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Allergologie

Publié le  Lecture 15 mins

Moisissures et allergies

F. LAVAUD, J.-M. PERROTIN, CHU de Reims
Les allergies aux moisissures atmosphériques restent un sujet d’actualité et une préoccupation pour l’allergologue. De nombreuses données épidémiologiques confirment l’incidence de la sensibilisation et sa répercussion sur l’appareil respiratoire. Cependant, le diagnostic reste difficile en raison d’examens complémentaires peu performants ou absents. La prise en charge thérapeutique est également délicate, les mesures d’éviction difficiles à appliquer et les possibilités de désensibilisations limitées, sauf pour Alternaria.
Données épidémiologiques Les spores de moisissures sont fréquemment retrouvées sur les capteurs d’aérobiologie et en bien plus grande quantité que les pollens. Cependant, seulement quelques espèces sont pistées, car elles peuvent avoir un impact sur la santé respiratoire. • Cladosporium, la plus abondante, est présente tout au long de l’année, même en hiver, et par temps froid et humide. • Aspergillus est une moisissure de climats chauds et humides, plus abondante en zone tropicale et à l’intérieur des locaux. • Les espèces de Penicillium sont très nombreuses, cette moisissure étant présente à l’intérieur de locaux et sur les comptes atmosphériques, sa sporulation dépendant aussi de la chaleur et de la présence de végétaux en décomposition. • Alternaria est essentiellement une moisissure d’extérieur et d’été, présente sur les capteurs par temps chaud et sec, avec des pics de sporulation qui peuvent se confondre avec les pics polliniques. La pluie bloque sa sporulation. Alternaria reste la moisissure la plus étudiée. La prévalence de la sensibilisation à Alternaria a été appréciée en Suède, où elle concerne 3,8 % des enfants de 7-8 ans, en Grande-Bretagne (4,8 % des enfants de 4 ans) et dans une large étude européenne conduite par l’ European Respiratory Health Survey. Ainsi, en 2007, la sensibilisation à Alternaria des jeunes adultes était estimée à 3,3 %, avec une prévalence plus faible en Europe du Nord. En France, elle était de 5,8 %. Dans une étude réalisée dans 6 villes françaises chez plus de 6 200 enfants de 10 ans, la sensibilisation atteignait 2,8 %. Figure 1. Symptômes rapportés à la sensibilisation à Alternaria chez l’enfant. Relations sensibilisations/symptômes Dans ce contexte également, Alternaria est la moisissure la plus en cause et la mieux étudiée. Il existe une corrélation forte entre symptômes d’asthme et sensibilisation à Alternaria dans les pays chauds et secs comme l’Australie ou les États-Unis (Colorado) avec des odds ratios (OR) de 1,9 à 5,6 chez l’enfant. Pour la rhinite allergique, les résultats sont plus discutés, sans association évidente en Afrique du Sud. En revanche, elle est démontrée dans une étude plus large, mais uniquement dans le phénotype rhinite allergique et asthme associé, où l’OR atteint 2,3. Figure 2. Profil allergologique de l’asthme à Aspergillus, d’après H. Jabri et coll. Asthme sévère L’impact de la sensibilisation aux moisissures a été apprécié dans l’asthme sévère et les exacerbations de l’asthme. De très nombreuses publications ont montré que, autant chez l’enfant que chez l’adulte, une sensibilisation à Alternaria ou à Cladosporium était associée à un risque significatif d’asthme sévère (OR : 2,56), et ce, dans les pays européens et surtout l’Europe du Sud, les États-Unis et l’Australie. Il existe une relation entre altération de la fonction respiratoire chez l’enfant et sensibilisation à Alternaria, mais aussi une relation entre exposition et sensibilisation chez le nourrisson pour les espèces Alternaria et Cladosporium. Il en est de même pour Aspergillus chez l’adulte : chez les patients asthmatiques sensibilisés à cette moisissure, le pourcentage d’asthme sévère peut atteindre plus de 46 %. Figure 3. Asthme sévère versus asthme léger avec sensibilisation aux moisissures chez l’adulte. Exacerbations Le risque d’exacerbations justifiant une admission en service d’urgences est plus élevé chez l’asthmatique sensibilisé à Alternaria, Cladosporium, Penicillium et Aspergillus, avec une corrélation plus importante pour les polysensibilisés et une corrélation entre la quantité de spores atmosphériques et le nombre d’admissions pour asthme. Par ailleurs, le nombre de décès par asthme est corrélé aux pics de sporulation, avec un risque estimé multiplié par 2,16 si l’exposition est supérieure à 1 000 spores/m 3, et une chute du débit expiratoire de pointe lors des fortes expositions aux moisissures extérieures, certaines études ayant donné un OR de 20 pour une crise d’asthme aiguë grave chez les patients sensibilisés à Alternaria lors d’une exposition. Asthme, moisissures et tempêtes Le thunderstrom asthma, asthme des tempêtes, est connu depuis 30 ans et des épidémies d’asthme par temps tempétueux ont été décrites en Angleterre, avec des fréquences d’admissions en service d’urgences multipliées par 5 à 10, mais aussi aux États-Unis, en Australie et au Canada. De nombreuses hypothèses ont été émises, dont des phénomènes réflexes de bronchospasme, le rôle des polluants dont l’ozone et les particules, l’ionisation de l’air, etc., mais surtout celui des aéroallergènes. Les pollens sont mis en cause avec un parallèle entre période chaude, pics polliniques, recirculation atmosphérique de pollens par brassage de l’air urbain et admissions hospitalières, mais on a aussi impliqué les moisissures. Ainsi, le nombre de spores double par tempête et il existe une relation entre le nombre de spores et les admissions hospitalières, une prolifération de spores par temps sec et un relargage lors des coups de vent, avec une concentration atmosphérique alors largement supérieure à celle des pollens. Les moisissures en cause sont surtout Alternaria, Cladosporium et, dans certaines études, des espèces plus rares telles que Didymella. Allergènes des moisissures Comme pour de nombreux allergènes, l’allergologie moléculaire s’est intéressée aux moisissures pour essayer d’améliorer le diagnostic d’allergie et la prise en charge du patient. Les résultats sont moins bons et moins prometteurs que pour d’autres allergènes. Deux es pèces ont été étudiées et des protéines allergéniques ont été clonées. Actuellement, nous disposons d’un allergène moléculaire pour Alternaria, et de cinq pour Aspergillus. • Pour Alternaria, le recombinant rAlt a1 possède une forte activité enzymatique, phosphatase, estérase et bêtaglucosidase, mais l’activité biologique de l’allergène reste méconnue. Selon les souches, l’activité enzymatique est extrêmement variable, même si Alt a1 est un allergène majeur. Le recombinant rAlt a1 conserve une réactivité immunologique comparable à celle de l’allergène naturel nAlt a1 avec un seuil de réactivité sur les prick-tests estimé à 100 µg/ml, données certainement utiles à la standardisation des extraits allergéniques, mais actuellement sans grande conséquence clinique ; rien n’étant démontré sur la supériorité de cet allergène moléculaire par rapport à la source allergénique en termes de sensibilité ou de spécificité. • Pour Aspergillus, les conclusions sont également décevantes dans leur majorité et, si des espoirs avaient été émis dans la reconnaissance d’allergènes moléculaires par certains groupes de patients, en pratique, le dosage d’IgE spécifiques reste globalement décevant. Des auteurs avaient suggéré que la reconnaissance d’Asp f2 et d’Asp f4 permettrait le diagnostic précoce d’infection à Aspergillus chez le mucoviscidosique et d’autres qu’Asp f2, Asp f4 et Asp f6 seraient des marqueurs spécifiques d’aspergillose bronchopulmonaire allergique, ce qui reste à démontrer, mais les données actuelles vont vers la non-utilité au diagnostic. La limite des examens complémentaires dans l’exploration des allergies aux moisissures tient à la grande variabilité du contenu en allergènes selon les souches d’une même espèce et à l’existence de réactions croisées entre espèces. Ainsi, le contenu allergénique peut dépendre de l’environnement, du substrat, de la température, de la luminosité, du confinement, de la chaleur, d’espèces commensales… et du tissu mycélien, les spores et les filaments ne possédant pas forcément les mêmes allergènes. Des panallergènes existent entre espèces de moisissures. Ainsi, les protéases sont partagées par Alternaria, Aspergillus, Penicillium et Cladosporium. Ce sont des allergènes – notamment les protéases alcalines (allergènes du groupe 13) et les protéases vacuolaires (allergènes du groupe 18) –, mais aussi des substances toxiques créant des lésions épithéliales et inflammatoires. Un patient réactif aux protéases pourra donc reconnaître plusieurs espèces de moisissures sans pour autant que l’on puisse incriminer la moisissure responsable de ses symptômes. Moisissures, APSI et Afssaps Les extraits de moisissures disponibles pour tests cutanés et, éventuellement immunothérapie spécifique (ITS), sont des allergènes préparés spécialement pour un individu. À la demande de l’industrie pour le renouvellement des autorisations nominatives pour préparation et délivrance des allergènes (échéance du 31 décembre 2007), une évaluation de leur intérêt diagnostique et thérapeutique a été pilotée par l’Afssaps. L’intérêt diagnostique a été classé en 4 catégories tenant compte du niveau de preuve et de la pertinence d’une ITS. Ainsi, aucun intérêt n’a été retenu pour Aspergillus nidulans, Penicillium digitatum et Cladosporium cladosporioides. Le niveau de preuve était insuffisant pour Chaetomium, Fusarium, Helminthosporium et Aureobasidium. Au total, la liste des allergènes « moisissures » disponibles pour pricktests a été revue à la baisse et subsistent uniquement (encore à ce jour) : Alternaria alternata, Botrytis cinerea, Pleospora herbarum ( Stemphyllum), Aspergillus fumigatus. Ces restrictions ne concernent pas les extraits disponibles pour tests in vitro et le dosage des IgE spécifiques. Quant à l’ITS, pour autant qu’elle ait des indications, elle n’est plus possible que pour Alternaria, avec un intérêt clinique parcellaire, et pour Botrytis et Pleospora, avec une absence d’études documentées sur l’efficacité et la sécurité du traitement. Moisissures alimentaires Les moisissures alimentaires contaminent des aliments où elles trouvent la valeur énergétique nécessaire à leur développement. Elles peuvent, du reste, contribuer à l’améliorer pour l’alimentation humaine, comme le Botrytis, la pourriture noble du vin de Sauternes. Ces moisissures peuvent se comporter comme des pneumallergènes et, dans ce cadre, essentiellement en pathologie professionnelle ou comme

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