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Les implants cochléaires
A. TERRANTI, C. PONCET, B. FRACHET, Service d’ORL et Centre de référence de l’implant cochléaire (CRIC), hôpital Rothshild (APHP), Paris

L’implant cochléaire a bénéficié d’évolutions technologiques constantes depuis le premier prototype d’Eyriès et Djourno en 1957 à Paris, avec en parallèle une amélioration de ses performances et un élargissement de ses indications. L’implant cochléaire est aujourd’hui entré dans la pratique courante de l’ORL et il faut savoir y recourir lors de la réhabilitation des surdités neurosensorielles sévères à profondes, ne tirant pas bénéfice de l’appareillage auditif conventionnel, que ce soit chez l’adulte ou l’enfant.
Concept et fonctionnement L’implant cochléaire est un dispositif électronique implanté qui permet de suppléer une déficience de la cochlée en stimulant directement le nerf auditif de manière tonotopique. À la différence des prothèses auditives conventionnelles qui traitent et amplifient le signal sonore, il est capable de redonner la perception de fréquences qui n’étaient plus perçues. Actuellement, quatre marques d’implant cochléaire sont disponibles : Advanced Bionics (États-Unis), Cochlear TM (Australie), MED-EL (Autriche) et Neurelec, firme française à l’origine de l’implant cochléaire, rachetée et rebaptisée Oticon Medical (Danemark). Chaque marque d’implant a développé un design différent des parties externes et internes, des stratégies de codage du signal sonore propres et des caractéristiques du porte-électrodes spécifiques (taille, diamètre, nombre d’électrodes). Les caractéristiques des implants (figure 1) Les implants cochléaires ont des caractéristiques communes : actuellement, ils sont tous des implants avec multiélectrodes intracochléaires et ils se composent tous de deux parties distinctes essentielles au fonctionnement : la partie interne et la partie externe. • La partie externe comprend un microphone qui capte les variations sonores, un processeur vocal qui convertit ces ondes sonores en signaux électriques, une antenne de transmission qui va diffuser le message à la partie interne et un système d’alimentation électrique (pile, batterie). • La partie interne comporte l’antenne de réception qui capte à travers la peau par ondes de radiofréquences les informations codées par le processeur vocal. Celles-ci vont être transmises par le récepteur-stimulateur au porte-électrodes, positionné dans la rampe tympanique, qui stimule la cochlée par différentes électrodes en respectant le principe de tonotopie cochléaire. La partie interne est mise en place par chirurgie. L’antenne de transmission (partie externe) et l’antenne de réception (partie interne) sont maintenues en contact à travers la peau grâce à leur aimantation. Comment le système fonctionne-t-il ? Le microphone va capter les sons environnants et convertir ce signal acoustique en signal électrique. Celui-ci est transmis au processeur vocal qui va réaliser le codage de ce signal électrique « brut » en signaux électriques. L'analyse va se faire en termes d’intensité, fréquence et temps. Ainsi, le signal va être décomposé en bandes de fréquences qui vont correspondre aux différentes électrodes selon la tonotopie cochléaire. Il y aura autant de bandes de fréquences qu'il y a d'électrodes intracochléaires (12 à 22 selon les fabricants). La bande fréquentielle la plus aiguë est ainsi codée par l’électrode la plus basale, tandis que la bande fréquentielle la plus grave est codée par l’électrode la plus apicale. La stimulation électrique a cependant quelques contraintes. Il faut respecter l’électroneutralité : toute stimulation dans le sens positif doit être contrebalancée par une autre, équivalente dans le sens négatif. De plus, deux électrodes ne peuvent pas être activées simultanément : on réalise une stimulation séquentielle pour minimiser les interactions entre électrodes adjacentes. La manière dont le processeur vocal va encoder le signal est propre à la stratégie de codage choisie par le fabriquant d’implant cochléaire. Cependant, la stratégie de codage du processeur vocal peut également changer pour une même marque d’implant cochléaire : – soit avec différents modes que le patient active en fonction de son environnement sonore (bruits de fond, silence, musique) ; – soit en fonction des choix du médecin régleur/audiologiste pour son patient (stratégies de codage pour lesquelles le patient semble le plus confortable et performant). Les indications d’implantation cochléaire L’indication de la pose d’un implant cochléaire s’envisage après un bilan pré-implant qui comporte : – un bilan audiométrique subjectif: audiométrie tonale et vocale avec un appareillage auditif en champs libre ; – un bilan audiométrique objectif (PEA [Potentiel évoqué auditif], ASSR [ Auditory Steady-State Response], otoémissions) ; – un bilan vestibulaire (vidéonystagographie, potentiels évoqués otolithiques) ; – un bilan orthophonique avec évaluation du langage et des difficultés de communication du patient et ses stratégies de compensation ; – un bilan radiologique avec scanner et IRM des rochers et des angles ponto-cérébelleux ; – une évaluation psychologique pour mesurer l’adhésion du patient au projet, l’absence d’attentes irréalistes ou de contre-indications psychiatriques. Les indications chez l’adulte Les indications d’implantation cochléaires ont été définies par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007, avec une actualisation en 2011.Les critères audiométriques sont déterminés par l’audiométrie vocale avec la liste dissyllabique de Fournier, les oreilles appareillées en champ libre, sans lecture labiale. Si le score est inférieur ou égal à 50 % de mots compris, il s’agit d’une indication d’implant cochléaire. On remarque donc que la présence de restes auditifs n’est pas un obstacle à une implantation cochléaire. Mais il n’existe pas d’indication de primo-implantation cochléaire chez l’adulte avec surdité prélinguale. • Dans les cas de fluctuation auditive, il peut exister une indication d’implantation cochléaire, même lorsque les résultats peuvent être temporairement hors critères, avec un retentissement majeur sur la compréhension. • Il n’y a pas de limite d’âge supérieure à l’implantation cochléaire chez l’adulte. Chez le sujet âgé, une évaluation psychocognitive et une consultation pré-anesthésique sont préalables à la décision d’implantation cochléaire. En cas de risque anesthésique important, un geste chirurgical sous anesthésie locale peut même être envisagé. Les indications chez l’enfant Dans les surdités prélinguales, l’implantation doit être la plus précoce possible pour avoir l’espoir de réparer la mutité et de relancer la production de parole de bonne qualité. D’où l’intérêt du dépistage néonatal, car la surdité est un déficit sensoriel fréquent à la naissance : 1 enfant sourd sur 1 000 naissances (4), avec un retentissement majeur chez l’enfant. Le dépistage permet l’appareillage précoce et, si besoin, une implantation cochléaire. En effet, en l’absence de dépistage néonatal systématique, l’âge moyen du diagnostic est relativement tardif entre 12 et 36 mois. C’est pourquoi après 5 ans, en cas de surdité congénitale profonde ou totale, il n’y a plus d’indication à une implantation cochléaire, sauf si l’enfant a développé une appétence à la communication orale. Si l’enfant est déjà entré dans une communication orale, il peut bénéficier d’une implantation quel que soit son âge. • Dans le cas d’une surdité profonde (tableau), prélinguale (pas d’audiométrie vocale réalisable !), l’implantation cochléaire est indiquée lorsque le gain prothétique ne permet pas le développement du langage. • Dans le cas d’une surdité sévère, comme chez l’adulte, l’implantation cochléaire est indiquée lorsque la discrimination est inférieure ou égale à 50 % lors de la réalisation de tests d’audiométrie vocale adaptés à l’âge de l’enfant. Les tests doivent être pratiqués à 60 dB, en champ libre, avec des prothèses adaptées au mieux. Comme chez l’adulte, en cas de fluctuation auditive, une implantation cochléaire peut être indiquée en fonction du retentissement. Réunion pluridisciplinaire Les indications d’implant cochléaire sont toujours rediscutées et confirmées en réunion multidisciplinaire par l’équipe qui va prendre en charge le patient (ORL régleur ou audiophonologiste, chirurgien otologiste, radiologue, audioprothésiste, orthophoniste, psychiatre et psychologue). On peut anticiper grâce à l’imagerie les difficultés chirurgicales (ossification cochléaire, malformation de la cochlée [oreille geyser: syndrome de Gusher]) ou revoir une indication (agénésie ou hypoplasie du nerf cochléaire). L’évaluation de la taille de la cochlée guide également le choix du porte-électrodes (longueur). La marque de l’implant est également déterminée en fonction de la dextérité et de l’autonomie des patients (gestion des divers accessoires, tels que télécommande, téléphone, piles et batteries), du mode de vie (conditions humides, sports aquatiques : choix d’un implant Neptune, par exemple), de l’existence d’une prothèse auditive conventionnelle controlatérale qui peut bénéficier de la même télécommande que celle de l’implant cochléaire (PHONAK et Advanced Bionics, par exemple), du goût du patient pour la musique. Le bilan audiométrique peut permettre d’anticiper les difficultés de réglages ou de rééducation (neuropathie auditive). Le bilan vestibulaire guide sur le choix du côté à implanter. En cas d’atteinte et de durée de déprivation auditive équivalente, on choisit d’épargner le côté avec la meilleure fonction vestibulaire pour éviter les risques d’aréflexie bilatérale. Mise en place de l’implant La chirurgie L’implantation cochléaire se réalise sous anesthésie générale (sauf cas exceptionnel) avec idéalement monitoring peropératoire du nerf facial. L’abord chirurgical est de moins en moins invasif et il se limite actuellement à une incision cutanée rétro-auriculaire. La chirurgie consiste à mettre en place la partie interne. Le corps de l’implant est positionné en arrière du pavillon auriculaire, sous le muscle temporal, et le porte-électrodes, quant à lui, est inséré dans la rampe tympanique après abord de la fenêtre ronde par une tympanotomie postérieure. Il s’agit, en général, d’une intervention peu douloureuse. Dans un souci de préservation des structures de la cochlée, l’implantation se fait en suivant les principes de la « soft surgery ». On privilégie un abord de la fenêtre ronde ( round window approach) plutôt qu’une cochléostomie quand cela est possible (ce qui est difficile en pédiatrie). L’ouverture de la fenêtre est brève et on évite d’aspirer la périlymphe. On insère le porte
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