Réduction du volume pulmonaire dans l’emphysème : actualités et perspectives
Thomas EGENOD, unité d’endoscopie interventionnelle, oncologie thoracique, service de pneumologie, Hôpital universitaire Dupuytren, Limoges
La prise en charge thérapeutique actuelle de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) s’appuie sur le sevrage tabagique, l’activité physique, la réadaptation respiratoire, la prise en charge nutritionnelle, les traitements pharmacologiques inhalés, parfois les macrolides en stratégie d’exception et la prise en charge des comorbidités, notamment cardiovasculaires. Malgré une prise en charge optimale, de nombreux patients restent symptomatiques, notamment en termes de dyspnée, d’exacerbations fréquentes et de bronchite chronique, justifiant de poursuivre les efforts de recherche et d’innovation.
La bronchoscopie interventionnelle a connu un essor majeur ces dernières années dans le domaine de la BPCO, notamment avec des techniques de réduction volumique de l’emphysème visant à améliorer la dyspnée et la capacité d’exercice.
L’objectif de cet article de synthèse est de présenter l’état des lieux des connaissances en 2023 concernant les techniques de réduction de volume d’emphysème.
RÉDUCTION DE VOLUME CHIRURGICALE Deux procédures chirurgicales sont à disposition en France pour le traitement de l’emphysème pulmonaire : la transplantation pulmonaire et la chirurgie de réduction de volume ou LVRS. La LVRS consiste, lors d’une sternotomie ou d’une vidéothoracoscopie, à réséquer de manière unie ou bilatérale les zones de parenchyme pulmonaire où la destruction par l’emphysème est la plus importante. Ceci permet de diminuer les phénomènes d’hyperdistension et d’optimiser le fonctionnement du diaphragme. L’essai randomisé NETT (1) a prouvé dans une large population (n = 1 218) la supériorité de la LVRS par rapport aux traitements médicamenteux sur un certain nombre de paramètres de suivi (fonction respiratoire de repos, qualité de vie, amélioration fonctionnelle sur le TM6M et la capacité à l’effort), mais uniquement dans un sous-groupe de patients réunis par la présence d’un emphysème hétérogène prédominant dans les lobes supérieurs, associé à une faible performance à l’exercice en fin de réhabilitation ( 40 Watts pour les hommes et 25 pour les femmes). Cependant, la LVRS n’améliorait pas la survie et était même associée à une morbidité et une mortalité précoces non négligeables (8 % de mortalité dans les 90 premiers jours). Une revue de la littérature regroupant 11 essais, publiée dans la Cochrane Library par Van Atgeren, en octobre 2016 (2), conclut qu’à 24 mois de la chirurgie, les 1 760 patients opérés présentaient une amélioration de -13,78 points au Questionnaire respiratoire de Saint-George (QRSG), une différence statistiquement significative au TM6M (p = 0,02), mais au prix d’un risque de mortalité précoce 6,16 fois supérieur (IC95 % 3,22- 11,79) dans le bras chirurgie comparé aux traitements médicamenteux seuls. Cette analyse regroupe de multiples essais dont certains datent d’il y a 20 ans. Il n’est donc pas impossible qu’avec l’avènement de nouvelles voies d’abord moins invasives et le développement de protocoles d’anesthésie innovants, les conclusions formulées sur la morbi-mortalité ne soient plus représentatives de la réalité. Néanmoins, ce traitement est peu proposé, si bien qu’actuellement un peu moins d’une cinquantaine de chirurgies de réduction d’emphysème sont pratiquées chaque année en France (extraction récente de la base de données Epithor). RÉDUCTION DE VOLUME PAR VOIE ENDOBRONCHIQUE Jusque récemment, les broncho-dilatateurs et la chirurgie de réduction de volume pulmonaire étaient les deux seules options thérapeutiques disponibles pour traiter la distension pulmonaire dans l’emphysème. C’est dans ce contexte que s’est développée la réduction de volume par voie endoscopique avec de multiples techniques déjà évaluées au travers d’essais cliniques. Certaines comme le by-pass ou les spirales sont abandonnées. D’autres sont en cours de développement (valve Spiration ®, Aeriseal ®) ou d’ores et déjà inscrites dans les recommandations internationales du groupe GOLD 2023 (3) comme la valve ZEPHYR ® (grade A) ou la vapeur (grade B). Réduction de volume par modification du flux ventilatoire • La valve ZEPHYR ® Les valves endobronchiques ZEPHYR ® (figure 1) sont des dispositifs conçus pour réguler le flux d’air et ainsi améliorer la fonction pulmonaire chez des patients souffrant d’emphysème sévère. Pour chaque cycle respiratoire, la quantité d’air dans le segment pulmonaire cible est réduite (phénomènes dits de pneumoréduction). Alors que les résultats initiaux décevants observés dans l’essai randomisé VENT (4) avaient conduit à un refus d’approbation de l’US Food And Drug Administration (FDA), un sous-groupe de patients répondeurs caractérisés par une absence de ventilation collatérale interlobaire (122 patients sur les 492 inclus) a été secondairement individualisé. Depuis, l’absence de ventilation collatérale interlobaire ou scissure complète, synonyme d’éligibilité à la technique, constitue une étape obligatoire avant toute réduction de volume par valve ZEPHYR ® (LVRV pour Lung Volume Reduction with Valves). Cette recherche de scissure complète peut être réalisée dans un premier temps de manière non invasive par analyse de la tomodensitométrie thoracique sur la plateforme en ligne StratX ®. En soixante-douze heures, le médecin reçoit par mail un rapport d’analyse (figure 2) qui permet (i) de calculer le pourcentage d’emphysème dans chaque lobe ainsi que le volume inspiratoire de chaque lobe (en millilitres) et (ii) d’évaluer l’intégrité des scissures. Si la scissure est considérée comme douteuse ou poreuse sur l’analyse StratX ®, il convient de réaliser une épreuve dite de Chartis ® (figure 3). Les résultats de multiples essais contrôlés randomisés menés depuis l’utilisation des stratégies StratX ® et Chartis ® pour sélectionner les patients éligibles (5) se sont avérés très encourageants (amélioration significative des paramètres fonctionnels respiratoires, de la qualité de vie et des capacités à l’effort) avec un profil de tolérance beaucoup plus favorable que la chirurgie. Les patients y étaient randomisés en 2 groupes : un groupe contrôle, traité de façon optimale selon les recommandations en vigueur, et un groupe expérimental qui, en plus de ce traitement, bénéficiait d’une LVRV. Une méta-analyse récente (5) a réuni l’ensemble de ces résultats et permis de montrer que, dans cette population, la différence moyenne constatée entre le bras expérimental et le bras contrôle était de 17 % pour le VEMS et 530 millilitres (mL) pour le VR. La différence était en moyenne de 40 m pour la distance parcourue au test de marche de 6 minutes (TM6M) et de 8,5 points au questionnaire de Saint-George (QRSG). Ces données extrêmement robustes, confirmées dans le suivi à long terme des patients traités, ont permis l’obtention du remboursement par la Haute Autorité de santé en mars 2020 dans le traitement de l’emphysème pulmonaire sévère (BPCO de stade 3 du GOLD) ou très sévère (BPCO de stade 4), hétérogène ou homogène, du lobe supérieur et/ou inférieur, chez des patients très distendus (VR > 175 %), avec une ventilation collatérale nulle à minimale, handicapés dans leur vie quotidienne (Score ≥ 2 au questionnaire modifié du Medical Research Council), sans comorbidité sévère et/ou instabilité clinique (BPCO du groupe D du GOLD), ayant bénéficié d’une réhabilitation respiratoire, et sous traitement médical optimal. À l’heure actuelle, il s’agit de la seule technique de réduction de volume endoscopique dans cette situation en France qui ne s’adresse donc qu’aux patients ne présentant pas ou peu de ventilation collatérale interlobaire. Plusieurs stratégies multimodales sont en cours d’évaluation pour « convertir » les patients présentant une ventilation collatérale interlobaire et les rendre éligibles aux valves endobronchiques. Une équipe australienne a montré qu’instiller du polymère dans les segments communiquant avec la scissure chez les malades présentant une ventilation collatérale interlobaire pouvait permettre de corriger cette anomalie anatomique et de les rendre éligibles à une LVRV (6). Cette stratégie innovante est actuellement évaluée dans un essai clinique (CONVERT). Plus récemment, un patient américain a pu bénéficier d’une LVRV après fermeture chirurgicale de sa grande scissure (7). Figure 1. Les valves. À gauche, la valve endobronchique ZEPHYR ®. À droite, la valve OLYMPUS ®. Figure 2. Analyse d’un scanner thoracique sur la plateforme StratX ®. Figure 3. Réalisation pratique de l’épreuve de Chartis ® et résultats possibles. La LVRV présente de nombreux avantages par rapport à la réduction de volume chirurgicale (morbimortalité moindre, possibilité de retirer les valves). Néanmoins, il existe comme pour chaque traitement un certain nombre de complications, la plus fréquente étant le pneumothorax dont la fréquence est évaluée dans une méta-analyse récente(5) à 26 % des cas (79 pneumothorax pour 293 malades traités) contre 11 % après chirurgie. La physiopathologie de ces pneumothorax iatrogènes est incertaine, mais fait l’objet de plusieurs hypothèses (fistule bronchopleurale du lobe ipsilatéral, pneumothorax ex-vacuo). Ils peuvent être à haut risque chez les malades les plus sévères et font l’objet d’une prise en charge bien codifiée. Dans 25 % des cas (20 malades sur 79 cas recensés), le drainage ne suffit pas et il faut pratiquer l’ablation temporaire ou permanente d’une ou plusieurs valves. Récemment, le centre hospitalier universitaire de Limoges a proposé d’implanter les valves en deux temps. Les résultats d’études mono- puis multicentriques semblent montrer que l’incidence de pneumothorax secondaire à une LVRV diminuerait à environ 10 % sans augmenter le risque de survenue d’autres complications et sans altérer l’efficacité du traitement (8). Aujourd’hui, aucun essai randomisé comparant la LVRV en 2 temps au standard de traitement n’a été mené. • La valve SPIRATION ® La valve SPIRATION ® (figure 1) a aussi pour objectif de vidanger un lobe distendu et peu fonctionnel. L’air ne circule là aussi que dans un sens, mais dans ce cas précis, va circuler autour du système et non au sein d’un bec central. Ce système a été évalué dans 4 essais randomisés réunis dans une méta-analyse récente (9). Globalement, les résultats sont hétérogènes et peuvent laisser l’impression que les résultats sont plus décevants qu’avec la valve ZEPHYR ®. Il convient cependant d’être prudent, car l’évaluation de la ventilation collatérale n’était demandée que dans deux essais. Les résultats y étaient meilleurs avec un gain médian de VEMS évalué à 120 mL, similaire à ce qui était retrouvé dans la méta-analyse évaluant la LVRV. Par ailleurs, cette analyse n’était probablement pas optimale, car elle ne se faisait que par analyse visuelle du scanner thoracique et donc sans Chartis ®. Rétraction du parenchyme pulmonaire L’ensemble des traitements évoqués dans ce chapitre sont caractérisés par leur caractère irréversible et leur fonctionnement indépendant de la ventilation collatérale interlobaire. •
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