurs et des corticoïdes inhalés ont fait l’objet d’une mise au point récente de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) (7,8). S’il n’est pas question ici de reprendre ni de discuter cette prise de position ( figure 1), on peut simplement rappeler que le bon usage de ces médicaments est à même d’améliorer les symptômes des patients et de diminuer le risque de survenue d’exacerbations et que l’observance et l’utilisation appropriée des dispositifs d’inhalation restent un enjeu majeur de la prise en charge des patients (9). En plus d’avoir affiné les indications d’utilisation des broncho-dilatateurs et des corticoïdes inhalés, la littérature médicale récente a permis de montrer que lorsque plusieurs médicaments inhalés sont prescrits, il est pertinent, pour améliorer l’observance, de les prescrire dans un seul inhalateur plutôt que les prescrire séparément (10). De nombreux sujets fumeurs symptomatiques mais dont la spirométrie est normale reçoivent des « médicaments de la BPCO », notamment des bronchodilatateurs et des glucocorticoïdes inhalés (11). Il est donc bon de rappeler les résultats d’une étude très récente montrant que les bronchodilatateurs de longue durée d’action n’apportent aucun bénéfice à des sujets tabagiques (sevrés ou pas) symptomatiques dont la fonction pulmonaire est préservée (12). Figure 1. Algorithme thérapeutique proposé par la Société de pneumologie de langue française aux patients dont le diagnostic de BPCO est avéré sur la foi d’arguments cliniques et fonctionnels respiratoires (d’après Zysman et al. [7,8]). Inhibiteurs de la phosphodiesterase de type 4 (IPDE4) Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 3 et 4 (iPDE3 et iPDE4) constituent une classe relativement nouvelle de médicaments qui, pour l’instant, sont administrés par voie orale. Les deux molécules actuellement disponibles, le roflumilast et le cilomilast, ont des effets bronchodilatateurs et anti-inflammatoires ; ils diminuent également la production de mucus. Dans la BPCO, les iPDE4 ont fait l’objet d’essais chez des patients ayant une forme modérée à très sévère de la maladie(13). Dans les essais, d’une durée allant de 6 à 52 semaines, ces médicaments étaient testés soit seuls (arrêt de tout autre traitement médicamenteux de la BPCO) soit associé au traitement habituel. Une métaanalyse a montré que par rapport à un placebo, les iPDE4 apportent une amélioration significative du VEMS d’environ 50 mL (13). Ces médicaments diminuent également le risque d’exacerbation d’environ 20 %. Toutefois, ils entraînent de nombreux effets indésirables parmi lesquels nausées, perte de poids, diarrhées, insomnies et syndromes dépressifs. Dans les recommandations GOLD, le roflumilast est indiqué chez les patients atteints de BPCO de stades 3-4 restant exacerbateurs malgré une trithérapie bien conduite (14). Néanmoins, ce traitement n’est pas commercialisé en France et reste peu utilisé dans les autres pays à cause de ses effets indésirables. En raison de leurs propriétés et pour tenter de s’affranchir des effets indésirables constatés lorsqu’ils sont administrés par voie orale, des essais de phase 3 sont en cours dans la BPCO avec des iPDE3/4 administrés par voie inhalée. Ces essais concernent notamment l’ensifentrine (médicament ayant une action inhibitrice sur les PDE de types 3 et 4) (NCT04542057) et le tanimilast (15), médicament inhibant uniquement les PDE de type 4 (NCT04636801). Biothérapies Les voies inflammatoires mises en jeu dans la BPCO étant dans leur grande majorité non-T2, ce sont dans un premier temps des cytokines telles que l’interleukine 1 (IL-1), l’IL-8 et le tumour necrosis factor alpha (TNF alpha) qui ont été « ciblées » par des biothérapies dans la BPCO. L’IL-8 est produite par plusieurs types cellulaires dont les monocytes, les macrophages et les neutrophiles et elle agit en se liant aux récepteurs de chimiokines CXC 1 (CXCR1) et CXCR2. Entre 2004 et 2015, au moins deux essais de phase 2 ont inclus quelques centaines de patients BPCO et ont testé soit un anticorps monoclonal neutralisant l’IL-8, soit un antagoniste de CXCR2 (16,17). Les effets observés (amélioration de la dyspnée) étaient absents ou modestes et les risques d’effets indésirables (en particulier de neutropénie) ont été jugés trop importants pour qu’un développement de cette voie thérapeutique ne se poursuive. Des médicaments anti-TNF sigle ont eux aussi fait l’objet de quelques essais préliminaires, avec des critères de jugement différents selon les études (VEMS, qualité de vie, cellules inflammatoires au sein de l’expectoration) ; des effets indésirables (en particulier un probable sur-risque de néoplasies) et des effets bénéfiques absents ou modestes font qu’aucun développement ne soit en cours avec cette voie thérapeutique (18-20). Enfin, on peut rappeler que le seul essai portant sur un anti-IL-1 s’est révélé négatif sur ses critères de jugement qu’étaient les exacerbations et la qualité de vie (21). Malgré une physiopathologie assez différente entre asthme et BPCO, des biothérapies indiquées dans le traitement de l’asthme ont fait ou font l’objet d’évaluations dans la BPCO. Ces molécules ciblent des réactions inflammatoires déclenchées par l’action d’allergènes ou de polluants sur l’épithélium respiratoire faisant intervenir soit les alarmines telles que TSLP ( thymic stromal lymphopoietin) et IL-33, soit des cytokines T2 telles qu’IL-4/IL-13 et IL-5 (22). Des essais ont étudié l’effet de biothérapies ciblant l’IL-5 sur les exacerbations de BPCO. L’essai portant sur le benralizumab s’est révélé négatif (23) alors que les essais portant sur le mépolizumab ont été positifs, mais uniquement chez les patients ayant un taux sanguin « élevé » d’éosinophiles(24) . De nouveaux essais portant sur des patients BPCO présentant à la fois des exacerbations fréquentes et un taux sanguin d’éosinophiles sanguins ≥ 300/μ L au moment de l’inclusion sont en cours avec le benralizumab (NCT04053634) et le mépolizumab (NCT04133909). Le dupilumab, qui cible le récepteur commun à l’IL-4 et l’IL-13, est également en cours d’essai de phase 3 dans cette même
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