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COVID-19

Publié le  Lecture 20 mins

SARS-CoV-2 et COVID-19 : le point à 4 mois d’une pandémie

Colas TCHÉRAKIAN, Service de pneumologie, hôpital Foch, Suresnes ; Centre de compétence des déficits immunitaires ; Centre de référence des éosinophiles (CEREO)

Depuis le 24 janvier 2020, en moins de 3 mois, le SARS-CoV-2 aura fait 20 000 morts en France alors qu’il n’a touché qu’une proportion modeste de la population française (5,6 %) (https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181). Il a paralysé le pays, pris en otage les habitants et complètement changé le quotidien des soignants qui l’ont croisé. Alors que l’infection montre enfin une inflexion liée au confinement, c’est ici l’occasion de faire le point avant la nouvelle vague.

Le foisonnement de la littérature est sans précédent sur le sujet avec 5 284 articles sur PubMed en 3 mois, auxquels s’ajoutent 1 900 articles en préprint accessibles qui devraient paraître rapidement ( https://connect.medrxiv.org/relate/content/181). La mise à disposition gracieuse des publications par les revues, la possibilité d’accès aux articles non encore acceptés pour publication et l’aide par des revues de bibliographie sur le sujet ( https://bibliovid.org) a permis une progression exponentielle des connaissances sur le sujet. Voici ici les éléments (non exhaustifs) qui se dessinent sur ce virus et sa pathogénie. D’où vient-il ? On connaissait déjà de nombreux coronavirus que l’on voit passer chaque année responsables de « rhumes » mais, parmi ces nombreux coronavirus, trois sont responsables d’épidémie grave : le SARS-CoV a posteriori nous pourrions l’appeler le SARS-CcV-1 ; le MERS-CcV ; et aujourd’hui le SARS-CoV-2, qui est responsable de la maladie COVID-19 ( Corona Virus Disease 2019). Aucun des deux précédents virus n’a eu besoin d’un laboratoire pour émerger, tout comme les différentes grippes aviaires et porcines. L’analyse génomique publiée dans Nature devrait permettre de clore les théories les plus loufoques sur le sujet, n’en déplaisent aux Américains et au Pr Montagnier (Andersen KG et al. Nat Med 2020). Il s’agit d’une mutation du SARS-CoV-2 de la chauve-souris qui lors de son passage dans un hôte intermédiaire (pangolin ?) a acquis, entre autres, la capacité à se fixer au récepteur ACE2 humain. Le deuxième élément, crucial, a été l’acquisition d’une capacité à se transmettre directement d’homme à homme. Quelles particularités pour le SARS-CoV-2 ? Le R0 est plus haut que la grippe, proche de 3. Pour rappel le R0 est le nombre de personnes qui seront infectées par un sujet source, qu’il soit malade symptomatique ou non et c’est un élément important. En effet le SARS-CoV-2, contrairement aux précédentes infections par le SARS-CoV-1 et le MERSCoV, laissent des porteurs asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, mais qui restent porteurs d’une excrétion virale. Cela participe grandement à la diffusion de la maladie et a empêché de faire une isolation rapide et efficace des sujets infectés pour contenir efficacement l’infection initialement. Par ailleurs le taux d’attaque (risque d’être infecté lorsque l’on mange en face de quelqu’un de malade ou que l’on assiste à la même réunion) est d’un tiers. Cela signifie que si vous mettez en salle de réunion neuf personnes avec un malade, trois personnes ressortiront également malades. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, en pistant les premiers cas, ils avaient participé à des meetings professionnels. Le comeback des gouttelettes de Flügge : dès 1890, Flügge démontra que même en parlant de minuscules gouttelettes se mettaient en suspension et pouvaient contenir des microorganismes. C’est la portée des gouttelettes et leur temps en suspension dans l’air qui, à l’aide de caméras modernes et de modélisations mathématiques, rend perplexe. Plusieurs mètres de distance et plusieurs minutes (voire heures en absence d’aération) en suspension. Ceci explique pourquoi les premiers cas avaient contracté le COVID-19 après des meetings en salle de réunion. Une publication récente faisant part de l’excrétion d’une traînée de particules infectantes jusqu’à 5 mètres derrière un jogger. N’enlevez pas votre masque aux toilettes ! Dans les modes de contaminations, on rappelle également qu’il y a une aérosolisation des bactéries et des virus après avoir tiré la chasse d’eau, qui explique que dans les clusters de contamination, l’utilisation des toilettes publiques soit le seul lieu de contamination retrouvé pour certains patients. Combien de temps et à partir de quand une personne est-elle contaminante ? Le JAMA rappelle les modes d’infections et les mesures de protection grand public (Desai AN et al. JAMA 2020 Apr 9). La charge virale excrétée est infectante plus de deux jours avant l’infection et maximale dans les 12 heures avant l’apparition des premiers signes cliniques (He et al. Nat Med 2020). La fin de l’infectiosité est sujette à débat. Probablement moins longtemps sur le plan de l’excrétion respiratoire, sous forme de gouttelettes, que sous la forme digestive (Yi XU, Nature Med 2020 Mar 13). Alors que l’on voit la majorité des patients baisser l’excrétion virale naso-pharyngée en une quinzaine de jours voire avant, l’excrétion virale digestive peut continuer jusqu’à un mois, posant la question d’une persistance de la contamination manuportée. Ceci pose plusieurs problèmes pour les personnes infectées visà- vis de leur entourage et de la dissémination de l’infection même après guérison clinique (pour ceux qui étaient symptomatiques) et pour le personnel soignant qui revient au contact des patients. Cela impose donc un strict respect de mesures barrières et probablement pour des durées supérieures à celles préconisées aujourd’hui. Le personnel soignant fait partie des personnes infectées. L’origine de l’infection n’est pas forcément l’hôpital puisque l’interrogatoire retrouve 8 fois sur 10 une contamination familiale. On a noté en Italie comme en Chine et en France un pourcentage de la population soignante infectée importante. Cela pose un problème éthique pour les travailleurs de la santé présentant des facteurs de risque d’évolution vers une forme grave de COVID : doit-on les écarter ? (Tsai et al. JAMA 2020) Contamination nosocomiale : c’est aujourd’hui une problématique qui va crescendo avec des cas identifiés tous les jours dans les unités non COVID. COVID-19 et nouveau-né : les études de JAMA Pediatric du 26 mars 2020 et du JAMA du 26 mars 2020 montrent qu’il y a une potentielle contamination du nouveau-né par la mère, sans conséquence pour le nouveau-né. On se protège comment ? Idéalement par un masque chirurgical pour chacun. Les masques en tissu sont un pisaller moins efficace que les masques chirurgicaux (en tout cas pour la grippe, BMJ Open 2015 Mar 26). Après quand on n’a rien d’autre… Les masques chirurgicaux sont efficaces (Leung N et al. Nature Med 2020). Porter un masque pour une protection efficace n’est pas si simple. La plupart du temps il y a des erreurs de manipulation contaminantes ou un non-respect du nombre d’heures de protection (4 heures) (Feng et al. Lancet Respir J 2020). On rappelle qu’il reste du virus (certes 0,1 %) à J7 sur les masques chirurgicaux. Un masque… c’est jetable, il faut donc en avoir en quantité suffisante (Chin AWH et al. The Lancet Microbe 2020). Physiopathologie • Localisation et mode d’entrée : lors de la cartographie des sites retrouvant le virus, c’est l’atteinte pulmonaire qui prédomine (alvéoles dans 93 % des cas et dans les expectorations, 72 %). Les sécrétions nasopharyngées (63 %), le pharynx (32 %), les selles (29 %), le sang (1 %) avec une virémie courte et chez les patients les plus graves ; pas d’excrétion urinaire. Finalement les signes cliniques correspondent aux zones où il y a des récepteurs au virus de type ACE2 c’est-àdire respiratoire, rénal, digestif, cardiaque, cérébral et vasculaire. Partout où il y a du récepteur ACE2 il y a du virus et potentiellement une atteinte clinique. Si la localisation pulmonaire est la plus parlante en termes de retentissement, elle n’est pas la seule expression de la maladie (Wang L et al. 2020 ; Zhang Y et al. 2020). Le virus semble augmenter le nombre de récepteurs ACE2 après l’infection. Plus le nombre de récepteurs est augmenté plus forte sera la réponse immunitaire (Li G et al. J Autoimmun 2020). Pas de relation entre la gravité et l’utilisation des IEC, il y a même des études en cours pour voir s’il y aurait un effet protecteur (Meng J et al. Emerging microbes & infections 2020). • Par ailleurs il a été noté proportionnellement moins de caucasiens dans les études et en pratique, qui peut faire penser à des susceptibilités génétiques sousjacentes. (Goyal P et al. N Engl J Med 2020). • Le groupe sanguin : comme souvent dans les infections, le groupe sanguin 0 est protecteur car le sujet peut faire des anticorps contre un plus large panel d’épitopes (les groupes A et B diminuant la production des anticorps, pour ne pas être autoréactif contre eux-mêmes). • COVID, activation de la coagulation et thrombose : il est rapporté dans la littérature des cas cliniques de thrombose pendant le COVID, en particulier en soins intensifs. (Xie Y et al. Radiology Cardiothoracic Imaging 2020 ; Danzi GB et al. Eur Heart J 2020). Il est noté à plusieurs reprises la présence d’une coagulabilité inhabituelle chez les patients COVID-19, confirmée par une prévalence de 11 % d’embolie pulmonaire chez les patients COVID-19 hospitalisés. Une étude pragmatique montre que l’administration d’une anticoagulation (préventive le plus souvent) chez les patients présentant plus de 3 000 ng /ml de D-dimères permettait de baisser la mortalité (33 % versus 52 %) (Shiyu Y et al. J Thromb Thrombolysis 2020). • Qu’est-ce qui tue dans le COVID ? Il existe une phase initiale de réplication virale puis une phase inflammatoire secondaire, qui pourrait être due à un défaut de production d'interféron de type échec de la clairance virale. C’est dans ce cadre qu’ont été mis en place des essais rétrospectifs et prospectifs sur différentes molécules anti inflammatoires, dont les anti-IL6, avec des résultats qui semblent bénéfiques dans une fenêtre thérapeutique étroite. Il s’agit des patients oxygéno-requérants dont les besoins s’accélèrent en 24-48 heures. Les corticoïdes semblent avoir une place également, mais encore une fois tout est une question de timing et de dose. Présentation clinique Alors que les formes graves submergent mes hôpitaux, c’est essentiellement les formes légères qui caractérisent la maladie. Pour mémoire, nous avons des données sur le por tage asymptomatique et la diffusion de la maladie grâce aux contaminations dans le paquebot Diamond Princess au Japon, qui était une sorte de «

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