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Prévention du risque allergique peranesthésique
F. LAVAUD Hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims

La réactualisation des recommandations de pratique clinique (RP C) sur la prévention du risque allergique peranesthésique est le résultat d’une collaboration entre des experts de la Société française d’anesthésie réanimation (SFAR ) et de la Société française d’allergologie (SFA ). Les premières recommandations avaient été élaborées en 2001. La réactualisation est maintenant publiée et elle a fait l’objet de conférences lors du dernier Congrès francophone d’allergologie. Les principaux éléments du bilan diagnostique sont repris ci-dessous.
Épidémiologie Parmi les réactions d’hypersensibilité immédiates survenant en situation d’anesthésie, environ 60 % sont IgE-dépendantes (réactions d’hypersensibilité immédiates allergiques). Plus de 7 000 cas de réactions d’hypersensibilité immédiates IgE-dépendantes ont été publiés ces 25 dernières années. La majorité des cas provient de France, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de Scandinavie grâce à l’organisation mise en place par ces pays pour le diagnostic des réactions, et à la stratégie de communication orale et écrite qu’ils entretiennent dans le monde médical. La mortalité des réactions d’hypersensibilité immédiates peranesthésiques varie de 3 à 9 % selon les pays. La morbidité la plus sévère s’exprime par des séquelles anoxiques cérébrales plus ou moins graves. Son incidence n’est pas précisément connue. L'incidence des réactions d’hypersensibilité immédiates allergiques peranesthésiques varie selon les pays de 1/10 000 à 1/20 000 anesthésies. Elle a été évaluée en France, en 1996, à 1/13 000 anesthésies générales et locorégionales, toutes substances responsables confondues. L'incidence de l'anaphylaxie aux curares varie selon les pays. Elle a été estimée à 1/6 500 anesthésies ayant comporté un curare en France, et à 1/5 200 en Norvège. Les substances responsables des réactions allergiques immédiates survenues en cours d'anesthésie ont été identifiées à partir des cas d'anaphylaxie publiés depuis 1980 dans la littérature de langues anglaise et française. Les curares représentent 62,6 % d'entre elles, le latex 13,8 %, les hypnotiques 7,2 %, les antibiotiques 6 %, les substituts du plasma 3,2 %, les morphiniques 2,4 %. L'allergie aux anesthésiques locaux apparaît exceptionnelle compte tenu de la fréquence d’utilisation de ceux-ci. Aucune réaction anaphylactique n'a été publiée avec les anesthésiques halogénés. D'autres substances peuvent induire une anaphylaxie en cours d'anesthésie : aprotinine, chlorhexidine, protamine, papaïne, héparine, bleu patenté ou de méthylène. Tous les curares peuvent être à l’origine d’une réaction d’hypersensibilité immédiate. Les réactions peuvent survenir dès la première administration. Le curare le plus fréquemment impliqué dans les réactions immédiates allergiques est le suxaméthonium. Une sensibilisation croisée entre différents curares est possible. Les manifestations cliniques sont décrites suivant 4 grades de gravité croissante (adapté de la classification de Ring et Messmer) (tableau 1). Les manifestations cliniques sont souvent plus graves et plus durables en cas de réaction d’hypersensibilité immédiate allergique qu'en cas de réaction d’hypersensibilité immédiate non allergique. Les signes cliniques ne sont pas toujours au complet et peuvent prendre des masques trompeurs. L'absence de signes cutanéomuqueux n'exclut pas le diagnostic d'anaphylaxie. La symptomatologie est de survenue immédiate après l’injection des médicaments de l’induction anesthésique, mais peut être de survenue tardive (jusqu’à plus d’une heure) si le latex ou les colorants sont responsables. Les substances potentiellement responsables de chocs anaphylactiques chez l’enfant sont les mêmes que chez l’adulte, mais l’allergène le plus fréquemment en cause est le latex, en particulier chez l’enfant multi-opéré et porteur de spina bifida, ce qui justifie la mise en place d’une stratégie de prévention primaire de la sensibilisation au latex. Les réactions d’hypersensibilité non immédiates impliquant les produits de l’anesthésie sont peu fréquentes. Elles sont principalement décrites avec les anesthésiques locaux (NP2), les antibiotiques, les antiseptiques, les héparines et les produits de contraste iodés ou gadolinés. Conduite du bilan diagnostique Tout patient présentant une réaction d’hypersensibilité immédiate au cours d’une anesthésie doit bénéficier d’une investigation immédiate et à distance pour déterminer le type de réaction (IgE-dépendante ou non), l’agent causal, et rechercher, le cas échéant, une sensibilisation croisée. L’anesthésiste-réanimateur doit : – s’assurer de la mise en oeuvre des investigations, en partenariat avec une consultation d’allergo-anesthésie ; – informer le patient sur la nature de la réaction peranesthésique et sur la nécessité absolue de réaliser un bilan allergologique dans un centre d’allergo-anesthésie. La remise d’un courrier détaillé et d’une carte d’allergie provisoire est recommandée ; – déclarer l’accident au centre régional de pharmacovigilance si un médicament est suspecté, ou au responsable de la matériovigilance de l’établissement si le latex est suspecté. Bilan biologique immédiat Des examens biologiques immédiats utiles au diagnostic étiologique doivent être demandés en cas de réaction d’hypersensibilité peranesthésique (tableau 2). La probabilité que la symptomatologie clinique soit liée à une réaction d’hypersensibilité immédiate est augmentée en présence d’une élévation des marqueurs que sont la tryptase sérique et l’histamine plasmatique, même si une concentration normale n’exclut pas totalement le diagnostic. Dosage de la tryptase sérique L’augmentation franche de la concentration de tryptase sérique (> 25 μg/l-1) est en faveur d’un mécanisme immunologique IgE-dépendant. Les concentrations sont normales ou peu augmentées dans les réactions cutanéo-muqueuses (grade 1) et les réactions systémiques modérées (grade 2). Les délais optimaux de prélèvement sont de 15 à 60 minutes pour les grades 1 et 2 ; 30 minutes à 2 heures pour les grades 3 et 4. La positivité excède souvent 6 heures pour les grades de sévérité élevés. Du fait de l’importante dispersion des valeurs normales d’un individu à l’autre, un échantillon à distance de la réaction est nécessaire pour interpréter les faibles augmentations. Dosage de l’histamine plasmatique La mise en évidence d'une concentration d'histamine augmentée dans le plasma peut être due à un mécanisme d’hypersensibilité immédiate allergique ou non allergique, activant exclusivement les basophiles. Le pic d'histamine est observé dès la première minute qui suit la réaction. Le pic est d'autant plus élevé que la réaction est grave. La demivie d'élimination est ensuite de 15 à 20 minutes. Le dosage du taux plasmatique d’histamine doit être effectué le plus précocement possible après le début de la réaction, surtout en cas de réaction peu sévère. Pour les réactions cutanéo-muqueuses isolées (grade 1), le délai idéal se situe moins de 15 minutes après la réaction, pour les réactions de grade 2, avant 30 minutes, et pour les réactions plus sévères, avant 2 heures. Associer le dosage d'histamine à celui de la tryptase dans les réactions modérées augmente la performance diagnostique de ces dosages. Les tests sérologiques : le dosage des immunoglobulines E Un taux d’IgE totales n’a aucune pertinence diagnostique. La recherche des IgE spécifiques dans le sérum du patient concerne principalement les ions ammonium quaternaire (curares), le thiopental, le latex, les β-lactamines et la chlorhexidine. Il est possible de rechercher ces IgE anti-médicaments dans le cadre d’un bilan d’une réaction d’hypersensibilité immédiate, ou pour interpréter des tests cutanés négatifs en présence de signes cliniques évocateurs de réactions d’hypersensibilité immédiates. On peut rechercher les IgE antiammonium quaternaire au décours immédiat de la réaction (voire immédiatement après la survenue d’un choc à l’induction de l’anesthésie si la responsabilité du curare est suspectée) ou lors du bilan d'allergoanesthésie réalisé à distance. Ce dosage ne se substitue pas à la réalisation des tests cutanés. La présence d’IgE anti-ammonium quaternaire est détectable plusieurs années après une réaction d’hypersensibilité immédiate à un curare. Il faut utiliser les techniques offrant la meilleure sensibilité, soit actuellement le SAQ-RIA ou le PAPPC-RIA. En cas de test positif, il est recommandé de réaliser un test d’inhibition spécifique avec le curare qui a été administré pendant l’anesthésie. Les performances diagnostiques du test ImunoCap c260® (IgE spécifiques des ammoniums quaternaires) seraient proches de celles du SAQ-RIA et du PAPPC-RIA. Les techniques commerciales permettant de rechercher et de doser les IgE spécifiques du latex ont une excellente sensibilité. Seuls les dosages d’IgE spécifiques à un nombre limité d’antibiotiques sont disponibles (pénicilloyl G et V, amoxicilloyl, ampicilloyl et céfaclor). Il ne faut pas rechercher les IgE spécifiques des β-lactamines à titre systématique. Compte tenu de la faible sensibilité de ces tests, seul le médecin allergologue en charge du bilan est habilité à demander et interpréter ces dosages. Ces dosages peuvent aider à l’interprétation du bilan allergologique, notamment lorsque les tests cutanés sont négatifs alors que les signes cliniques sont évocateurs de réaction d’hypersensibilité immédiate à ces médicaments. En cas de décès du patient, les prélèvements sanguins pour le dosage de la tryptase et pour la recherche des IgE spécifiques (en lien avec les allergènes suspectés) doivent être pratiqués avant l’arrêt de la réanimation plutôt qu’en post-mortem. La réalisation du prélèvement au niveau fémoral est recommandée. Les tests cutanés En l’état actuel des connaissances, les tests cutanés (prick-tests/PT et intradermoréactions/ IDR) sont la référence pour le diagnostic des allergies IgE-dépendantes. Le médecin allergologue qui réalisera les tests doit être rompu aux techniques diagnostiques de l’allergie médicamenteuse. Afin de permettre la reconstitution des médiateurs de l’allergie dans les basophiles et mastocytes, les tests cutanés doivent être effectués 6 semaines après la réaction d’hypersensibilité immédiate peranesthésique. En cas de nécessité, ils peuvent être réalisés plus précocement. Cela accroît le risque de résultats faussement négatifs et seuls les résultats positifs seront pris en compte. Ce bilan précoce ne doit pas se substituer au bilan réalisé après un délai de 4 à 6 semaines. Les
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