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Conseils téléphoniques en pédiatrie. Un exercice quotidien nécessairement encadré
B. CHEVALLIER, M. SZNAJDER, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt

La consultation par téléphone est une réalité d’aujourd’hui, mais elle est redoutée par les médecins conscients des difficultés inhérentes à ce mode d’exercice, avec les conséquences judiciaires possibles d’une éventuelle erreur d’appréciation. Cette inquiétude justifiée des pédiatres libéraux, mais également hospitaliers, a conduit il y a bientôt dix ans le Groupe de pédiatrie générale de la Société française de pédiatrie à organiser une réflexion médicale, éthique et juridique sur ce thème et à proposer un outil d’aide à l’orientation à partir d’une demande de conseils téléphoniques.
Les nouveaux moyens de communication, l’évolution de nos modes de vie, l’exigence largement partagée d’une réponse rapide à un problème posé ont conduit, à côté des consultations classiques, à l’utilisation du téléphone aujourd’hui comme celle d’Internet et de la télétransmission demain, pour ob-tenir des informations et/ou des conseils de son médecin. La pédiatrie est particulièrement concernée par cette évolution. La consultation par téléphone fait partie du quotidien des familles comme des médecins. Elle est largement souhaitée par les familles qui y voient un moyen simple d’obtenir une réponse rapide à leurs interrogations. Réalité des consultations par téléphone en pédiatrie De nombreuses études portant sur la pédiatrie libérale et/ou hospitalière s’accordent sur un même constat : le nombre de consultations téléphoniques croît régulièrement depuis les années 70. En France, les services d’urgences pédiatriques hospitalières reçoivent entre 25 et 50 appels par jour et les pédiatres libéraux, entre 15 et 25 appels(1). Les appels concernent essentiellement des enfants jeunes ( 24 mois). Les pathologies aiguës sont le plus souvent en cause (10 symptômes représentent plus de 80 % des motifs d’appel : fièvre, diarrhée, vomissements, toux, gêne respiratoire, mauvaise prise de biberons, pleurs, troubles du comportement, traumatisme, éruption cutanée, otalgie, constipation). Le suivi d’une pathologie chronique ou la surveillance de l’évolution d’une pathologie aiguë ne représentent que 10 % des appels des familles(2,3). Un créneau horaire est réservé par certains pédiatres, qui refusent d’interrompre leur consultation au cabinet, alors que d’autres répondent à tout moment. Le matin et la fin d’après-midi sont les temps d’appels les plus fréquents. Une orientation hospitalière ne concerne que moins de 5 % des appels dans les études anglosaxonnes( 2,3) et, dans plus de 50 % des cas, la situation ne nécessite pas de consultation immédiate. Les appels concernent essentiellement des enfants jeunes 24 mois. L’appréciation d’une situation ne repose que sur les informations fournies par la famille et les réponses aux questions posées par le médecin. Deux études ont été réalisées à partir d’observations factices, l’une de fièvre(4) et l’autre de diarrhée(5) du nourrisson, et illustrent bien les difficultés rencontrées. Ainsi dans respectivement 18 % (fièvre) et 38 % (diarrhée) des cas, l’orientation proposée à l’issue de l’entretien téléphonique n’était pas jugée pertinente en regard d’un référentiel nord-américain (6). Une analyse plus précise des réponses montre que les erreurs d’appréciation sont liées à une omission de questions importantes (60 %), à une mauvaise interprétation des questions posées (23 %) ou à un défaut d’appréciation objective des familles (10 %). La comparaison entre les questions posées par le médecin lors de l’entretien téléphonique ou lorsque la situation clinique est proposée « à froid » montre que le problème n’est pas une méconnaissance de la part des médecins des facteurs de gravité ; il semble plutôt lié aux circonstances particulières de la consultation téléphonique : brièveté de la durée de l’entretien (2’45 en moyenne), anxiété familiale, manque de disponibilité intellectuelle du médecin devant gérer simultanément un enfant au cabinet. Certains facteurs de risque sont identifiés comme étant à l’origine d’erreurs : enfant inconnu du médecin, âge 6 mois, gêne respiratoire, diarrhée et vomissements, un appelant autre que la mère, un appel de fin de soirée (9). Les erreurs d’appréciation sont majoritairement liées à une omission de questions importantes et aux circonstances particulières de la consultation téléphonique. Téléconsultation : oui, mais à condition de bien connaître la famille A l’heure actuelle, à l’hôpital Louis-Mourier, la télémédecine est surtout importante pour transmettre des documents (radios notamment) d’un hôpital à l’autre. Cette pratique est très utile, elle existe depuis environ deux ans et continue à se développer. La téléconsultation est l’autre versant important de la télémédecine. Le service des urgences pédiatriques reçoit de nombreux appels de parents inquiets demandant un conseil pour leur enfant malade. Ce sont le plus souvent les infirmières qui répondent et passent la communication au médecin. L’interprétation d’un symptôme décrit par un parent insuffisamment ou, au contraire, exagérément inquiet est difficile, d’autant que le médecin interrogé peut avoir une expérience professionnelle encore limitée. Le moindre doute exige un examen aux urgences. Il en va de la santé de l’enfant et bien évidemment de la responsabilité du médecin. Concernant les patients drépanocytaires, dont une large cohorte est suivie à l’hôpital Louis Mourier, nous recevons quotidiennement des appels de parents ; les motifs sont le plus souvent assez stéréotypés et un simple conseil peut suffire, à condition que le médecin ait l’expérience nécessaire et que la famille soit bien connue. Tout autre est l’appel téléphonique pour, par exemple, un conseil pour un vaccin, un renouvellement d’ordonnance ou un certificat pour l’école, etc. La réponse permet alors d’éviter un déplacement aux urgences, une attente prolongée ; le médecin hospitalier peut d’ailleurs souvent conseiller aux parents d’utiliser les réseaux médicaux de ville et/ou le médecin de famille qui connaît mieux les parents et l’enfant. Nul doute que la téléconsultation ne peut que se développer. Beaucoup reste à faire en ce domaine, ne serait-ce que former le personnel médical et paramédical hospitalier à ce type de relation. D’ici-là, la plus grande prudence est de mise. M.-H. ODIÈVRE Hôpital Louis-Mourier, Colombes Des considérations éthiques et médico-légales : vers des recommandations Peut-on refuser de donner des conseils par téléphone ? À cette question, chaque praticien tend à apporter une réponse qui lui est propre. Le problème se pose différemment s’il s’agit d’une famille connue, d’un enfant suivi régulièrement par le médecin ou d’un enfant présentant une pathologie chronique. La connaissance de l’enfant et de sa famille, et de la capacité de celle-ci à évaluer la situation de son enfant, rend cet exercice acceptable. Il est plus difficile de prôner la même attitude lorsque la famille n’est pas connue du praticien, et il est peutêtre préférable dans ces situations de proposer systématiquement de voir l’enfant. Cette situation est fréquente en pédiatrie ambulatoire lors des gardes et aux urgences hospitalières où plus de 95 % des appels concernent des enfants inconnus du service des urgences pédiatriques qui reçoit l’appel. Les services d’urgences hospitalières se sont organisés pour faire face à cette demande et d’autres services préfèrent répercuter tous les appels vers le Centre 15, arguant du manque de disponibilité des médecins présents aux urgences pédiatriques. L’Académie américaine de pédiatrie a récemment proposé dans cette situation des recommandations qui visent à réduire le risque d’erreurs dans un pays où la judiciarisation de la médecine est forte (7). La recommandation est de proposer dans tous les cas de voir l’enfant si la famille le souhaite ou s’il existe un doute dans l’esprit du médecin. Un autre point fort est le danger souligné de confier à la secrétaire (ou à l’infirmière) le soin de répondre à la place du médecin. Ces recommandations peuvent êtres résumées comme suit (encadré ci-contre). Lorsque la famille n’est pas connue du praticien, il est peut-être préférable de proposer systématiquement de voir l’enfant. Nous ne devons pas oublier que les médecins sont soumis à un principe de responsabilité civile ordinaire. C’est une responsabilité contractuelle traditionnelle établie depuis 1936 par l’arrêt Mercier. Le médecin établit un contrat « moral » avec son patient, le contrat médical. Le médecin a une obligation de moyens « soins attentifs, consciencieux et conformes aux données actuelles de la science ». L’exercice de la consultation téléphonique n’échappe pas à ce principe et constitue plutôt un facteur aggravant du risque (8). La télémédecine dans la pratique allergo-pédiatrique Le constat À ce jour, à ma connaissance, il n’existe pas d’expérience de la télémédecine en allergologie pédiatrique. Dans un domaine proche, la pneumologie, il existerait des expériences dans le suivi des greffés du poumon, avec entretien et mesure du souffle. On peut rapprocher de la télémédecine les échanges par mail avec les familles, qui sont actuellement très fréquents et en progression exponentielle. Son intérêt Chez un patient sévère, polypathologique, nécessitant un suivi très régulier, la télémédecine avec entretien et mesure du souffle ne peut qu’améliorer la prise en charge. La télémédecine permettra de multiplier les contacts avec ces patients. Actuellement en région parisienne, par manque de disponibilité des patients et des médecins et des difficultés de déplacement, les contacts, pour ce type de patients, sont trop espacés. La légalisation de la télémédecine permettra de donner un cadre officiel aux échanges par mail avec les familles, et surtout d’obtenir une reconnaissance de ces actes très chronophages. Face à la pénurie d’allergologues, elle permettra de donner un cadre légal, reconnu, aux réunions entre équipes médicales par vidéoconférence. Ses limites Au niveau du patient, la télémédecine ne peut être envisagée qu’avec certaines familles connues, ayant établi une relation thérapeutique avec le praticien. Certaines familles vont tenter de remplacer la consultation par une téléconsultation. Il est probable, que comme lors des échanges de mail, seuls certains aspects techniques pourront être résolus lors de ces échanges. La consultation traditionnelle, qui permet d’analyser au mieux l’intégralité de la pathologie et d’analyser la communication non verbale restera indispensable. E. BIDAT Service de pédiatrie, hôpital Ambroise- Paré, Boulogne-Billancourt Un outil d’aide à l’orientation après
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