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Asthme de l’enfant : définir le phénotype !
J. JUST, S. WANIN, Centre de l’asthme et des allergies, Groupe hospitalier Trousseau La Roche-Guyon, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Classiquement, le diagnostic de l'asthme repose sur la récidive d’épisodes combinant la toux, les sifflements et les gènes respiratoires. Le mécanisme physiopathologique sous-jacent associe une hyperréactivité bronchique (HRB) et une inflammation des voies aériennes à éosinophiles. Cependant, parmi les différents phénotypes d’asthme, certains ont des caractéristiques physiopathologiques différentes ; c’est le cas des sifflements associés aux virus ou de l’asthme non atopique de l’enfant. Nous aborderons les phénotypes de l’asthme en termes d’âge de début, de sévérité, d’étiologie, des mécanismes inflammatoires sous-jacents.
L'asthme est la plus fréquente des maladies chroniques au cours de l’enfance. Bien qu'il y ait une augmentation de prévalence de l’asthme et des maladies sifflantes dans les trois dernières décades, il semblerait que cet accroissement ait actuellement atteint un plateau (1). Les études épidémiologiques mettent en évidence que dans la majorité des cas, les symptômes d’asthme apparaissent au cours de l’enfance et que pour les enfants qui restent symptomatiques à l’âge adulte, les altérations de la fonction respiratoire sont présentes dès la première décade de la vie, et peut-être même avant l’âge de 3 ans. L’asthme ne doit plus être appréhendé comme une maladie mais comme un complexe de multiples syndromes qui s’associent de façon variée chez le même individu(2). Des facteurs génétiques et environnementaux peuvent influencer l’expression et la progression de cette maladie. C'est le cas de la prédisposition génétique à l'atopie, des infections virales, de la prématurité, des conséquences du tabagisme maternel durant la grossesse, de l’exposition post-natale à la fumée de tabac environnementale, de la croissance et du développement du système respiratoire. Mieux définir les différents phénotypes de l’asthme chez l’enfant, devrait permettre : – de mieux définir les facteurs environnementaux protecteurs ou au contraire potentialisateurs de la genèse de cette maladie ; – de mieux définir les mécanismes physiopathologiques liés aux différents phénotypes ; – ce qui permettrait de mieux définir des attitudes de prévention primaire voire des thérapeutiques ciblées en fonction des phénotypes. Les différents phénotypes de l’asthme Asthme en fonction de l’âge au début de la maladie L’asthme à début précoce et l’asthme à début tardif ont une course évolutive différente (3). La cohorte de Tucson (4) a défini un phénotype d’asthme à début précoce durant les 2 premières années de vie et persistant durant l’enfance. Ce sont des enfants qui ont eu au moins 3 épisodes de maladie respiratoire sifflante dans les 2 premières années de vie et qui continuent de siffler à 6 ans. Ces enfants ont une fonction respiratoire perturbée à l'âge de 6 ans, alors qu'elle était normale dans la petite enfance, voisine de ceux des enfants n’ayant jamais sifflé. Des études longitudinales montrent que l’asthme à début précoce, qui va persister durant l’enfance, est une entité plus homogène que l’asthme à début tardif (5,6). L’asthme à début précoce a une composante familiale forte et allergique plus fréquente (4,5,7), peut être modifié par l’exposition précoce à l’environnement délétère et est souvent associé à une maladie plus sévère (8). En effet, cette étude réalisée en Nouvelle-Zélande (7) chez 1 037 individus suivis de l’âge de 9 à 27 ans montre que les sujets ayant une diminution du rapport VEMS/CV après bronchodilatateurs à l’âge de 9 ans, ont toujours une fonction respiratoire abaissée à l’âge de 26 ans, ce qui confirme la possibilité de remodelage précoce des voies aériennes dans l’enfance. Dans cette étude, il semble que la durée de l’asthme pourrait affecter de façon adverse la fonction respiratoire. Ainsi, les valeurs spirométriques et l’HRB étaient corrélées de façon significative et inverse à l’ancienneté de l’asthme. Les anomalies fonctionnelles constatées tôt dans l'enfance seraient donc la conséquence d'un remodelage se mettant en place au cours de l'enfance dans les asthmes à début très précoce. L’asthme à début précoce a une composante familiale forte et allergique plus fréquente et est souvent plus sévère. Phénotype d’asthme en fonction du genre La prévalence de l’atopie, des sifflements et de l’asthme diagnostiqué par un médecin est plus élevée chez les garçons que chez les filles au cours de l’enfance. De plus, le taux d’hospitalisation pour asthme qui est un marqueur de sévérité de l'asthme est également plus élevé chez les garçons (9). Ces constatations peuvent être mises en rapport avec la différence de développement pulmonaire en période pré- et post-natale dans les deux sexes. Hibbert et coll. (10) montrent qu’il existe une maturation pulmonaire supérieure chez les filles par rapport aux garçons. L’étude du surfactant de fœtus âgé de 26 à 36 semaines montre un avantage pour la fille en termes de maturation pulmonaire (11). De plus, l’épithélium respiratoire est moins développé chez les garçons, aussi le poumon du garçon est à risque plus important de remodelage après une agression respiratoire (12). Plus tard dans la vie, les phénotypes asthmatiques changent et c’est la fille qui tend à avoir un accroissement du risque d’asthme. Ceci pourrait être mis en relation avec les changements hormonaux liés à la puberté. Ainsi, les hormones du sexe féminin sont connues pour être pro-inflammatoires. Une revue réalisée par Helling et coll. (13) montre que les estrogènes et la progestérone peuvent modifier l'HRB et la fonction respiratoire. De la même façon, dans une étude cas-contrôle sur l'asthme (EGEA, Epidemiological Study on the Genetics and Environment of Asthma) réalisée chez 366 adultes, l'association entre la sévérité et le BMI est retrouvée uniquement chez les femmes ayant eu une puberté précoce (14). Phénotypes d’asthme en fonction de la sévérité Il existe différents phénotypes d’asthme sévère en fonction du risque d’exacerbations aiguës graves, du degré d’obstruction bronchique, de la réponse au traitement de l’ancienneté de la maladie. Chez l’enfant, le sexe masculin est associé aux crises aiguës sévères, alors qu’à l’adolescence, rejoignant le phénotype d’asthme sévère de l’adulte, le sexe féminin, l’absence de phénotype atopique, des antécédents de pneumonie sont plus souvent retrouvés dans l’asthme sévère (14,15). Asthme sévère par exacerbation aiguë grave Les études montrent que l’asthme à risque d’exacerbations aiguës graves ou d’asthme difficile à contrôler s’associe plutôt à l’asthme d’origine allergique. Ces patients ont une fonction respiratoire le plus souvent normale entre les crises et ont une grande fluctuation de la fonction respiratoire entre les crises (16,17). Chez l’adulte, il représente 40 % des asthmes sévères (18). Ce phénotype d’asthme est génétiquement déterminé, comme le montre l’association entre le polymorphisme de l’IL-4 (cytokine impliqué dans la réponse IgE) et les crises d’asthme aiguës potentiellement mortelles (19). Asthme sévère par anomalie préexistante de la fonction respiratoire Les études longitudinales sur le devenir de l'asthme de l'enfant à l'âge adulte montrent qu’il existe une relation entre le déficit précoce de la fonction respiratoire et la persistance de l'asthme suggérant que les anomalies de la fonction respiratoire sont présentes tôt dans la vie. Ainsi, une étude australienne (20), étudie la fonction respiratoire de sujets suivis de l’âge de 7 à 42 ans. Les enfants ayant un asthme sévère associé à une obstruction bronchique, ont une obstruction bronchique persistante à l’âge adulte, ce qui suggère que le déficit de la fonction respiratoire des adultes présentant un asthme grave se met en place tôt dans la vie. Le déclin plus rapide de la fonction respiratoire qui caractérise ce phénotype serait également génétiquement déterminé (21). Les enfants ayant un asthme sévère associé à une obstruction bronchique, ont une obstruction bronchique persistante à l’âge adulte. Une autre explication alternative donnée à ces anomalies précoces de la fonction respiratoire serait, pour certains, une altération de la fonction respiratoire qui pourrait précéder l’expression des premiers symptômes respiratoires faisant de cette perturbation fonctionnelle plus une cause qu’une conséquence de l’asthme. Ainsi, plus récemment, l’équipe de Fernando Martinez (22) montre qu’une fonction respiratoire mauvaise après la naissance est un risque de syndrome obstructif à l’âge adulte. Phénotypes d’asthme en fonction d’étiologie Asthme allergique L’asthme d’origine allergique est un phénotype fréquent, notamment durant l’enfance. Ce phénotype peut commencer à tous les âges, mais dans la majorité des cas dans la petite enfance. De nombreux auteurs ont cherché à montrer l’implication de l’atopie dans un phénotype particulier d’asthme sévère (comme on l’a vu précédemment). Dans ces études, l'atopie a été évaluée par la sensibilisation aux différents allergènes à l’aide des tests cutanés ou par le dosage des Immunoglobulines E (IgE) spécifiques, moins souvent par le dosage des IgE totales sériques ou par l’éosinophilie sanguine ou tissulaire ; parfois encore par des arguments chronologiques entre l’exposition à l'allergène auquel le sujet est sensibilisé et la gravité des exacerbations aiguës. Les liens entre l'allergie et la gravité de l’asthme sont : – d’une part, que l’exposition directe à un allergène pour lequel le patient est sensibilisé peut entraîner une exacerbation ; – d'autre part, l’exposition prolongée à l'allergène peut provoquer une instabilité de la maladie asthmatique responsable de symptômes plus sévères et plus difficilement contrôlés par le traitement de fond ; – enfin la persistance de l'asthme au cours de l'enfance et à l'âge adulte. Dans l'étude de O’Driscoll et coll.(23), le risque d'hospitalisation mais aussi d'hospitalisations multiples est accru si la sensibilisation aux pneumallergènes est multiple et plus particulièrement en cas de sensibilisations aux moisissures (Alternaria, Pennicilium, Cladosporium et Candida). L’exposition directe à des aéro-allergènes de l'environnement extérieur a été le plus souvent mise en évidence dans le cadre de véritables épidémies de crises d'asthme sévères. L’exposition aux moisissures est souvent responsable de crises très sévères pouvant aller jusqu'à l'arrêt respiratoire, comme cela a été décrit avec l’Alternaria (24). L'étude TENOR (25) (qui porte sur une cohorte d'asthme sévère observée pendant 3 ans) montre que le taux des IgE totales (chez l'enfant mais pas chez l'adulte) est corrélé à la gravité clinique de l'asthme. Une étude plus ancienne
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