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L’assistance respiratoire à domicile : la nouvelle donne
J.-F. MUIR, président de l’ANTADIR, Maison du poumon, Paris

2013 aura été l’année de tous les changements pour l’assistance respiratoire à domicile (ARD). Jean-François Muir revient sur ces mesures et leur impact sur les différents acteurs de ce secteur : médecins, patients, prestataires…
À l’instigation du Comité économique des produits de santé (CEPS), organisme interministériel placé sous l’autorité conjointe des ministres chargés de la santé, de la Sécurité sociale et de l’économie, et principalement chargé par la loi de fixer les prix des médicaments et les tarifs des dispositifs médicaux à usage individuel pris en charge par l’Assurance maladie obligatoire (AMO), trois textes modifiant en profondeur la prescription et la mise en place chez le patient des différents modes d’ARD ont été élaborés par un groupe d’experts, puis pour deux d’entre eux publiés au Journal Officiel en 2013 (après plusieurs navettes entre le ministère, les experts, les fabricants, les prestataires, les associations de patients et les syndicats représentatifs). Le texte instaurant la téléobservance de la pression positive continue (PPC) dans le cadre du traitement du syndrome des apnées du sommeil (SAS) (1), puis celui régissant les nouvelles règles de prescription de l’oxygénothérapie au long cours à domicile (OLD) (2) (sous forme d’avis de projet) ont été publiés ; la ventilation à domicile (VAD) n’est pas en reste, puisque le texte la concernant est pratiquement finalisé (3,4) et devrait être publié début 2014. S’ils ne modifient pas les indications de ces différents traitements, bien définies depuis de nombreuses années, ils introduisent et codifient pour la PPC le contrôle de la téléobservance à grande échelle, et modifient en profondeur pour l’OLD et la VAD le mode de prescription, le choix des dispositifs et leur surveillance. De facto, ils vont aussi de façon importante modifier l’organisation de la prestation de l’ARD et le métier même de prestataire de santé à domicile (PSAD). La téléobservance de la pression positive continue (PPC) Le texte récemment publié au J0 (1), a fait initialement l’objet d’un projet d’arrêté du ministère des Affaires Sociales et de la Santé et du ministère de l’Economie et des Finances portant modification des modalités d’inscription et de prise en charge de la PPC appliquée au traitement du SAS et des prestations associées (chapitre 1er du titre 1er de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la Sécurité sociale). Parallèlement au rappel des critères médicaux de prescription qui ne sont pas modifiés, ce texte instaure la télétransmission automatisée et obligatoire des données d’observance produites par les dispositifs de PPC utilisés dans le cadre du traitement du SAS. Ce texte, très technique, précise de façon détaillée les modalités de prise en charge de la PPC par l’AMO. Il définit l’observance, les modalités de contrôle de la part des caisses, les caractéristiques techniques des dispositifs permettant la transmission automatique de l’observance pour le traitement du SAS et les obligations du prestataire, le contenu de l’information devant être délivrée aux patients et, le cas échéant, les mesures d’accompagnement à mettre en place, ainsi que les relations entre le fabricant du dispositif et le prestataire. L’élément novateur de ce texte est donc bien la mise en place du contrôle automatique de l’observance, alors que, jusqu’à présent, les données d’observance étaient relevées par l’entremise d’une visite du PSAD chez le patient. Ce texte instaure ainsi une télétransmission automatisée quotidienne des données d’observance vers le PSAD, qui est effective depuis le 1 er octobre 2013, pour tout nouveau patient équipé à domicile à partir de cette date. À partir du 1 er janvier 2016, la téléobservance devra être installée chez tous les patients sous PPC, ce qui devrait alors concerner près d’un million de patients. Les dispositifs utilisés Dès que le CEPS a précisé ses intentions auprès des professionnels de santé, s’est posé le problème du choix du dispositif médical permettant d’assurer la télétransmission des données de l’observance. Deux types d’appareils ont ainsi été proposés ( figure 1), d’une part les systèmes dits « fermés » (ou « propriétaires ») ou des systèmes dits « ouverts » (ou « non propriétaires »). F igure 1. Systèmes de téléobservance PPC. • Les systèmes « fermés » s’adaptent uniquement sur les PPC du fabricant qui le proposent déjà depuis plusieurs années aux États-Unis. Ce dispositif a l’inconvénient de ne pas être toujours compatible avec les ma chines d’ancienne génération, obligeant à renouveler prématurément le parc de PPC. En parallèle, son choix contraint le PSAD à choisir une marque plutôt qu’une autre (compte tenu de la chaîne de télétransmission qu’il implique en aval, c’est-à-dire le serveur, les logiciels correspondants et la génération de la facturation), ce qui fige de ce fait, dans une certaine mesure, le marché de la PPC. La mise en place de la téléobservance Depuis le 1 er octobre 2013, quel que soit le dispositif de téléobservance utilisé, les données d’observance sont transmises automatiquement par voie hertzienne (puce GPRS : General packet radio service ou carte SIM : Subscriber identity module) vers un serveur protégé (labellisé ASIP) au prestataire qui le stocke et les tient à disposition des caisses et des patients. L’observance est appréciée par périodes de 28 jours consécutifs ; au cours d’une telle période, le patient doit utiliser effectivement son appareil de PPC pendant au moins 84 heures et avoir une utilisation réelle d’au moins 3 heures/ 24 heures pendant au moins 20 jours. Plusieurs forfaits ont été ainsi générés, correspondant aux différentes périodes d’évaluation de l’observance chez un patient donné ( figure 2). Figure 2. Forfaits associés à la téléobservance. La prise en charge par l’AMO est conditionnée au respect de l’observance du patient à son traitement. Cette stadification donne le temps au prestataire de mettre en place à chaque étape des actions d’accompagnement afin de ménager au patient le maximum de chance de devenir observant. Elle lui donne près de 8 mois pour s’adapter à son traitement et devenir observant. Puisque, dans le pire des cas, l’arrêt de la prise en charge par l’AMO n’intervient qu’à la fin de la 29 e semaine. Lors de l’installation du dispositif de téléobservance automatique, le prestataire n’est pas tenu de recueillir le consentement du patient, mais doit l’informer par écrit du dispositif mis en place et de l’envoi régulier de données d’observance au prestataire, au prescripteur et à l’AMO. Le patient est également informé de la possibilité d’avoir à tout moment les données détaillées de son observance (articles 39 et 40 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978), des critères d’observance et des conséquences de son non respect sur la prise en charge par l’AMO. L’information porte aussi sur la possibilité pour le patient de bénéficier à sa demande et en lien, le cas échéant, avec son médecin prescripteur et/ou son médecin traitant, d’actions d’accompagnement relevant de l’éducation thérapeutique (article L. 1161-3 du code de la santé publique). Ainsi, aux visites à domicile, actuellement réalisées tous les 6 mois, va se substituer un contrôle continu par télétransmission de l’observance. Le texte impose au PSAD de transmettre mensuellement les données d’observance, accompagnées des données d’identification des patients à l’AMO, lui permettant ainsi de vérifier l’exactitude du forfait appliqué à la situation du patient et donc la facturation qui en résulte. Les aspects éthiques Ce texte a suscité de la part des patients une crainte légitime au regard de la liberté individuelle à l’origine d’un recours en Conseil d’État et a depuis été suspendu. En parallèle, la CNIL a pris acte de ce que l’information des personnes soit respectée. Le texte précisant que le PSAD doit informer par écrit chaque patient au domicile duquel il installe un dispositif permettant la télétransmission quotidienne des données d’observance du traitement par PPC (article 32 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée). Par ailleurs, le droit d’accès des patients à leurs données est prévu. Le texte a envisagé sur le plan technique des solutions qui n’entravent pas les déplacements des patients et a interdit la géolocalisation. Au total, le dispositif de téléobservance, mis en place par la CEPS depuis le 1 er octobre 2013, apparaît surtout contraignant pour les prestataires qui ont été dans l’obligation, en très peu de temps, de modifier en profondeur leur organisation de surveillance à domicile, avec des coûts induits importants et de choisir le système de téléobservance le plus adapté à leur pratique. En contrepartie, la mise en place à un niveau national d’un dispositif de télécontrôle de l’observance d’une telle ampleur constitue une première à l’échelon international et préfigure certains aspects de la médecine de demain, et peut-être un début de solution aux déserts médicaux actuels. L’oxygénothérapie à domicile Depuis le début des années 1980, à la suite de la publication des deux grandes études anglosaxonnes sur l’oxygénothérapie au long cours à domicile (OLD) qui montraient que chez les patients porteurs d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) parvenus au stade de l’insuffisance respiratoire chronique (IRC) hypoxique avec cœur pulmonaire chronique, une oxygénothérapie d’au moins 15 heures/24 heures améliorait l’espérance de vie, L’OLD est très largement prescrite à domicile selon des critères désormais classiques, non seulement chez les BPCO, mais aussi par extension aux autres étiologies d’IRC avec hypoxie chronique. Dès la fin des années 1970, l’apparition, parallèlement à l’oxygène gazeux comprimé classique, de l’oxygénothérapie liquide appliquée à l’usage médical et des concentrateurs d’oxygène permettaient un choix simple au prescripteur. • Si le patient n’avait pas de possibilité de déambulation et ne nécessitait que de faibles débits d’oxygène, le concentrateur était l’option de choix avec une bouteille d’oxygène comprimé à la fois de secours et permettant de courtes déambulations, le plus souvent à l’intérieur du domicile
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