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Allergologie

Publié le  Lecture 16 mins

Allergie de contact et phytothérapie

M. AVENEL-AUDRAN, Service de dermatologie, CHU d’Angers

La phytothérapie est une thérapeutique ancestrale. De tout temps, les hommes ont utilisé les plantes pour soigner la peau. Elle subit aujourd’hui un regain d’intérêt avec la mode du « naturel » ou du bio. On voit renaître des préparations à base de plantes élaborées par des « herboristes », concoctées d’après des recettes « familiales » ou récupérées sur internet. L’engouement pour les vertus curatives de certaines huiles essentielles en est un exemple. Les extraits de plantes sont aussi encore largement présents dans des topiques médicamenteux comme principe actif ou dans leur excipient le plus souvent comme agent parfumant. Une revue récente fait le point sur l’utilisation des plantes en dermatologie(1).

Quelle prévalence de l'allergie ? La prévalence de l’allergie due à la phytothérapie est très mal connue et indissociable de l’allergie aux extraits de plantes en général, très utilisés aussi en cosmétique. En 1992, une étude multicentrique hollandaise retrouvait une prévalence de 0,9 % de tests positifs chez 1 032 patients testés systématiquement avec 5 pommades à base d’extraits de plantes (arnica, camomille, échinacée, hamamélis, calendula) (2). Dans une autre approche qui visait plutôt les cosmétiques à base de plantes (3), une série de 47 allergènes dont fragrance mix I, baume du Pérou, lactone mix et compositae mix, et des extraits de plantes ont été testés chez 140 sujets ayant une dermite de contact, 21 ayant utilisé des topiques en contenant et les autres non (119). Quarantesept pour cent dans le groupe à risque avaient au moins un test positif pertinent à un extrait de plante versus 3,4 % dans l’autre groupe. Ainsi, les extraits végétaux utilisés dans les topiques paraissent bien à haut risque de sensibilisation. Quels sont les plantes les plus à risque ? Dans l’étude précédente, le fragrance mix apparaît comme le meilleur marqueur de l’allergie aux plantes, bien qu’insuffisant puisqu’il n’est positif que chez 33,3 % des patients avec au moins un test positif. Le baume du Pérou est également positif chez 30 % d’entre eux. L’extrait végétal le plus fréquent apparaît être l’huile d’arbre à thé, responsable de 5 réactions positives, puis la grande camomille. Si on s’en réfère au nombre de publications dans la littérature en fonction du type d’extrait végétal, les résultats sont du même ordre. Le baume du Pérou, les ex traits d’astéracées, les dérivés du bois de pin, térébenthine et colophane, et plus récemment, la TTO (Tea tree oil) arrivent largement en tête des extraits végétaux potentiellement sensibilisants. Tous ces extraits de plantes responsables d’allergie de contact contiennent des molécules chimiques réactives bien connues comme les lactones sesquiterpéniques (4) ou autres terpènes. S’agissant des huiles essentielles en particulier, il est admis que leur oxydation favorisée par l’exposition à l’air ambiant est à l’origine de la formation de composés réactifs (5). Le baume du Pérou Le baume du Pérou (BP) est une résine qui exsude par incision de l’écorce d’un arbre, le baumier du Pérou, Myroxylon balsamum Harms var. pereirae. La résine qu’il exsude a une agréable odeur de vanille. Elle est un mélange pour deux tiers d’une huile volatile, la cinnaméine, qui contient diverses substances sensibilisantes, telles que des cinnamates (acide, alcool, aldéhyde cinnamiques, méthyl et benzyl cinnamates) vanilline et eugénol, et pour un tiers de polymères d’esters d’alcool coniféryl. Le BP a été très largement utilisé comme cicatrisant de plaies diverses, brûlures et surtout ulcères de jambe, dans le traitement des hémorroïdes ou dans des sirops pour la toux. Son usage a cependant été restreint en raison du risque de sensibilisation, mais 8 topiques en contiennent encore d’après le Vidal en ligne. L’allergie au BP est connue depuis très longtemps, puisque le premier cas a été décrit en 1881 ! Le baume du Pérou reste au « top 5 » des allergènes de la batterie standard (BS). Sa prévalence est élevée, entre 4 et 12 % selon les pays, et plus importante chez les sujets âgés et surtout ceux porteurs d’ulcères de jambe (5) (40 % des personnes âgées). L’eczéma de contact, volontiers aigu, est la manifestation clinique la plus habituelle, mais il a été aussi rapporté des urticaires de contact, pas forcément immunologiques. Trente pour cent des patients, à qui est posé un patch-test au BP, font une réaction immédiate non spécifique qui dure environ une heure. Le benjoin On peut rapprocher du BP, le benjoin, qui est une résine provenant de diverses plantes du genre Styrax, famille des Styracacées. Le Styrax officinalis de Turquie ou du pourtour méditerranéen a pour nom vernaculaire : l’aliboufier. Le benjoin (de l’arabe « luban jawi ») est obtenu, comme pour le BP, par incision du tronc. Sa composition dépend de l’origine de l’arbre dont il est extrait. Le storax ou benjoin de l’aliboufier est riche en acide benzoïque, de même que le benjoin de Siam. Le benjoin de Sumatra est, lui, plus riche en acide cinnamique. Les vertus du benjoin sont voisines de celles du BP : antiseptiques, cicatrisantes et expectorantes. En application externe, il s’utilise surtout sous forme de teinture de benjoin, c’est-à-dire dilué à 10 % dans l’alcool, teinture qui a aussi des propriétés adhésives. Elle entre dans la composition du Mastisol ®, une colle médicale utilisée en chirurgie, responsable de quelques cas d’eczéma de contact. Les patients présentant une allergie à la teinture de benjoin sont souvent polysensibilisés (6) (fragrance mix, BP, etc.). L'huile d'arbre à thé Tea tree oil (TTO), en anglais, est une huile essentielle obtenue par distillation à chaud des feuilles et branchettes d’un arbre natif d’Australie, Melaleuca alternifolia, famille des Myrtacées. Les Myrtacées sont une grande famille de plus de 3 000 espèces d’arbres ou arbustes souvent producteurs d’huiles aromatiques, telles que celles du genre Eucalyptus et Myrtus qui poussent dans les régions méditerranéennes : le giroflier (Eugena giroflia) qui donne le clou de girofle et d’autres plantes du genre Melaleuca qui poussent en régions tropicales comme Malaleuca viridiflora (essence de niaouli) ou Malaleuca leucadendra (essence de cajeput). Melaleuca alternifolia est largement cultivé en Australie par plus de 100 arboriculteurs avec une production en 2004-2005 de 500 tonnes de TTO par an. Ses feuilles aromatiques étaient autrefois utilisées en infusion par les indigènes Bundjalung pour leurs vertus médicinales, d’où son nom. Elles étaient employées aussi broyées en inhalation pour traiter toux et maux de gorge, et en application locale sur les plaies pour hâter la cicatrisation et éviter les surinfections. La TTO reste aujourd’hui un topique naturel anti-inflammatoire et antibactérien très prisé, et son usage s’est étendu au monde entier. Sa concentration d’utilisation varie de 0,5 à 100 %. Ses indications multiples en font un véritable « guérit tout » ! Elle peut traiter ainsi des infections bactériennes, fongiques, virales (herpès et verrues) ou parasitaires (gale et phtiriase) mais aussi l’acné, le psoriasis, les ulcères de jambe ou les escarres… On la retrouve aussi dans de très nombreux produits cosmétiques et ménagers. En 1991, Apted signalait les premiers cas d’eczéma de contact en Australie et en 1992, De Groot rapportait le premier cas d’allergie de contact systémique à la TTO chez un homme qui soignait sa dermatite atopique avec des applications de TTO pure et l’ingestion d’un mélange miel et TTO. Depuis de nombreux cas ont été publiés, parfois graves, très aigus (figure) ou même à type d’érythème polymorphe (7). La publication la plus récente fait état de 41 résultats de pricktests positifs à la TTO testée sur une période de 4 ans et demi en Australie (8). Dans cette étude rétrospective, les patients étaient testés avec la BS et leurs produits personnels, mais aussi systématiquement avec la TTO à 5 % commercialisée par Chemotechnique et une préparation locale de TTO volontairement laissée plusieurs jours en air ambiant au bord d’une fenêtre pour favoriser son oxydation. Une prévalence de 1,8 % de tests positifs a été retrouvée. Parmi les patients testés avec la TTO de Chemotechnique à 5 %, 7 avaient des tests négatifs alors qu’ils avaient des tests positifs pour la préparation locale à 10 %. Cette forte prévalence avait déjà été constatée en Australie où la TTO est ajoutée à la BS. Cette prévalence est très supérieure à celle d’autres pays comme les États-Unis, l’Italie ou le Danemark où elle ne dépasse pas 0,5 %. Il est clair que le risque de sensibilisation augmente avec la concentration d’utilisation de la TTO et aussi son application sur une peau préalablement lésée ce qui facilite sa pénétration. Les allergies croisées sont fréquentes : 95 % des patients de cette dernière étude avaient au moins un autre test positif et 49 % 4 ou plus. La colophane, le fragrance mix et le BP sont les plus fréquemment associés, ainsi que d’autres huiles essentielles comme l’essence de térébenthine. La composition de la TTO est complexe et pas totalement élucidée. De nombreuses substances potentiellement sensibilisantes ont été identifiées, dont les plus fréquemment en cause sont le terpinolène, l’alpha terpinène et l’alpha-phellandrène (8). Le type d’arbre, le climat, le processus de distillation et surtout l’oxydation de la TTO ont une influence sur sa composition. Lors de leur usage courant, la TTO ou les produits en contenant sont inévitablement exposés à l’air, à la chaleur et à la lumière et il en résulte une photo-oxydation avec formation d’autres molécules très sensibilisantes. Dans la mesure où la TTO garde ses vertus thérapeutiques à la concentration de 10 %, les auteurs australiens déconseillent l’utilisation de plus fortes concentrations, ainsi que l’application sur peau lésée. Ils encouragent les fabricants et fournisseurs de produits à base de TTO à mettre sur l’emballage, à l’intention des consommateurs, des mises en garde sur le risque de sensibilisation. Les astéracées Elles sont une des plus grandes familles de plantes et aussi une des plus connues pour ses risques allergiques à la fois de type immédiat et retardé. C’est la partie oléo-résineuse du pollen qui contient les allergènes de contact, essentiellement des lactones sesquiterpéniques, les glycoprotéines, provoquant l’allergie immédiate. L’allergie de contact aux plantes de cette famille s’explore par le lactone mix de la BS qui est un mélange de 3 lactones sesquiterpéniques : alantolactone, costunolide, déhydrocostulnolide, mis au point en 1990. Malheureusement, il ne détecte pas toutes les allergies aux Astéracées. Le compositae mix est un mélange d’extraits d’arnica (Arnica montana), d’achillée

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