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Les mycoses nasosinusiennes
J.-J. BRAUN, ORL-allergologue, Strasbourg

L’exposition aux moisissures peut être à l’origine de différentes pathologies des voies aériennes supérieures (rhinite, sinusite, balle fongique, etc.) et inférieures (asthme, aspergillose bronchopulmonaire allergique, pneumopathie d’hypersensibilité, etc.). Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans cette pathologie fongique respiratoire répondent à trois grands types(1) : mécanismes immunoallergologiques, mécanismes infectieux et mécanismes toxiques et/ou irritants.
Face à la grande variété de champignons (plus de 300 espèces d’ Aspergillus par exemple) et à l’exposition ubiquitaire à ces champignons (environnement intérieur et extérieur) colonisant les cavités nasales chez pratiquement 100 % des êtres humains, le pouvoir pathogène de ces champignons opportunistes semble moins lié aux caractères propres de ceux-ci (spores, toxines, pouvoir antigénique, etc.) qu’aux conditions locales et/ou générales favorables à leur implantation chez l’homme : cavités nasosinusiennes, terrain débilité (diabète, immunosuppression, mucoviscidose…), atopie, sensibilisation, etc. (2). Même si ces mécanismes physiopathologiques ne sont pas toujours parfaitement connus et même si l’individualisation nosologique reste parfois imprécise, les pathologies fongiques en rhinologie peuvent être classées aux cinq grands groupes (3) : – les balles fongiques (mycétomes, aspergillomes) ; – les rhinites fongiques allergiques ; – les sinusites fongiques allergiques ; – les sinusites fongiques invasives (indolentes, fulminantes) ; – les « autres » pathologies fongiques nasosinusiennes en attente d’individualisation nosologique. Au fil des années, la méthodologie diagnostique devient plus précise et surtout plus facile (endoscopie, TDM, bilan immunoallergologique et mycologique) et le traitement est de mieux en mieux codifié. Les balles fongiques (3,4) Les balles fongiques (« fungus ball » des Anglo-Saxons) des cavités nasosinusiennes parfois appelées mycétomes ou aspergillomes de façon abusive sans preuve mycologique, réalisent des atteintes fongiques localisées, non invasives, non ou peu agressives, extramuqueuses siégeant le plus souvent dans les sinus maxillaires et survenant chez des patients immunocompétents. Ces sinusites fongiques sont souvent rattachées à une origine dentaire (dépassement apical intrasinusien). Si l’aspect TDM et opératoire est souvent évocateur de sinusite caséeuse fongique, seul les examens anatomopathologiques et mycologiques permettent formellement d’affirmer l’étiologie fongique et de préciser le type de champignon en cause. Bilan clinique La symptomatologie clinique de balle fongique qui concerne exclusivement l’adulte est non spécifique. Il s’agit d’une sinusite chronique paucisymptomatique, rebelle au traitement médical et parfois totalement asymptomatique. L’unilatéralité des symptômes (rhinorrhée purulente ou mucopurulente antérieure ou postérieure, mouchage de croûtes, cacosmie ou dysosmie) doit attirer l’attention du clinicien. Les céphalées et algies faciales sont plus fréquentes lors des sinusites fongiques sphénoïdales. Dans certains cas, il s’agit d’une découverte radiologique fortuite lors d’un examen systématique avant chirurgie cardio-thoracique, implantologie dentaire ou lors d’une recherche d’un foyer infectieux ORL. L’endoscopie nasale peut être normale ou mettre en évidence des sécrétions purulentes, des croûtes au niveau du méat moyen ou parfois un polype réactionnel. L’examen dentaire révèle souvent des dents « sinusiennes » dévitalisées. Imagerie La radiologie standard n’a plus d’intérêt actuellement face à la tomodensitométrie qui permet un bilan lésionnel précis. Différents signes peuvent faire suspecter le diagnostic de balle fongique : atteinte unilatérale avec aspect hétérogène des opacités intrasinusiennes, présence fréquente d’un corps étranger (dépassement apical de densité métallique) et/ou de microcalcifications, comblement total ou partiel d’un ou plusieurs sinus, épaississement pariétal et parfois lyse de la paroi médiale du sinus maxillaire avec comblement du canal ostioméatal ou ostéolyse pariétale du sinus sphénoïdal. Au terme de l’exploration TDM, certains signes, et plus encore leur association, doivent faire évoquer une étiologie fongique sans en être pathognomonique : – présence d’un corps étranger intrasinusien de tonalité métallique ; – existence de microcalcifications au sein du comblement sinusien ; – épaississement des paroi s osseuses de la cavité infectée ; – comblement unilatéral souvent hétérogène d’une ou plusieurs cavités nasosinusiennes. Le cone beam représente actuellement une alternative diagnostique intéressante en permettant de réaliser à la fois le bilan dentaire et le bilan sinusien en un seul examen. L’IRM n’a pas d’intérêt dans les formes habituelles de sinusite caséeuse fongique ou non, en dehors d’une pathologie sphénoïdale atypique ou d’une forme pseudotumorale de balle fongique. Seuls les examens anatomopathologiques et mycologiques permettent de confirmer formellement l’étiologie fongique au terme du bilan ( figures 1 et 2). Figure 1. Balle fongique : TDM en coupe axiale. Comblement hétérogène du sinus maxillaire droit avec un volumineux corps étranger intrasinusien. Destruction partielle de la paroi intersinusonasale et ostéosclérose pariétale du sinus. Figure 2. Balle fongique : TDM en coupe axiale. Comblement hétérogène du sinus maxillaire gauche avec calcifications centrales. Ostéosclérose pariétale du sinus. Localisation des balles fongiques L’atteinte des sinus maxillaires est de très loin la plus fréquente. Les mycoses non invasives isolées des sinus frontaux, des sinus ethmoïdaux, des cavités nasales sont beaucoup plus rares. Examen anatomopathologique Après coloration spéciale (PAS, Grocott-Gomori), l’examen anatomopathologique permet de visualiser les filaments mycéliens et parfois d’identifier le champignon sur des critères morphologiques. Il n’y a pas d’envahissement de la muqueuse sinusienne. Bilan mycologique L’examen mycologique direct et la culture mycologique permettent de façon inconstante l’identification des champignons dans seulement 30 à 58 % des cas, probablement en raison d’un prélèvement de mauvaise qualité ou de la faible vitalité des champignons ayant poussé dans un environnement sinusien peu favorable. Dans les pays européens, l’ Aspergillus, et en particulier l’ Aspergillus fumigatus, est le principal agent pathogène. D’autres espèces d’ Aspergillus ( flavus, niger, nidulans) et parfois d’autres champignons tels Scedosporium apiospermum, mucorale, Cladosporium, Fusarium… ont pu être identifiés. Bactériologie La flore bactérienne est superposable à celle des sinusites chroniques : staphylocoque aureus, Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Proteus mirabilis, etc. Diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel amène à discuter les autres types de sinusite chronique ou parfois le diagnostic de sinusite fongique allergique, voire de sinusite fongique invasive indolente face à un aspect pseudotumoral de la balle fongique. Traitement Le traitement est exclusivement chirurgical, sans traitement médical associé par antifongiques locaux et/ou généraux. Pour le sinus maxillaire, la voie d’abord peut être la méatotomie moyenne et/ou un abord a minima de la fosse canine. Les autres localisations de balle fongique font appel à l’ethmoïdectomie, la sphénoïdotomie ou l’abord du sinus frontal par voie endoscopique et/ou par voie externe. Les résultats sont excellents en dehors de rares récidives souvent liées à la croissance d’un reliquat fongique laissé en place, d’où l’intérêt de la surveillance postopératoire (endoscopie et parfois TDM). • Les balles fongiques réalisent une atteinte non invasive, extramuqueuse principalement des sinus maxillaires. • L’exploration clinique et TDM fait suspecter le diagnostic qui sera confirmé par une enquête mycologique précise face au polymorphisme mycologique de ces mycétomes. • Le traitement est exclusivement chirurgical par chirurgie endoscopique avec d’excellents résultats. Les rhinites fongiques allergiques (3) Bilan clinique Les rhinites fongiques allergiques sont essentiellement liées à Cladosporium, Alternaria et Aspergillus. La symptomatologie peut être de type perannuelle ou parfois saisonnière, posant des problèmes de diagnostic différentiel avec la rhinite pollinique. Parfois elles peuvent être liées à certaines professions : vigneron ( Botrytis cinerea), champignonniste ( Basidiospores), brosseur de saucisson (penicillium)… Comme pour les autres rhinites allergiques, la symptomatologie associe de façon variable : rhinorrhée, éternuements, prurit nasal ou vélopalatin et parfois conjonctivite ou asthme associés. Bilan allergologique Les tests cutanés sont tributaires de l’existence d’extraits commerciaux disponibles (nouvelle réglementation Afssaps), de la qualité et de la standardisation des extraits commerciaux. Les dosages des IgE spécifiques (RAST Pharmacia) et le test de provocation nasale peuvent être utiles dans certains cas, tout comme l’enquête mycologique au niveau de l’habitat ou de l’environnement professionnel. L’examen ORL et les données de l’imagerie peuvent être normaux ou mettre en évidence une rhinite ou une rhinosinusite chronique sans spécificité propre.Ces examens sont surtout intéressants pour le diagnostic différentiel en cas de doute diagnostique ( figure 3). Figure 3. Rhinite fongique allergique : TDM en coupe coronale. Épaississement de la muqueuse des sinus maxillaires et ethmoïdaux sans spécificité. Traitement • L’éviction est la première mesure à réaliser au niveau de l’habitat après enquête par une conseillère en environnement. • Le traitement symptomatique est celui de toute rhinite allergique : antihistaminique de 2 e génération et/ou corticoïde local nasal et le traitement d’un asthme ou d’une conjonctivite associés. • La validation de l’immunothérapie spécifique par des études contrôlées reste faible dans la littérature et ne concerne que peu d’extraits fongiques ( Alternaria et Cladosopirum). Les sinusites fongiques allergiques (2,3,5-8) Nosologie - Épidémiologie Malgré des publications de plus en plus nombreuses, l’individualisation nosologique de la sinusite fongique allergique (SFA) est encore discutée et est beaucoup plus récente que celle de l’aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA). Les mécanismes physiopathologiques impliqués sont probablement multiples. Actuellement, l’origine
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