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L’exploration fonctionnelle à l’exercice : pratique, indications
Frédéric COSTES*, Ruddy RICHARD**, CHU de Clermont-Ferrand

L’Exploration Fonctionnelle à l’eXercice (EFX) est devenue un examen indispensable dans le diagnostic d’une dyspnée inexpliquée ou dans l’évaluation du retentissement des maladies chroniques sur la tolérance à l’effort.
Les indications de l’EFX sont : – déterminer la capacité maximale aérobie (VO 2max ou pic) et estimer le pronostic de la maladie causale (notamment insuffisance cardiaque et hypertension artérielle pulmonaire) ; – déterminer la(es) cause(s) et la sévérité d’une dyspnée d’exercice ; – évaluer le risque de complications péri- et post-opératoire en cas de chirurgie thoracique, cardiaque ou digestive haute ; – déterminer la cause d’une intolérance à l’effort, notamment dans le diagnostic des myopathies métaboliques ; – évaluer la réponse aux traitements pharmacologiques ou du réentraînement à l’effort. Ses contre-indications sont identiques à celles de l’ECG d’effort, et correspondent à un état cardio-respiratoire instable. PARAMÈTRES MESURÉS ET CALCULÉS L’analyse des gaz expirés permet de mesurer à chaque cycle ventilatoire la ventilation minute (VE, L.min-1) avec ses 2 composantes (volume courant, Vt, et fréquence respiratoire, FR), et les fractions de gaz O 2 et CO 2. VO 2 et VCO 2 sont calculés comme les différences des débits d’O 2 ou CO 2 (VxFgaz) entre l’air inspiré et expiré ; on en déduit le rapport des échanges gazeux (RER = VCO 2/VO 2, souvent assimilé au quotient respiratoire, QR). Le recueil est fait par un masque facial à faible espace mort ou à travers un embout buccal. L’automatisation des systèmes commerciaux (ergospiromètres) ne doit pas faire oublier que ces mesures peuvent être faussées par excès ou par défaut, ce qui rend indispensable de respecter les consignes de calibration données par le fabricant et de connaître l’ordre de grandeur des mesures attendues au repos et selon l’intensité de l’exercice (par exemple pour une charge mécanique de 50 ou 100 watts). L’évolution des signaux au cours d’un exercice incrémental est illustrée par la figure 1. Figure 1. Illustration de l’évolution de VO 2 (courbe bleue), VCO 2 (courbe rouge), VE (courbe verte) au cours de l’exercice (traits pointillés verticaux). La relation VE en fonction du temps (ou de la puissance de l’exercice) présente 3 pentes différentes (traits pointillés) ; les ruptures de pente (flèches) correspondent aux seuils ventilatoires (SV1 et SV2). L’électrocardiogramme 12 dérivations est aussi enregistré en continu. D’autres paramètres peuvent être mesurés de façon discontinue, habituellement au repos ou pendant l’échauffement, au niveau du seuil ventilatoire et au pic de l’exercice, comme les gaz du sang, la lactatémie, la pression artérielle, les symptômes recueillis à l’aide d’échelle visuelle analogique. L’ensemble des paramètres mesurés ou calculés ainsi que leurs seuils de normalité sont détaillés dans le tableau 1 (1). Les valeurs théoriques utilisées par la plupart des logiciels ont été établies il y a près de quarante ans sur de faibles échantillons et sont parfois inadaptées à la population actuelle, en particulier pour les femmes âgées. Une initiative internationale récente d’établissement de normes a été lancée à l’instar de ce qui a été fait récemment pour les normes spirométriques GLI. DÉROULEMENT DU TEST (2) Le protocole d’exercice doit être standardisé afin d’amener le sujet à l’épuisement en 10 minutes ± 2. Un exercice trop bref ne permet pas d’obtenir une détermination fiable du seuil ventilatoire, un exercice trop long ne permet pas de discriminer l’épuisement musculaire de la fatigue généralisée chez des patients déconditionnés à l’effort. L’épreuve se déroule en 4 phases : – une période d’enregistrement au repos de 2 minutes permettant la stabilisation de la ventilation et des échanges gazeux ; – un échauffement de 2 à 3 minutes (pédalage à 30 % de la puissance maximale attendue) ; – des incréments de 5 à 30 watts par minute, jusqu’à l’épuisement du sujet (incapacité à maintenir la fréquence de pédalage) ; – une récupération d’abord active de 2 minutes puis passive de 4 minutes. L’arrêt de l’exercice est décidé quand le sujet ne peut plus maintenir la fréquence de pédalage (ou la vitesse de course) ou si les symptômes deviennent intolérables. Le médecin peut également décider de l’arrêt en cas de mauvaise adaptation cardiovasculaire (survenue d’une ischémie myocardique, arythmie cardiaque dangereuse, hypertension artérielle) ou d’une désaturation en O 2 profonde (SpO 2 80 %), et de l’apparition de signes cliniques (douleur thoracique, trouble de conscience, céphalées). L’ÉPREUVE EST-ELLE INTERPRÉTABLE ET MAXIMALE ? Le manque de motivation du patient, l’arrêt trop précoce (au palier d’échauffement), une gêne à la réalisation de l’épreuve par une impotence des membres inférieurs, l’intolérance au masque (claustrophobie) ne permettront pas d’interpréter correctement l’EFX et notamment de mettre en évidence une limitation. Dans ce cas on ne se hasardera pas à une interprétation biaisée exposant à rassurer faussement ou à déclencher d’autres investigations. Il n’existe que peu de critères permettant d’affirmer la fiabilité des paramètres mesurés. Concernant VO2 , la règle d’une augmentation de 10 ± 2 ml/ min/watt permet d’apprécier grossièrement si la mesure correspond au travail musculaire fourni. À l’exercice sous-maximal, l’augmentation attendue de VE est de (21,8 x VO 2 ) + 5 l/min. Les critères de maximalité chez le sujet malade différent de ceux reconnus dans le cadre de la médecine du sport ; on peut conclure à la maximalité de l’épreuve quand au moins 2 des critères suivants sont atteints : FCmax > 85 % fréquence cardiaque maximale théorique, un RER > 1,05, une lactatémie en récupération > 7 mmol.L-1, un score de symptômes > 7/10. En cas de non-maximalité, on ne pourra pas conclure à une limitation à l’effort. Les 2 indications les plus fréquentes dans le cadre de la pneumologie sont l’évaluation d’une dyspnée inexpliquée par les investigations de repos, et celle d’une intolérance à l’effort exagérée par rapport à la sévérité de la maladie causale et malgré un traitement adapté (BPCO modérée ou asthme avec pathologie cardiovasculaire intriquée). Là, l’EFX permettra d’authentifier la diminution de la capacité maximale, sa sévérité, et de séparer les parts cardiaque, respiratoire et musculaire dans une démarche analytique de chaque système qui sera détaillée ci-après. L’évaluation des symptômes (échelle de Borg, EVA) sera indispensable pour rendre compte du ressenti à l’exercice. Un algorithme d’interprétation rapide des données d’EFX est représenté en figure 2 (4). Pour une interprétation plus complète, on se référera aux recommandations internationales (5,6). Il est rare qu’un seul système explique à lui seul la limitation à l’effort, par exemple la part respiratoire, et on retrouve fréquemment une part musculaire intriquée liée au déconditionnement musculaire. Ce dernier peut expliquer 32 % des cas de dyspnée d’exercice dans une série récente (7). Figure 2. Algorithme d’interprétation des résultats d’EFX (adapté d’après Richard R et Costes F). APPORT DE L’EFX POUR METTRE EN ÉVIDENCE UNE DIMINUTION DE LA TOLÉRANCE À L’EXERCICE La capacité maximale aérobie est appréciée par la puissance maximale de l’exercice (exprimée en watts, ou par la vitesse de course) et par la valeur de VO 2 obtenue au pic de l’exercice (VO 2pic, mL/kg /min). Une valeur de VO 2pic 85 % de la valeur théorique est considérée comme anormale. Le rapport VO 2/W (normalement 10 ± 2 mL/min/watts) reflète l’importance du métabolisme par rapport au travail musculaire et correspond donc au rendement musculaire ; une valeur basse traduit une anomalie de l’utilisation musculaire de l’oxygène (myopathie métabolique ou déconditionnement musculaire sévère). La cassure de la relation VE/VO 2 au cours de l’exercice indique l’apparition d’une hyperventilation excessive par rapport au métabolisme : ce point est appelé seuil ventilatoire, et correspond parfaitement chez l’insuffisant respiratoire à l’apparition de la sensation de dyspnée. Cette intensité d’exercice sera donc utilisée pour : 1) expliquer la dyspnée dans les activités de la vie courante (quand ce seuil survient précocement pour une VO 2 entre 10 et 12 mL/kg/min, correspondant à l’intensité des activités de la vie quotidienne) ; 2) conseiller le patient quant à l’intensité des exercices qu’il peut réaliser sans inconfort ; 3) prescrire un entraînement à l’effort à basse intensité. ANALYSE CARDIOVASCULAIRE La constatation d’une réserve cardiaque (FCmax/FCmax théorique 60 %) oriente vers une incompétence chronotrope, le plus souvent iatrogène ; la réserve cardiaque doit être interprétée en fonction de l’intensité métabolique (calcul de l’index chronotrope, réserve cardiaque /réserve métabolique). À l’inverse une augmentation trop rapide de FC (réponse hyperkinétique avec FC/VO 2 > 50) traduit un déconditionnement à l’effort. Les modifications de l’ECG sont les premières causes d’anomalies rencontrées (troubles de la repolarisation, troubles du rythme ou de la conduction) et imposeront un avis cardiologique complémentaire, pour éliminer le plus souvent une coronaropathie. Une augmentation de la pression artérielle au-delà de 250/130 mmHg, symptomatique, oblige à l’arrêt de l’épreuve. La diminution du rapport VO 2/FC (pouls d’O 2 , πO 2 ) reflète soit une anomalie de l’éjection systolique soit de l’extraction périphérique de l’O 2. Plus que sa valeur maximale, une cassure de sa cinétique d’augmentation associée à des anomalies ECG est évocatrice d’une limitation de l’éjection systolique (ischémie myocardique ou anomalie valvulaire mitrale). Une estimation continue et non invasive du débit cardiaque par impédancemétrie est disponible depuis quelques années et sa fiabilité a été évaluée dans différentes pathologies, dont l’insuffisance respiratoire. Elle permet de calculer la différence artérioveineuse en O 2 et donc d’analyser plus finement l’adaptation cardiovasculaire à l’exercice. Cette méthode peut être introduite en routine sans contrainte importante pour le patient. ANALYSE VENTILATOIRE ET DE L’HÉMATOSE (3) Plusieurs aspects de l’adaptation respiratoire doivent être envisagés. La
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