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De nouvelles méthodes de traitement du signal stabilométrique à l’épreuve de la pratique quotidienne : besoin ou nécessité ?
Ph. ROBIN*, A. ZEITOUN**, M. LACOUR***, M. BELTRAN* - *Centre hospitalier de Cannes, **Cannes, ***UMR 6149 CNRS, université de Provence Aix-Marseille I, Marseille

De nombreux cliniciens utilisent dans leur pratique quotidienne les plates-formes de force comme outils d’aide au diagnostic des déficits posturaux, mais surtout comme instruments de suivi d’une rééducation. Ce suivi peut être effectué dans des conditions très simples d’enregistrement de la performance posturale (plate forme stable, sujet debout yeux ouverts ou yeux fermés), ou dans des conditions plus complexes nécessitant un contrôle postural plus élaboré (plate-forme dynamique, vision perturbée, etc.) .
L’intérêt des plates-formes de posturographie dynamique comme élément de rééducation n’est plus à démontrer. L’apport des bilans sensoriels quantifiés fournis par ces plates-formes fut un grand pas dans le diagnostic fonctionnel et le suivi évolutif objectif des troubles de l’équilibre. Mais jusqu’à présent, la majeure partie des paramètres mesurés concernant les déplacements du centre de pression des pieds (CdP), sortie globale du système postural, ont eu un intérêt restreint pour le diagnostic étiologique et se sont révélés souvent peu efficaces dans le suivi d’une rééducation (1). Plus récemment, des outils nouveaux ont été développés en posturographie dynamique à partir de l’étude des réactions posturales à des déplacements translationnels du support dans les directions antéro-postérieure et médio-latérale (2). Ces outils se sont révélés efficaces dans la détection du risque de chute chez le sujet instable (3) et le bilan de l’équilibre dynamique de sujets chuteurs (4). Des développements intéressants encore plus récents ont été apportés par le groupe de Michel Lacour à Marseille grâce à l’application de nouvelles méthodes mathématiques d’analyse au signal stabilométrique. L’analyse par décomposition en ondelettes (5), ainsi que l’analyse fractale et l’analyse de diffusion du stabilogramme sont aujourd’hui disponibles avec le logiciel PosturoPro (Framiral) travaillant sur tous les types de plates-formes. Ces nouveaux outils ont été expérimentés dans différents groupes de sujets présentant un vieillissement normal (6) ou pathologique comme le malade de Menière (7), le patient cérébelleux ou atteint de sclérose en plaques (8), ou encore chez des sujets âgés se plaignant d’instabilités posturales (7). Dans tous les cas, les paramètres quantitatifs issus de ces nouvelles méthodologies d’analyse du signal stabilométrique se sont révélés extrêmement sensibles et beaucoup plus discriminants que les critères conventionnels classiques (surface et longueur du stabilogramme, analyse de Fourier rapide ou FFT). L’objectif de cet article est de faire part de notre expérience avec ces nouveaux paramètres du logiciel PosturoPro dans notre pratique quotidienne. Notre propos sera illustré d’abord avec nos premiers pas chez des sujets normaux, puis avec certains de nos patients les plus caractéristiques, et nous terminerons avec quelques exemples illustrant l’utilité immédiate de ces nouveaux outils d’investigation de la posture. Méthodes d’analyse de la posture fournies par PosturoPro Nous ne rappellerons brièvement ici que le principe général des différentes méthodes mathématiques utilisées dans PosturoPro. Décomposition en ondelettes Les applications de cette méthode (9) n’avaient jamais été utilisées en posturographie. Les premiers à avoir appliqué la décomposition en ondelettes à l’analyse du contrôle postural (5) indiquent qu’elle fournit la première description tridimensionnelle du signal posturographique. Elle présente l’avantage par rapport à la FFT d’une double résolution fréquence-temps (abscisses et ordonnées), et procure avec une grande précision les variations des puissances des fréquences tout au long de l’enregistrement, sous forme d’un code couleur donnant accès à la 3e dimension. Cet outil d’analyse donne donc la signature posturographique en 3D de sujets normaux ou pathologiques. Une analyse qualitative par simple observation de la carte 3D permet déjà de savoir, à partir des couleurs (chaudes versus froides) et du domaine des fréquences observées ( ou > 1,5 Hz-2 Hz), s’il s’agit d’un sujet normal ou présentant des anomalies de son contrôle postural. Les paramètres quantitatifs développés dans PosturoPro (indice d’instabilité posturale, entre autres) permettent de confirmer cette impression et de donner des valeurs précises situant le sujet dans les limites ou non de la normalité, tout en autorisant un suivi précis de son évolution après traitement. Analyse fractale Basée sur le calcul de la dimension fractale au sens de Hausdorff, cette méthode détermine cette dimension localement sur une fenêtre temporelle étroite (10 intervalles d’échantillonnage) déplacée sur toute la durée de l’enregistrement, et la compare à la dimension fractale d’une suite aléatoire*. Si les valeurs sont similaires, cela signifie qu’il n’y a pas de corrélation entre deux points successifs de l’enregistrement stabilométrique (points non corrélés), qu’il n’y a pas de relations de cause à effet entre eux, et que l’on peut considérer qu’il s’agit d’un « bruit » physiologique ne nécessitant pas de corrections au plan postural (seules les statues sont immobiles !). À l’inverse, des points corrélés témoignent d’un déterminisme causal entre deux événements. Il existe dans ce cas un lien direct entre un point d’échantillonnage (CdP se déplaçant vers l’arrière, par exemple) et le point suivant (correction compensatrice par déplacement du CdP vers l’avant, par exemple), qui souligne la mise en jeu de mécanismes de contrôle postural actifs visant à corriger des déplacements du CdP. Analyse de diffusion L’analyse de diffusion définie par Collins et De Luca (10) utilise une approche similaire à l’analyse fractale puisqu’elle est basée sur la méthode mathématique des mouvements browniens fractionnaires. L’hypothèse sur laquelle repose l’analyse de diffusion est l’existence d’un point critique, défini en termes d’amplitude au carré (en mm2) et de temps (en secondes) en deçà desquels le système postural est sensé travailler en boucle ouverte, et au-delà desquels interviennent les boucles fermées de rétroaction contrôlant la posture. C’est ainsi qu’un sujet normal, par exemple, présente un déplacement quadratique moyen d’environ 20 mm2, un sujet âgé sans problèmes posturaux en moyenne de 40 mm2, et que des valeurs très supérieures témoignent d’instabilités posturales vraisemblablement d’origine pathologique qui nécessitent des rétroactions correctives quasi permanentes pour éviter la chute. Dans ces exemples, cela signifie qu’un jeune adulte fera intervenir ses mécanismes correctifs de la posture pour de très faibles amplitudes de déplacement de son CdP (environ 4,47 mm), d’une amplitude plus importante pour un sujet âgé (environ 6,33 mm), et encore plus grande pour un sujet pathologique. Lorsque l’amplitude du déplacement est trop importante, la chute devient inévitable car le fonctionnement correctif en boucle fermée demeure inopérant car dépassé ou sollicité trop tardivement. Résultats : PosturoPro à l’épreuve de la pratique quotidienne Utilisation du logiciel PosturoPro chez le sujet normal À titre de curiosité intellectuelle, et pour bien comprendre la signification des nouvelles méthodes et des paramètres de quantification fournis par PosturoPro, nous avons tout d’abord placé au centre de la plate-forme une statue pesant 80 kg. L’hypothèse était que, puisqu’il n’y avait aucun déplacement de la statue sur la plate-forme, aucune variation du CdP ne serait enregistrée ; et donc la carte 3D serait vide, le nombre de points non corrélés égal à l’unité (soit 100 %) et l’analyse de diffusion donnerait un tracé plat, signifiant qu’aucune correction n’est survenue. C’est ce qui est effectivement enregistré. On notera que la carte étant vide, cela signifie que les capteurs de la plate-forme ne génèrent pas de bruits qui seraient source d’artéfacts sur l’enregistrement posturographique d’un patient. Si l’on place cette fois un sujet normal et jeune sur une plate-forme stable, mais en lui demandant de se tenir à l’arceau de sécurité placé autour du dispositif, on voit alors apparaître : • une carte 3D avec des oscillations de très faibles puissances (couleurs froides), traduisant un coût énergétique très bas pour maintenir l’équilibre, situées dans les basses fréquences et souvent absentes pendant de longues périodes sur la totalité de l’enregistrement (le sujet se tenant n’a plus à maintenir activement sa posture) ; • que le nombre de points non corrélés reste très élevé ; • et que l’analyse de diffusion du stabilogramme présente pour le déplacement quadratique moyen une valeur typique d’un sujet très stable (figure 1a). Si cette fois le même sujet normal a pour consigne de se tenir debout sur la plate-forme, sans bouger, les bras le long du corps et les yeux ouverts, la carte 3D enregistrée présente la signature posturographique typique d’un sujet jeune et normal, pour qui la tâche posturale est sans difficulté réelle. Les couleurs restent froides, les fréquences d’oscillation ne dépassent pas 1,5 Hz-2 Hz, et on note l’existence de nombreux temps d’annulation des fréquences d’oscillation (tâches blanches dans la carte) qui témoignent d’un processus de contrôle postural. Le nombre de points non corrélés est un peu réduit, et l’analyse de diffusion montre une valeur de déplacement quadratique moyen très faible ( 20 mm2) et typique d’un sujet de cet âge sans aucun problème postural (figure 1b). Figure 1 Utilisation du logiciel PosturoPro chez des patients atteints d’une neuronite vestibulaire En pratique quotidienne, les neuronites vestibulaires constituent un terrain de réflexion fertile ; c’est un modèle clinique assez fréquemment rencontré de déficit vestibulaire aigu, profond et isolé (sans atteinte auditive ou neurologique). Les résultats obtenus par les données classiques de la posturographie dynamique sont déjà assez stéréotypés (figure 2a). Figure 2a. C’est sur un plan instable et les yeux fermés (condition E) que l’entrée vestibulaire est la plus sollicitée. Et c’est dans cette condition que le sujet est le plus instable et chute fréquemment. Qu’apportent les méthodes d’analyse de PosturoPro ? Les résultats obtenus dans cette pathologie en conditions statiques, plateau stable, montrent des différences notoires avec des sujets normaux, alors que les paramètres classiques de la posturographie statique restaient peu discriminants. En effet, la carte 3D d’un patient atteint de neuronite vestibulaire (figure 2b) montre des fréquences d’oscillations
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