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Sarcoïdose pulmonaire
Pierre GAZENGEL*,**, F. JENY*, H. NUNES*, *Hôpital Avicenne, APHP, Bobigny, **Hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson

La sarcoïdose est une pathologie inflammatoire de cause(s) inconnue(s) définie par la formation de granulomes au sein de divers organes, dont les atteintes pulmonaires et ganglionnaires représentent les localisations les plus fréquentes. Près de la moitié des patients évoluent spontanément favorablement, l’autre moitié des patients peut développer une atteinte chronique invalidante, dont la localisation pulmonaire est responsable dans plus de 90 % des cas, nécessitant un traitement par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs.
ÉPIDÉMIOLOGIE La sarcoïdose présente une prévalence en France de près de 30 cas pour 100 000 habitants. Au moment du diagnostic, près de 70 % des patients ont entre 25 et 45 ans chez les deux sexes, un second pic d’incidence est présent chez les femmes de plus de 50 ans. Cette pathologie se déclare rarement avant 15 ans et après 70 ans. Diagnostic Le diagnostic repose sur 3 éléments comprenant (1) : – une présentation clinique et radiographique compatible ; – la mise en évidence de granulome épithélioïde gigantocellulaire sans nécrose caséeuse (sauf exception, encadré 1) ; – l’élimination des diagnostics différentiels ( encadré 2, liste non exhaustive). Clinique Les symptômes respiratoires non spécifiques sont la toux, la dyspnée et de façon moins fréquente les sibilants ou rarement l’hémoptysie. La douleur thoracique est possible en présence d’adénopathies médiastinales et hilaires. L’hippocratisme digital est très rare. L’auscultation pulmonaire est paradoxalement normale en comparaison avec les anomalies radiographiques. L’atteinte pulmonaire peut être isolée, ou s’accompagner d’atteintes extra-pulmonaires dans 30 à 50 % des cas. Tous les organes peuvent être touchés, avec le plus fréquemment des atteintes ganglionnaires, cutanées et ophtalmiques (tableau 1). Enfin, des symptômes non liés à une atteinte spécifique directe d’organes (syndrome parasarcoïdien) comme la fatigue (70 % des cas), les douleurs (notamment dans le cadre d’une neuropathie des petites fibres) et les troubles cognitifs sont fréquents et peuvent considérablement impacter la qualité de vie des patients. Histologie Le site de prélèvement est orienté par la clinique et l’imagerie (éventuellement guidé par le TEP au 18-FDG si aucune cible n’est évidente à l’examen clinico-biologique ou scannographique) ainsi que l’accessibilité, le risque de complication, et la rentabilité (encadré 3). Figure 1. Muqueuse bronchique en fond d’œil et sténose bronchique. Bilan minimal initial Chaque patient doit avoir un bilan initial minimal (encadré 4) qui vise à éliminer certains diagnostics différentiels, éliminer des atteintes sévères d’organes, évaluer l’activité de la maladie et à but préthérapeutique en recherchant des contre-indications à certains traitements (obésité, diabète et corticoïdes, désir d’enfant ou insuffisance rénale et méthotrexate…). ÉPREUVES FONCTIONNELLES RESPIRATOIRES Les épreuves fonctionnelles sont le plus souvent normales, ou peuvent révéler un trouble ventilatoire obstructif, restrictif ou une altération de la diffusion du CO. Une hyperréactivité bronchique est retrouvée chez 20 % des patients, fréquemment associée avec une atteinte endobronchique. Le trouble ventilatoire obstructif peut être le reflet d’une sténose bronchique par compression extrinsèque ou par atteinte endobronchique granulomateuse, il est plus fréquent chez les patients atteints de fibrose en présence de distorsions bronchiques ou bronchectasies par traction. Une désaturation au test de marche de 6 minutes peut être révélatrice d’une hypertension pulmonaire, la distance parcourue a une valeur pronostique de la maladie (distance 300 m en cas d’hypertension pulmonaire). L’hypoxémie est mise en évidence chez des patients atteints de fibrose pulmonaire et/ou d’hypertension pulmonaire. Imagerie Radiographie thoracique Quatre stades radiographiques selon la classification de Scadding ont été décrits et sont associés au risque de chronicité (tableau 2). Tomodensitométrie thoracique Les atteintes typiques de sarcoïdose pulmonaire sont (3) : Les adénopathies médiastinohilaires bilatérales, symétriques, plus ou moins calcifiées (forme chronique) (figure 2). Le caractère unilatéral persistant à 3 mois du diagnostic, ou l’asymétrie des adénopathies hilaires, ou des adénopathies médiastinales sans adénopathies hilaires doivent faire suspecter un diagnostic différentiel, de même que des adénopathies péricardiques ou mammaires internes. Figure 2. Adénopathies médiastino-hilaires bilatérales calcifiées. Le syndrome micronodulaire avec distribution lymphatique (péri-bronchovasculaire et sous-pleurale) avec un aspect perlé de la scissure (figure 3). Figure 3. Scissure perlée. Le signe de la galaxie est quasi pathognomonique : il s’agit d’un nodule entouré de multiples micronodules confluents (figure 4). Figure 4. Signe de la galaxie. Des lignes septales sont plus volontiers retrouvées aux apex. La fibrose pulmonaire liée à la sarcoïdose présente plusieurs patterns scannographiques : – distorsion bronchique avec ou sans masses hilaires bilatérales avec engainement péri-bronchovasculaire, distorsion et sténoses bronchiques, veineuses et artérielles pulmonaires (figure 5) ; – opacités linéaires : lignes septales distordues, lignes hilo-périphériques ; – le rayon de miel à prédominance apicale, péri-bronchovasculaire et centrale, avec un aspect à large maille, contrairement à la pneumopathie interstitielle commune. Figure 5. Masses de fibrose péri-hilaires. TEP TDM La tomographie par émission de positons (TEP-TDM) marquée au 18-F-fluorodéoxyglucose est un examen utile pour évaluer l’activité de la sarcoïdose, elle n’est pas nécessaire dans une majorité de cas, elle reste cependant indiquée dans certaines situations précises : – recherche de cible extra-thoracique infraclinique en l’absence de preuve histologique ; – évaluation de l’activité pulmonaire en cas de fibrose pulmonaire évoluée ; – recherche d’atteinte cardiaque (régime spécifique +++) ; – bilan d’une fatigue intense : lors d’une maladie semblant non évolutive avec des tests biologiques normaux pour préciser définitivement si une activité est encore présente ; – en cas d’hypertension pulmonaire : recherche d’hypermétabolisme médiastinal d’adénopathies obstructives. TRAITEMENTS La question de la prise en charge thérapeutique des patients a fait l’objet de nouvelles recommandations par la European Respiratory Society (4) et la British Thoracic Society (5). Les premières reposent sur une méthodologie de type GRADE ( Grading of Recommandations, Assessment, Development and Evaluation), et proposent qu’un traitement soit initié dont le but d’éviter une forme sévère et/ou améliorer la qualité de vie. Les secondes recommandations, plus pragmatiques, renseignent sur les doses et la durée des traitements. L’effet de la corticothérapie et autres immunosuppresseurs/immunomodulateurs n’est pas curatif, mais uniquement suspensif de la réaction granulomateuse ; par ailleurs, il n’existe pas de données sur l’effet du traitement sur l’histoire naturelle de la maladie. Le traitement n’est pas systématique et la décision de traiter nécessite de répondre à certaines questions au préalable : – le patient est-il symptomatique et existe-t-il une altération de sa qualité de vie ? – les symptômes peuvent-ils être contrôlés par une thérapeutique locale ? – existe-t-il une atteinte sévère d’organe ? Les patients à haut risque de sévérité pulmonaire sont ceux avec une altération de la fonction respiratoire se traduisant par une diminution de la CV et/ou de la DLCO (la BTS propose comme seuils une DLCO 65 %, des volumes mobilisables 70 % ou une réduction de 10 % de la CV ou de 15 % de DLCO) ; la présence d’hypertension pulmonaire, ou de fibrose pulmonaire modérée à sévère. – le patient présente-t-il des contre-indications au traitement ? – enfin, il est important de prendre en compte l’adhésion au traitement sur laquelle repose notamment une meilleure évolution de la qualité de vie sous traitement. Corticoïdes Le traitement de première intention reste la corticothérapie (4). La dose initiale préconisée est de 20 mg/j à 40 mg/jour pour les atteintes pulmonaires, suivie d’une décroissance progressive et un objectif à 10 mg/j dans les 3 mois. La durée de traitement est généralement d’au moins un an. En cas d’atteinte peu sévère, mais symptomatique, une plus faible de corticothérapie (10 mg/jour) peut être initiée. D’autres molécules peuvent être prescrites (4), en cas de contre-indication, échec ou mauvaise tolérance des corticoïdes, d’invalidité permanente et maladie active malgré un traitement par corticoïdes seuls. Le traitement de seconde ligne après la corticothérapie est le méthotrexate en cas d’atteinte pulmonaire. Ce traitement présente moins d’effets secondaires infectieux que l’azathioprine. Il y a moins de données avec les autres immunosuppresseurs de 2 e ligne. L’hydroxychloroquine peut être utilisée en première ligne avant la corticothérapie en cas d’atteinte cutanée modérée. L’utilisation en première ligne d’un traitement immunosuppresseur comme le méthotrexate en remplacement de la corticothérapie (PREDMETH Study) ou de l’hydroxychloroquine en association avec la corticothérapie à visée d’épargne cortisonique (protocole QUIDOse) sont en cours d’essai. Les anti-TNF alpha sont un traitement de 3 e intention. L’infliximab, l’adalimumab sont les deux molécules ayant fait preuve de leur efficacité, et l’infliximab le plus efficace. Ces traitements exposent à un haut risque infectieux et notamment de tuberculose. Une mise à jour du calendrier vaccinal et surtout un dépistage et un traitement d’une infection tuberculeuse latente est indispensable avant son instauration. On y associe une faible dose de méthotrexate ou aziathioprine ou corticoïdes pour limiter le risque d’effet paradoxal (granulomatose médicamenteuse) et limiter la survenue d’une résistance au traitement par le biais d’anticorps dirigés contre les anti-TNF. Tableau 3 D’autres molécules peuvent être utilisées en 4 e ligne, ces molécules sont envisagées au cas par cas en cas d’échec ou d’intolérance des autres lignes thérapeutiques, et sur avis d’expert : – Repository corticotropin injection : l’injection d’hormone adréno-corticotrope de l’hypophyse (ACTH) est proposée aux États-Unis, mais non disponible en France ; – inhibiteurs de JAK ; – rituximab Réhabilitation respiratoire Comme d’autres pathologies interstitielles pulmonaires fibrosantes, la réhabilitation respiratoire
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