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Épidémiologie mondiale de l’allergie
François LAVAUD, Reims

La première session plénière du Congrès francophone d’allergologie 2021 portait sur l’épidémiologie mondiale de l’allergie. Reporté en 2020 pour raisons sanitaires, le CFA reprenait cette année les principales thématiques retenues mais de façon condensée sur 2 jours et par participation on line les 27 et 28 mai derniers. Trois orateurs ont développé les données épidémiologiques mondiales et récentes sur les allergies respiratoires, alimentaires et médicamenteuses.
ALLERGIES RESPIRATOIRES D’après Denis Charpin (Marseille) PROBLÈMES DE DÉFINITION Les grandes enquêtes épidémiologiques portant sur la rhinite allergique durant la décennie 1990- 2000 ont été l’étude suisse SALPADIA portant sur la population générale, les différentes études nutrition et santé aux États-Unis NHANES II, NHANES III et NHANES IV en 2005-2006, l’étude ISAAC et ses différentes phases et l’étude européenne ECHRS. Elles ont toutes porté sur des effectifs importants mais elles sont difficilement comparables, effectuées soit par questionnaire, soit par tests d’allergie et les questionnaires eux-mêmes portent sur des items différents, les tests d’allergie sont des tests sérologiques ou des tests cutanés, également difficilement comparables. En combinant questionnaires et tests d’allergie, on obtient des prévalences se rapprochant de la réalité, autour de 11 à 13 % pour la population générale. CHIFFRES DE PRÉVALENCE ET LEUR ÉVOLUTION En se référant à l’étude ISAAC I portant sur les enfants, on observe selon les pays une grande disparité des taux de prévalence aussi bien pour la rhinite allergique que pour l’asthme de presque zéro à plus de 40 %. La France se situait dans la fourchette haute 10 à 17 % pour les symptômes rapportés d’asthme dans l’année, autour de 15 % pour la rhino-conjonctivite allergique. Ce classement des pays ne se fait pas de façon aléatoire et les valeurs les plus hautes s’observent pour les pays développés et anglo-saxons, ce qui est faveur de l’hypothèse hygiéniste ou microbiologique. Les résultats plus récents (2006) de la phase III de l’étude ISAAC résument l’évolution des taux de prévalence chez les enfants de 6 à 7 ans et de 13 à 14 ans. Chez les enfants les plus jeunes, il y a eu peu d’évolution durant les 10 années de suivi avec une légère augmentation de la rhino-conjonctivite allergique. Les variations les plus marquées l’ont été chez les préa-dolescents avec une stabilisation, voire une diminution dans les pays où la prévalence était la plus élevée mais avec une augmentation dans les pays en voie de développement. Depuis 15 ans, il n’y a pas eu de grande étude épidémiologique mondiale et on se réfère à des études ponctuelles effectuées dans quelques pays. En France la comparaison de groupes d’écoliers en classe de CM2 et de collégiens en 3 e montre une évolution légèrement croissante des symptômes d’asthme (sifflements, toux nocturne) dans ces 2 groupes entre les années 2004 et 2008. Cette augmentation se fait surtout chez les garçons sauf pour le paramètre « asthme vie entière ». En région marseillaise, une étude de suivi 20 ans après ISAAC I dans les écoles et selon les mêmes critères a montré une augmentation de la prévalence de l’asthme et des pollinoses mais uniquement significative pour ces dernières (p 0,001). En Italie, une enquête de santé respiratoire comparative entre les années 1991 à 2010 objective une augmentation de l’asthme et surtout de la rhinite allergique. Aux États-Unis, la prévalence de l’asthme a augmenté de 2,9 % par an entre 2001 et 2010 avec une augmentation plus marquée parmi les minorités. Sur 7 centres scandinaves chez les adultes de 20 à 48 ans on constate entre 1990 et 2010 une progression régulière de l’asthme et de la rhinite pollinique, plus marquée dans les 10 dernières années. POURQUOI CETTE TENDANCE PERSISTANTE À LA HAUSSE ? Le rôle de la nutrition a été évoqué avec progression de l’obésité et de la consommation des acides gras oméga-6. Le surpoids au niveau français est ainsi passé de 31% en 1990 à 39% en 2009, évolution réduite depuis grâce au plan nutrition-santé. Autre phénomène, la migration des populations rurales vers les villes, même si la population rurale ne diminue pas en France, c’est celle des villes qui augmente avec prise en compte des facteurs microbiens évoqués dans l’hypothèse hygiéniste et protégeant les populations rurales. On insiste également sur le mal-logement avec augmentation des logements insalubres et 20 % des logements comportent des moisissures, 44 % des Français se déclarant se priver de chauffage. Un autre point mal documenté est la diminution du renouvellement de l’air dans les logements. Le chiffre réglementaire étant de 0,5 par heure avec renouvellement conseillé de la totalité de l’air d’une pièce toutes les 2 heures ce qui est loin d’être le cas dans la majorité des pays européens. Le confinement de l’air favorise le contact avec les allergènes. Le changement climatique permet le développement de moisissures mais aussi le réchauffement est favorable au développement des acariens. Au total, l’augmentation des allergies respiratoires se poursuit et il faut s’attacher à maitriser ce qui est modifiable, l’alimentation et la qualité de l’air intérieur. ALLERGIES MEDICAMENTEUSES D’après Pascal Demoly (Montpellier) BIAIS RETROUVÉS EN ÉPIDÉMIOLOGIE DES ALLERGIES AUX MÉDICAMENTS Ce sont les mêmes que ce qui a été évoqué précédemment avec en plus une complexité liée aux mécanismes qui ne sont pas toujours IgE-dépendants. En pharmacovigilance les réactions d’hypersensibilité (HS) sont classées de type B, ou imprévisibles, et représentent 20 à 30 % des effets secondaires ; et l’HS peut être d’origine immunologique avec 7 à 8 mécanismes différents mais aussi non immunologiques avec au moins 4 mécanismes non allergiques différents. Les enquêtes épidémiologiques pâtissent de sous-diagnostic, expliqué par le manque de déclaration et moins de 15 % de ces effets sont déclarés en centre hospitalier. Le sur-diagnostic figure dans 10 à 30 % des dossiers patients, diagnostic d’allergie porté à tort sur un diagnostic non étayé par bilan ou histoire clinique compatible et moins de 22 % de ces déclarations sont confirmées chez l’adulte par test de réintroduction, constat encore plus vrai chez l’enfant avec moins de 12 %. COMPLEXITÉ DES DONNÉES Les risques de rechute par allergie aux pénicillines lors de represcriptions sont relativement faibles le risque de réagir 2 fois étant estimé à 1,9 % dans une grande étude anglaise sur plus de 3 000 patients recevant 2 cures de pénicilline à plus de 60 jours d’intervalle et qui avaient réagi lors de la première cure. Le risque est cependant multiplié par 11 en cas de réaction précédente avec des symptômes parfois plus sévères (0,5 d’anaphylaxie et 0,2 % de Lyell). Par ailleurs, il existe des risques de ne pas tester et plus de 70 % des patients prétendant être allergiques ne le sont pas même lorsque la clinique est évocatrice. Les conséquences de garder une étiquette d’allergie non démontrée aux pénicillines sont multiples et, en particulier, les alternatives antibiotiques non étayées majorent le risque de développer un portage de SARM est de 69 % chez ces patients. RAISONS DE LA FAIBLESSE DES DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES L’hétérogénéité des manifestations cliniques avec des chronologies d’apparition différentes joue un rôle confusionnel, de même que la sévérité qui peut être variable d’un patient à l’autre pour le même médicament et d’un épisode à l’autre pour le même patient. Cette hétérogénéité clinique est due à l’hétérogénéité des mécanismes IgE- ou non IgE-dépendants où le médicament peut être présenté au système immunitaire de façon extrêmement variable. Les mécanismes non allergiques peuvent également déclencher des réactions d’HS. Ceci explique que certains médicaments soient fortement hista-minolibérateurs comme la morphine, l’atracurium et le mivacurium, les quinolones, la vancomycine... dans un certain contexte avec des circonstances favorisantes pour les réactions d’HS que sont l’atopie, une vitesse d’injection élevée ou l’hyperosmolarité. Autres raisons de la complexité des données épidémiologiques, la peur des patients, la peur des médecins, le manque d’explorations, le manque supposé de connaissances et de procédures standardisées. Cependant les explorations sont maintenant standardisées : histoire clinique compatible, puis tests cutanés, biologie et tests de provocation. QUELQUES SÉRIES RÉCENTES D’ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE Les sources de données sont le plus souvent rétrospectives que prospectives. Elles sont constituées par des cohortes ou bases de données gérées par la pharmacovigilance, les services informatiques médicaux (EHRs), les praticiens (DAHD, REGISTAR). En général, le bilan allergologique n’est pas pris en compte sauf pour les bases provenant d’allergologues. À titre d’exemple, on peut noter en 2021 : Le consortium coréen qui collige les toxidermies sévères a publié cette année 384 cas de Lyell ou Stevens Johnson et 361 DRESS dus à 149 médicaments, avec 6,6 % de mortalité. Les médicaments les plus en cause étaient l’allopurinol, la carbamazépine, la vancomycine, la lamotrigine, le paracétamol, l’amoxicilline... Les bases de pharmacovigilance de la FDA ont concerné l’anaphylaxie avec 17,5 millions d’effets indésirables déclarés entre 1999 et 2019, dont 47 496 anaphylaxies (0,27 %). L’âge médian était de 52 ans avec 63 % de femmes. Les décès représentaient 2 984 cas (6,3 %) et les médicaments responsables étaient en premier lieu les antibiotiques et les produits de contraste iodés (PCI). La responsabilité des biothérapies augmente, 2% en 1999 et 17% en 2019. Les anaphylaxies aux vaccins anti-Covid à ARN recensés par la FDA ont représenté 11,1 cas/1 million d’injections (21 cas) pour le vaccin Pfizer puis dans une autre publication 4,7/1 milliond’injections (66 cas pour 17 M d’injections) et 2,5/1 million d’injections pour le vaccin Moderna. Un tiers des patients avait un antécédent allergique, 92 % ont reçu de l’adrénaline, 32 (48 %) ont été hospitalisés dont 18 en réanimation et 7 ont été intubés, la guérison s
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