



Publié le
Lecture 13 mins
La sialendoscopie dans le traitement des pathologies lithiasiques des glandes salivaires
O. ABBOUD*, A. GIOVANOULI*, F. MARCHAL*/**, F. FAURE*/***, *European Sialendoscopy Training Center (ESTC), Genève, **Clinique Générale Beaulieu, Hôpital universitaire de Genève, ***Hôpital Édouard Herriot, Clinique Protestante, Lyon

La sialendoscopie est une des récentes innovations dans le domaine de l’ORL ayant permis une meilleure compréhension des pathologies non tumorales des glandes salivaires et ayant radicalement modifié notre approche dans leur traitement. Cette technique est une alternative minimalement invasive au traitement classique des lithiases salivaires qui consiste, la majorité du temps, en une sialadénectomie ouverte.
La technicité et la miniaturisation des endoscopes a permis d’initier au début des années 1990 une technique de visualisation des canaux salivaires qui s’est affirmée avec le développement d’instruments spécifiques et d’une technique opératoire : la sialendoscopie (1). Celle-ci est une véritable vidéoscopie conduite au niveau des canaux des glandes parotides et sous-maxillaires (2). Cette technique permet d’explorer les canaux de Sténon et de Wharton, mais aussi de visualiser les canaux accessoires jusqu’à la périphérie de la glande ( figure 1) pour une exploration plus distale, pouvant être conduite à travers l’arborisation des glandes salivaires principales comme une bronchoscopie (3). En raison de l’équipement requis, de la complexité, de la durée des interventions et des complications potentielles, il est nécessaire de distinguer deux procédures (3) : la sialendoscopie diagnostique et interventionnelle. La sialendoscopie diagnostique est une alternative tout à fait acceptable à la majorité des investigations radiologiques du système canalaire. La sialendoscopie interventionnelle, seule ou combinée à une approche externe, doit être considérée devant toute pathologie canalaire. Cette technique a le grand avantage de pouvoir concentrer dans une même séance un examen diagnostique associé à une possibilité thérapeutique. Les deux principales pathologies menant à une sialendoscopie sont la lithiase salivaire et les sténoses canalaires. Avec le développement de cette technique, une thérapeutique minimalement invasive est désormais possible, évitant dans la grande majorité des cas l’exérèse de la glande. Dans notre institution, le taux de sous-maxillectomie a chuté de 90 % avec cette technique dans les 15 dernières années. Figure 1. Exploration des canaux jusqu’à la périphérie de la glande. Sialolithiases : pathogenèse et épidémiologie On pense que les sialolithiases ( figure 2) se forment dans les canaux via la déposition de sels de calcium sur un foyer matériel organique ou inorganique. Figure 2. Sialolithiase située au niveau de la division d’une branche principale du canal. Leur pathogenèse exacte est inconnue et plusieurs mécanismes étiologiques ont été proposés (4). Les lithiases peuvent être solitaires ou multiples. Elles varient en taille, en forme, et croissent en moyenne de 1 mm/année (5). Elles peuvent atteindre jusqu’à 2 cm de taille, avec en moyenne 3,2 mm dans la parotide et 4,9 mm dans la glande sous-maxillaire (6,7). Les sialolithiases sont une des causes les plus fréquentes d’inflammation diffuse unilatérale des glandes salivaires (8). Leur incidence est peu étudiée. Selon l’expérience à Genève (ESTC), elle se situe autour de 1/5 000. Dans la majorité des études publiées (9), 80-90 % des calculs se situent dans la glande sous-maxillaire et le reste est localisé dans la glande parotide. Avec l’avènement de l’endoscopie salivaire et ainsi une meilleure sensibilité dans la détection des calculs, le taux de calculs dans la parotide est probablement plus important et a été estimé selon les séries jusqu’à 40 % (8). Présentation clinique Les sialolithiases peuvent obstruer les canaux salivaires et ainsi causer des tuméfactions à répétition des glandes salivaires durant les repas. Ceci peut se compliquer d’infections bactériennes. Traditionnellement, ces épisodes répétés de sialadénite sont une des causes les plus fréquentes de chirurgie ouverte et d’exérèse de la glande. Investigation des pathologies salivaires Les méthodes classiques d’investigation des glandes salivaires sont essentiellement radiologiques : – l’échographie (3) demeure un bon examen diagnostique devant des poussées de sialadénite post-prandiale, en phase aiguë de parotidite ou sous-maxillite. Il s’agit de l’examen de première intention recommandé par l’ESTC. Cependant, l’échographie reste « opérateurdépendant » et permet parfois difficilement le diagnostic des calculs de taille 2 mm ; – l'asialographie (3,10) était jusqu’alors le gold standard des outils diagnostiques usuels des pathologies non tumorales des glandes salivaires. Il s’agit néanmoins d’un procédé diagnostique invasif nécessitant l’injection de produits de contraste iodés et exposant le patient à des doses importantes de radiation. De plus, le diagnostic de lithiase est parfois incertain. Elle est considérée par les experts actuels comme désuète ; – la scannographie (10) en coupe fine est une excellente méthode de détection des calculs de toute taille. Elle ne nécessite pas l’injection de produits iodés pour déterminer taille, nombre et localisation des lithiases. Cependant, elle ne permet pas de bien visualiser les canaux salivaires ; – la sialo-IRM (3) ( figure 3) qui utilise la salive comme produit de contraste est intéressante pour le diagnostic des sténoses. Figure 3. Sialo-IRM de la glande parotide. Elle permet d’obtenir des images similaires à la sialographie sans nécessiter pour autant d’injection d’iode. Il s’agit du gold standard actuel. Si l’on considère l’ensemble des examens complémentaires qui peuvent être demandés devant une sous-maxillite ou une parotidite d’allure obstructive, l’attitude qui paraît représenter un moindre coût par pathologie consiste à proposer dans un premier temps une échographie en phase aiguë ou après l’infection. Il faut également considérer que la sialendoscopie est un excellent examen diagnostique, qui peut tout à fait remplacer un examen radiologique. En effet, elle est possible dans plus de 98 % des cas, et la vision directe a une sensibilité supérieure à tout autre examen radiologique. La lithiase sousmaxillaire peut être vue à l’ultrason, mais aussi palpée au niveau endobuccal par palpation bimanuelle, les lithiases antérieures étant parfois difficiles à mettre en évidence à l’échographie. L’intérêt de la mesure échographique de la taille de la lithiase est principalement la programmation de la sialendoscopie : en cas de petite lithiase probablement flottante ( 4 mm), une anesthésie locale avec standby anesthésique ou non suffira. En cas de lithiase entre 4 et 8 mm, le laser sera nécessaire et une anesthésie générale sera à considérer. Le scanner peut être également utile pour localiser avec précision une lithiase plus volumineuse de la parotide et permettre de décider de la voie d’abord : endobuccale si en avant du masséter, ou par voie d’abord de type parotidectomie si plus postérieure. Traitement classique des sialolithiases Le traitement des sous-maxillites et des parotidites associées à des lithiases était de traiter les épisodes infectieux avec des antibiotiques et des anti-inflammatoires. À froid, lorsque le calcul est à distance accessible de la papille, le calcul était généralement extrait par marsupialisation du canal. Avec un calcul enclavé postérieurement associé à des épisodes infectieux récidivants, l’indication de procéder à une parotidectomie et sousmaxillectomie était classiquement posée (12). La lithiase est d’ailleurs encore aujourd’hui l’indication la plus fréquente de sous-maxillectomie (13). Les risques de parésie faciale transitoire et permanente sont de 17-64 % et 0-9 % respectivement pour la parotide (14). Pour la glande sous-maxillaire, l’atteinte temporaire et permanente de la branche marginale du facial varie entre 9-29 % et 1-8 % respectivement ; l’atteinte permanente des nerfs hypoglosse et lingual est de 3,4 % et 2,9 % (15-19). Grâce à la sialendoscopie, il a été possible de prouver que les lithiases multiples sont fréquentes, et donc que des calculs étaient souvent laissés soit dans les moignons de canal de Wharton (20), soit dans les canaux après extraction ponctuelle, tous deux pouvant devenir symptomatiques. L’extraction précoce des calculs par sialendoscopie permet de préserver la glande et d’éviter avec des risques opératoires faibles la morbidité reliée à la parotidectomie ou la sous-maxillectomie (12). Indications de sialendoscopie Les deux principales indications de sialendoscopie (3) sont les poussées itératives de sialadénites postprandiales (épisodes non infectieux de tuméfaction) et la sous-maxillite ou parotidite aiguë infectieuse (hormis les oreillons) causée par des lithiases ou des sténoses. Figure 4. Sondes salivaires et dilatateur conique pour dilater la papille. Figure 5. Sialendoscope « multi-usage » avec gaines métalliques de taille variable (au centre), forceps (à gauche) et paniers collecteurs (à droite). Figure 6. Sialendoscope « tout-en-un » avec paniers collecteurs. Figure 7. Introduction des sondes salivaires pour dilater la papille. Matériel (8) Toute intervention débute par une dilatation progressive de la papille. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir des sondes salivaires développées à Genève lors de la mise au point de la technique, qui ont été faites en différents matériaux avec des alliages plus ou moins souples suivant le diamètre, et dont la pointe est en mousse mais de diamètre constant ( figure 4), afin de dilater graduellement la papille. Le dilatateur conique ( figure 4) peut être utilisé de manière intermittente au niveau de la papille entre les dilatations avec les sondes salivaires. Il existe deux catégories de sialendoscopes : les sialendoscopes « multi-usage » ( figure 5) et « tout-en-un » ( figure 6). Ces instruments permettent en même temps d’effectuer une endoscopie diagnostique et thérapeutique. Ils permettent une introduction de matériel dédié pour effectuer extraction, fragmentation et dilatation dans les voies salivaires ( figure 5). Ils permettent également un rinçage continuel de la lentille à travers un canal opérateur-indépendant. Technique de sialendoscopie (8) • La technique peut se faire sous sédation ou anesthésie générale. • Identification de la papille. • Introduction des sondes salivaires à diamètre progressif pour dilater la papille ( figure 7). • Introduction du dilatateur conique. • Introduction du sialendoscope. • Exploration des canaux à l’aide d’un rinçage continuel de l’optique. Arbre décisionnel (8) L’algorithme
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :
Articles sur le même thème
Pagination
- Page précédente
- Page 2
- Page suivante