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Société

Publié le  Lecture 12 mins

Les troubles du goût et de l’odorat - Généralités et traitements

Chloé BOUTEa, Caroline HUARTb, Philippe ROMBAUXc, a. Service ORL, CHU Namur b. Service ORL, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles c. Service ORL, cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles

Le goût et l’odorat sont des sens chimiques essentiels à la vie. Outre leur contribution à l’appréciation d’un repas ou d’une ambiance odorante, ils ont pour but une fonction d’alerte, en nous informant de la présence de produits nocifs ou de fumée et en prévenant l’ingestion de substances toxiques. La perte totale ou subtotale des capacités olfactives touche environ 5 % de la population générale et jusqu’à 25 % de la population âgée de plus de 50 ans. Seuls 5 % des patients rapportant un trouble du goût et de l’odorat présentent une altération de leur fonction gustative(1, 2).

L'odorat est le sens qui permet de détecter et percevoir des composés volatiles, appelés odeurs. Celles-ci peuvent activer notre système olfactif par deux voies principales : – la voie orthonasale : il s’agit d’odeurs présentes dans notre environnement (i.e. parfum) et qui sont dirigées vers le neuroépithélium olfactif via l’air que nous inspirons par le nez ; – la voie dite « rétronasale » (ourétro-olfaction), qui est empruntée par les odorants provenant des aliments que nous ingérons. Lors de la mastication ou de la déglutition, les odorants en provenance de la cavité buccale sont acheminés par voie rétro-vélopharyngée vers le neuroépithélium olfactif (figure 1). Figure 1. Voies de l’olfaction : orthonasale et rétronasale. Il est important de souligner que la perception rétronasale est un déterminant essentiel de la saveur des aliments. Lorsque cette perception rétronasale est altérée, elle est souvent perçue comme un trouble du goût qui est à l’origine de la confusion fréquente entre les troubles olfactifs et gustatifs. Il est essentiel de rappeler que la perception gustative concerne les goûts fondamentaux, à savoir le salé, le sucré, l’acide, l’amer et l’umami (glutamate). Un autre système sensoriel est également étroitement lié à la perception olfactive : il s’agit du système trijumeau. En effet, la plupart des odorants sont capables d’activer le nerf olfactif et le nerf trijumeau (i.e. menthol, l’eucalyptus, la moutarde, l’eau de Javel, etc.), ce dernier étant responsable des sensations somatosensorielles (thermique, nociceptive). Seules certaines odeurs activent relativement spécifiquement le système olfactif (i.e. phényléthyl alcool) ou le système trijumeau (gaz carbonique) (2). Prise en charge Anamnèse et examen clinique La prise en charge initiale d’un patient présentant un trouble olfactif et gustatif repose sur l’anamnèse et l’examen clinique de la sphère ORL, via une rhinoscopie antérieure, une pharyngoscopie, une otoscopie et l’examen endoscopique des fosses nasales et des fentes olfactives. À l’anamnèse, il est capital de procéder à un relevé exhaustif des antécédents médicochirurgicaux (chirurgie nasale, sinusienne ou otologique, amygdalectomie, procédures avec compression du nerf lingual, etc.), des traitements en cours, de l’existence d’un éventuel traumatisme crânien ou d’une infection de la spère ORL précédant l’apparition des plaintes. Il faudra également préciser les circonstances d’apparition, les caractéristiques temporelles et rechercher les symptômes associés tels une obstruction nasale, une rhinorrhée, des céphalées, une sécheresse buccale, des douleurs, etc. Il est important de demander au patient s’il présente un trouble du goût (salé, sucré, acide, amer), un trouble pour la perception de la saveur des aliments et/ou un trouble de l’odorat. Un bilan biologique complet (formule sanguine, fonction rénale et hépatique, fer, zinc, cuivre) peut être demandé. Exploration du goût et de l’odorat (2, 3) Lorsqu’un patient se présente pour trouble du goût ou de l’odorat, il est essentiel de mesurer ses capacités olfactives et gustatives. Il existe en effet une inadéquation entre les plaintes énoncées par le patient et l’importance objective des pertes sensorielles. Les troubles olfactifs et gustatifs sont classifiés entre troubles quantitatifs et qualitatifs (stimulus olfactif/gustatif) (encadré ci-dessous). De manière générale, trois grandes méthodes d’exploration existent : les méthodes psychophysiques, les enregistrements électrophysiologiques et l’imagerie. • Exploration de l’odorat Les tests psychophysiques constituent la manière la plus courante de mesurer la fonction olfactive. Il existe de nombreux tests. Il est essentiel d’utiliser des tests validés, pour lesquels il existe des valeurs normatives. Les UPSIT et les sniffin’ stick tests sont de loin les plus connus et utilisés (figure 2). Les « UPSIT » permettent d’évaluer les capacités d’identification des odeurs, tandis que les sniffin’ stick tests évaluent non seulement les capacités d’identification, mais aussi de détection de seuil et de discrimination. L’avantage de ces tests est leur facilité d’utilisation et leur validité. Néanmoins, il s’agit de tests semi-objectifs, nécessitant la coopération des patients et donc sujets à un biais de réponse potentiel. Figure 2. Sniffin’ sticks (Burghart Messtechnik) commercialisés en France par la société MediSense. Les mesures électrophysiologiques des capacités olfactives sont quant à elles une méthode objective. Elles sont basées sur l’enregistrement au niveau du scalp de l’activité encéphalographique générée suite à la présentation d’un stimulus chimique odorant et résultant en un potentiel évoqué olfactif. Étant donné la difficulté d’obtenir un stimulus olfactif pur en raison de la double innervation des fosses nasales (olfactive et trigéminale), ces méthodes nécessitent un appareillage onéreux et sont donc l’apanage de rares centres cliniques. Elles sont essentiellement utilisées à des fins médicolégales et de recherche. L’imagerie ‰par tomodensitométrie des sinus de la face peut mettre en évidence une pathologie inflammatoire et/ou tumorale au niveau du nez, des cavités paranasales et des fentes olfactives. Les bulbes olfactifs sont visualisés de manière indirecte par l’aspect de la gouttière olfactive osseuse. La réalisation d’une résonance magnétique cérébrale est indiquée chez un patient qui présente un trouble olfactif d’origine indéterminée. Il s’agit du meilleur examen pour visualiser les voies olfactives puisqu’il permet l’étude morphologique des bulbes olfactifs, la mesure de leur volume et l’analyse des sillons olfactifs, ainsi que la visualisation des projections corticales des voies olfactives. • Exploration du goût Il existe deux tests psychophysiques pour mesurer le goût : – les tests chimiques utilisent des stimuli gustatifs et permettent des mesures d’identification et de seuil de détection. Ces tests, lorsque leur dispositif le permet peuvent être utilisés de manière régionale et fournir des informations quant à la topographie des troubles. – l’électrogustométrie consiste en l’application de microcourants électriques sur la langue provoquant une sensation gustative. Elle permet d’établir une mesure de seuils de détection et une évaluation topographique. Les mesures électrophysiologiques, avec l’enregistrement de potentiels évoqués gustatifs sont très rarement utilisées. L’imagerie ‰par résonance magnétique cérébrale permet d’explorer le trouble gustatif isolé d’origine indéterminée. Elle étudie les structures neuroanatomiques impliquées dans la perception gustative, de la périphérie au système nerveux central (tronc cérébral, thalamus, cortex gustatif et endorhinal). Une tomodensitométrie des rochers sera demandée en cas de doute otoscopique chez les patients présentant un trouble gustatif (innervation gustative via la corde du tympan). Etiologie Troubles de l’odorat Chez trois quarts des patients consultant pour un trouble de l’odorat, l’origine est liée à une pathologie nasosinusienne. Les étiologies principales des troubles olfactifs non liés à une pathologie nasosinusienne sont les troubles de l’odorat d’origine postinfectieuse, post-traumatique et idiopathique. Parmi les causes les moins fréquentes, on retiendra les dysosmies d’origine toxique ou médicamenteuse liées aux maladies neurologiques ou exceptionnellement congénitales (tableau 1). Un trouble olfactif postinfectieux se caractérise typiquement par un symptôme olfactif apparaissant dans les suites d’une banale infection des voies respiratoires supérieures, associant congestion nasale et trouble olfactif, avec persistance de ce dernier après résolution de la congestion nasale. Les études ont démontré que cette entité est plus fréquente chez les femmes, plus particulièrement entre 40 et 60 ans. Les patients se plaignent généralement de ce trouble olfactif quelques semaines après un infection des voies respiratoires supérieures. On considère que le mécanisme pathologique est une perturbation au niveau du neuroépithélium olfactif et du bulbe olfactif secondaire aux phénomènes inflammatoires liés à l’infection. Les chances de récupération sont liées à l’âge, à l’importance du trouble olfactif et à la volumétrie des bulbes olfactifs (4). Les troubles olfactifs post-traumatiques sont fréquents et généralement proportionnels à l’intensité du traumatisme. Des traces de contusion cérébrale et dépôts d’hémosidérine sont souvent retrouvés lors de l’imagerie cérébrale d’investigation au niveau des diverses structures cérébrales impliquées dans la perception olfactive, l’anamnèse étant bien entendu la clé du diagnostic. Les chocs crâniens frontaux et occipitaux sont les plus à risque de rendre la patient anosmique, vu la possibilité d’un cisaillement des fibres nerveuses olfactives lors de leur passage au travers de la lame criblée. Malgré des investigations poussées, chez environ 20 % des patients présentant un trouble olfactif aucune étiologie ne peut être retrouvée. Dans ce cas de figure, le terme de trouble olfactif idiopathique doit être utilisé. Celuici pouvant être un signe précurseur d’une maladie neuro-dénégérative : un avis auprès d’un confrère neurologue peut être demandé, surtout si le trouble olfactif s’associe à d’autres symptômes tels que des troubles de la mémoire, troubles cognitifs voire des signes moteurs. Toutefois, dans la grande majorité des cas, le trouble reste isolé. L’absence de réponse positive à une corticothérapie orale est un argument supplémentaire pour évoquer une nature idiopathique. L’évolution d’un trouble olfactif idiopathique est souvent péjoratif. Il convient de répéter les investigations surtout psychophysiques dans les 2 ans pour juger de l’évolutivité (2, 3). Troubles du goût Les troubles isolés du goût, nettement plus rares, peuvent être d’origine nerveuse centrale, périphérique, dus à des lésions des différents nerfs crâniens impliqués dans la perception gustative (V, VII, IX

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