Actualités sur la climatothérapie d’altitude dans l’asthme de l’enfant
François LAVAUD - Service des maladies respiratoires et allergiques, CHU de Reims
Durant toute la dernière partie du XXe siècle, et devant la très nette augmentation des taux de morbidité et de mortalité par asthme, les asthmologues se sont interrogés sur les options thérapeutiques complémentaires au traitement de fond que l’on pouvait proposer aux asthmatiques mal équilibrés. À partir de faits observationnels complétés par des mesures objectives sur les conditions environnementales, on a ainsi proposé dans des indications bien précises des séjours climatiques en centres spécialisés, et ce, avec des résultats encourageants. L’avènement de nouvelles thérapeutiques, dont les corticoïdes inhalés, a drastiquement réduit les prescriptions de climatothérapie d’altitude qui conservent malgré tout un certain intérêt, comme le souligne une très récente prise de position par l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI), rapportée ci-après.
HISTORIQUE Les bienfaits de la climatothérapie sont popularisés depuis le XIXe siècle, ce qui engendra l’essor de nombreuses stations avec comme conséquence un formidable développement du tourisme, de l’hôtellerie et des emplois locaux. Il faut citer ici dans un domaine tout à fait différent la prise en charge des enfants tuberculeux en sanatoriums et préventoriums dans un but thérapeutique, mais aussi collectif visant à minimiser les risques de contagion pour les proches ou à les prévenir. La climatothérapie d’altitude dans l’asthme s’est développée à la suite d’observations cliniques parfois empiriques et anecdotiques. On cite notamment les travaux de Storm van Leeuwen. Ce dernier, à partir d’observations expérimentales et cliniques, rapporte l’identification des produits naturels provoquant des crises d’asthme et l’effet préventif de l’éviction des allergènes. L’une des observations les plus remarquables est l’amélioration spectaculaire d’un asthmatique dans un train qui le menait à Davos, station située dans les Alpes suisses à 1 500 mètres d’altitude. D’autres observations cliniques d’amélioration de l’asthme furent effectuées dans les stations d’altitude, principalement au-dessus de 1 500 mètres dans les Alpes (Briançon), dans plusieurs stations des Pyrénées (Font-Romeu, Cerdagne), et même dans des stations d’altitude plus basse comme Le Mont-Dore. Des constatations environnementales vinrent étayer ces données cliniques à la suite de la découverte dans les années 1960 du rôle des acariens de la poussière de maison comme principal allergène dans l’asthme de l’enfant et de l’adolescent. Plusieurs études bien documentées prouvèrent la raréfaction voire la disparition des acariens Dermatophagoides pteronnyssinus dans la poussière des centres d’accueil d’enfants asthmatiques à moyenne altitude. Ces découvertes furent à l’origine d’un fort engouement pour la climatothérapie d’altitude pour les enfants asthmatiques mal équilibrés en plaine. Ils venaient de toutes les régions de France après demande d’entente préalable, et certains arrivaient même de l’étranger, en particulier du Royaume-Uni. Un grand nombre de maisons spécialisées se développèrent avec des équipements sophistiqués. C’est ainsi que le lycée climatique de Font-Romeu-Odeillo-Via fut associé à du matériel et un encadrement permettant la réadaptation à l’effort des adolescents asthmatiques et à un entraînement en altitude dont bénéficient encore les sportifs de haut niveau. Puis, au seuil des années 2000, la prise en charge de l’asthme connut un réel bouleversement avec l’apparition de la corticothérapie inhalée en traitement de fond. Les consensus GINA régulièrement actualisés ont insisté sur le contrôle de l’asthme et les différentes armes thérapeutiques qu’il fallait utiliser pour y parvenir. De nouvelles molécules sont apparues, dont les plus récentes font partie des biomédicaments. En parallèle, on a mieux cerné les facteurs de non-contrôle et développé l’éducation thérapeutique et la réadaptation à l’effort. Pour le traitement de la crise d’asthme, on a réhabilité les bêta-2 mimétiques dont l’utilisation faisait peur dans les années soixante. Certes, même s’il existait toujours un pourcentage incompressible d’asthmes sévères et mal contrôlés, ces constatations mirent en évidence la nécessité d’une prise en charge globale et multidisciplinaire des asthmes sévères dans des consultations/centres dédiés. De fait, les indications de séjour climatique d’altitude furent très largement revues à la baisse au point que les diverses maisons d’enfants qui lui étaient dédiées furent progressivement fermées ou se reconvertirent, sauf un petit nombre d’établissements situés dans les Alpes ou les Pyrénées. MODIFICATIONS OBSERVÉES EN ALTITUDE Hypoxie hypobarique L’hypoxie hypobarique augmente progressivement avec l’altitude, mais ses effets sont légers jusqu’à 1 500 mètres. Ils peuvent devenir perceptibles à partir de 1 800 mètres et affectent un pourcentage significatif des sujets au-dessus de 2 000 à 3 000 mètres. Cependant on constate des susceptibilités individuelles avec des individus plus sensibles à une réduction de la PO2 qui n’est pourtant que de 15 à 20 % entre 1 200 et 2 500 mètres. Le mal aigu des montagnes est la forme la plus fréquente des troubles liés à l’hypoxie hypobarique, mais c’est un risque peu probable chez l’enfant asthmatique du fait de la localisation des centres d’accueil en altitude modérée. Action de l’altitude sur la physiologie pulmonaire et l’immunité L’altitude crée une baisse de la pression barométrique et de la pression inspiratoire. Ceci crée des réponses physiologiques et immunologiques adaptatives comme une hyperventilation et une augmentation du rythme cardiaque lors de la période d’acclimatation. À long terme, on constate une augmentation du taux d’hémoglobine, de la capacité oxydative mitochondriale et de la densité capillaire ce qui améliore les performances sportives. La réduction de la densité de l’air améliore la ventilation et réduit les résistances des voies aériennes, l’expiration est plus facile. Ces effets bénéfiques sont limités par le froid et la sécheresse de l’air en haute altitude qui peuvent provoquer un broncho-spasme en cas d’hyperventilation liée à l’effort. L’adaptation des réponses immunitaires est objectivée par une augmentation du taux de leucocytes et une diminution des taux de lymphocytes CD 4, alors que les lymphocytes T cytotoxiques CD 8 demeurent inchangés. La diminution du taux de CD 4 est liée à une réduction des Th1. Les CD 4 et les CD 8 répondent plus rapidement après stimulation antigénique ou par mitogène. Les cellules B et les NK sont augmentés en haute altitude. Des phénomènes de migration cellulaire des Th2 vers la moelle osseuse sont observés chez l’animal. Le facteur régulateur de l’hypoxie est le HIF-1 alpha ( hypoxia-inducible factor 1 alpha), exprimé dans de très nombreuses cellules, dont les éosinophiles, les cellules dendritiques, les macrophages, les neutrophiles, les lymphocytes T, B et NK, ainsi que les cellules épithéliales et endothéliales. Le HIF-1 alpha promeut la transcription du FOXP3 et la génération de Tregs ce qui peut contribuer au contrôle des phénomènes inflammatoires. L’hypoxie altère également les capacités des cellules présentatrices de l’antigène à stimuler les lymphocytes. Rôle des UV Les radiations UV augmentent de 10 à 12 % tous les 1 000 mètres. L’irradiation cutanée par les UVA et les UVB stimule la synthèse de vitamine D, et une augmentation des taux de vitamine D est observée après un séjour de plusieurs semaines à moyenne altitude en saison printanière. Bien que controversé, il est possible que le déficit en vitamine D intervienne dans les phénomènes inflammatoires observés dans l’asthme. Cependant, aucune étude contrôlée ne supporte une amélioration de l’asthme de l’enfant en climatothérapie d’altitude via ce mécanisme. PARTICULARITÉS ENVIRONNEMENTALES Des travaux anciens rapportent une moindre abondance des acariens de la poussière de maison et de leurs allergènes lorsque l’altitude du logement s’élève, sauf en région tropicale. Les conditions climatiques ont été évoquées comme responsables, notamment une plus faible humidité de l’air ambiant et des températures plus basses. La croissance et la reproduction des acariens sont proportionnellement ralenties avec la baisse de la température. Cependant, des études plus récentes n’objectivent pas de différence dans les concentrations de Der p 1 selon l’altitude. Dans ces études, les concentrations restent basses et les auteurs incriminent l’habitat moderne qui est identique en plaine ou en montagne, moins favorable au développement des acariens. Les comptes polliniques sont plus faibles en altitude avec une saison pollinique plus courte et retardée, d’où une exposition allergénique plus faible. De même, malgré des variations importantes selon la localisation géographique en fonction de l’humidité relative et de la température, les spores fungiques sont moins abondantes à une altitude modérée. Globalement, la pollution atmosphérique est moindre dans les stations d’altitude avec cependant des exceptions saisonnières dues au tourisme, au chauffage et à la circulation automobile. Enfin, il semble que la composition du microbiome varie en altitude avec une plus grande diversité des espèces microbiennes, au moins au niveau cutané, par rapport à des prélèvements effectués au niveau de la mer. BÉNÉFICES APPORTÉS PAR LA CLIMATOTHÉRAPIE D’ALTITUDE CHEZ L’ENFANT ASTHMATIQUE Le « position paper » de l’EAACI synthétise les résultats observés sur le profil évolutif de l’asthme de l’enfant en prenant en compte les études effectuées lors du séjour en altitude, plus rarement après le retour en plaine. Il faut d’emblée remarquer que ce sont essentiellement des études observationnelles non randomisées et beaucoup sont déjà anciennes (années 1990 ou tout début 2000). Les effectifs restent faibles (parfois moins de 20 participants) et les biais n’ont pas toujours été validés. Comme le soulignent les experts, certains aspects n’ont pas été pris en compte, dont le nombre d’exacerbations et d’hospitalisations, la tolérance à l’effort et l’impact de la symptomatologie ORL. Effet sur le contrôle de l’asthme et la qualité de vie La qualité de vie estimée par PAQLQ ( Pediatric Asthma Quality Of Life Questionnaire) s’améliore significativement dans 2 études après 10 semaines de séjour et persiste jusqu’à 6 semaines après retour en plaine. Cette amélioration est associée à une réduction de la prise des corticoïdes inhalés. Effet sur le NO exhalé Le FeNO est significativement diminué après 2 semaines de séjour en moyenne altitude, plus précocement que l’amélioration de la fonction respiratoire. Effet sur la prise de corticoïdes oraux Ceci n’a été évoqué que dans 2 études ne portant pas directement sur ce paramètre et il est noté que 3 enfants purent arrêter la prise de corticoïdes oraux après 10 semaines de séjour. Effet sur la
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