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Allergologie

Publié le  Lecture 12 mins

Diagnostic d’une allergie au poisson chez l'enfant

Martine DROUET, Unité allergologie générale, département de Pneumologie, CHU d'Angers

L’allergie au poisson est une allergie alimentaire fréquente dont le diagnostic est relativement simple. Les tests cutanés, notamment avec les aliments natifs ont une bonne sensibilité ainsi que les dosages d’IgE spécifiques. Le régime d’éviction alimentaire est lui-même simple et expose peu aux accidents par écart de régime, contrairement à d’autres aliments beaucoup plus présents dans notre alimentation. Ce régime n’expose pas non plus à un déséquilibre alimentaire important car les protéines animales de poisson peuvent être facilement remplacées par d’autres protéines animales. Un cas particulier doit toutefois être mentionné avec le syndrome poulet-poisson qui empêche le remplacement par des protéines aviaires.

L’allergie au poisson survient souvent de façon précoce chez le jeune enfant. Contrairement à d’autres allergies alimentaires de l’enfant, l’allergie aux poissons a la particularité d’être durable. La prévalence de l’allergie aux poissons n’est pas précisément connue, mais sa fréquence est probablement fonction des habitudes alimentaires. Les pays nordiques et ceux du pourtour méditerranéen, gros consommateurs de poissons, sont plus touchés par cette allergie. Le patient allergique aux poissons est souvent allergique à l’ensemble des poissons. Toutefois, certains patients ne sont allergiques qu’à une sous-famille de poisson. Historiquement, l’allergie au poisson tient une place privilégiée dans l’histoire de l’allergologie. C’est grâce à cette allergie que Prausnitz et Küstner ont démontré que le transfert de l’allergie était possible par le sérum (expérience du transfert passif de l’immunité) (1). C’est aussi l’allergène pour lequel le premier composant allergénique majeur fut identifié : il s’agissait de l’anti-gène M ou bêta-parvalbumine (2). Formes cliniques L’allergie immédiate IgE-dépendante C’est la forme clinique la plus courante. Dans ce cas, les symptômes sont de nature anaphylactique et peuvent être de sévérité variable, allant du syndrome oral alimentaire avec ou sans urticaire péribuccale à l’urticaire généralisée avec ou sans œdème du visage, voire au choc anaphylactique. La dyspnée, souvent présente dans ce tableau d’allergie immédiate, peut être de nature laryngée ou bronchospastique. L’anaphylaxie au poisson peut être sévère et des cas mortels ont été rapportés (3). Les allergènes des poissons étant volatils, cette allergie peut également s’exprimer par voie aéroportée. Les observations d’enfants allergiques aux poissons rapportant des symptômes cliniques souvent de type respiratoire (rhinite et/ou asthme) à l’inhalation ne sont pas rares. Certains patients présentent également une allergie de contact qui s’exprime sous forme d’urticaire. L’allergie retardée non IgE-dépendante Cette forme d’allergie est moins fréquente. Il s’agit souvent de formes digestives de type entérocolites alimentaires dont les premiers cas ont été rapportés en 2005 par Zapatero et coll. (4). Le syndrome poulet-poisson Cette forme clinique particulière mérite d’être soulignée. Les patients présentant ce syndrome sont souvent des enfants. Ils présentent des symptômes allergiques après ingestion de poisson, mais également après ingestion de volailles (poulet, dinde ou canard). L’allergène commun pourrait être une alphaparvalbumine (5)(présente à la fois dans les poissons et les volailles), mais certains auteurs supposent qu’il pourrait exister une allergie croisée entre alpha-parvalbumine des volailles et bêta-parvalbumines des poissons (6). Dans ce syndrome, les symptômes apparaissent souvent modérés et peuvent se limiter à un syndrome oral alimentaire ou à une éruption péribuccale de type urticaire. Toutefois, l’anamnèse doit être très approfondie dans cette situation apparemment bénigne, car ce syndrome est parfois associé à une œsophagite à éosinophiles qu’il faut absolument dépister. Les enfants atteints d’œsophagite sont victimes d’un inconfort digestif majeur après certains repas. Cet inconfort est exceptionnellement verbalisé par l’enfant, mais est transformé en de multiples refus alimentaires sans raison apparente. L’enfant dit qu’il « n’aime pas ». L’interrogatoire fouillé doit rechercher la notion de blocages alimentaires postprandiaux dont la verbalisation par l’enfant n’est pas toujours aisée. La physiopathologie de l’œsophagite peut être une allergie immédiate IgE-dépendante, une allergie retardée non IgE-dépendante, voire l’association des 2 types d’hypersensibilité. Le tableau clinique est variable mais l’anaphylaxie domine dans l’ensemble des pathologies ci-dessus. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les pathologies digestives dont le diagnostic est cliniquement plus difficile, car la relation chronologique peut ne pas être évidente pour le patient en cas d’hypersensibilité retardée. Les allergènes des poissons Les composants allergéniques responsables des manifestations cliniques sont multiples. L’allergène majeur (allergène reconnu par plus de 50 % de la population allergique) est la bêta-parvalbumine présente dans les muscles blancs des poissons. Certains poissons contiennent peu de bêta-parvalbumine et sont mieux tolérés par les patients allergiques. Ainsi le thon, moins riche en muscle blanc contient peu de bêta-parvalbumine et son ingestion peut être parfaitement tolérée chez le patient allergique aux autres poissons. D’autres composants allergéniques que la parvalbumine peuvent être en cause et ils sont nombreux : l’aldéhyde déshydrogénase (Gad c APDH), l’élastine (Gad c elastin), l’enolase (Gad m 2), l’aldolase (Gad m 3), la tropomyosine (Gad m 4), la créatine kinase (Gad m CK), la gélatine (Gad m gelatin), la chaîne légère de la myosine (Gad m MLC pour Myosine light chain), le nucléoside diphosphonate kinase (Gad m NDKB) (7). Dans le syndrome poulet-poisson qui associe des manifestations allergiques après ingestion de poisson mais aussi de volaille, l’allergène pourrait être l’alphaparvalbumine ou Gal d 8 (Gal d pour Gallus domesticus). Il existe de nombreux composants allergéniques dans les poissons. Certains sont ubiquitaires telle la béta-parvalbumine et expliquent que le patient est allergique à de nombreux poissons. D’autres peuvent être spécifiques d’espèces et le patient peut n’être allergique qu’à une seule espèce de poisson. Diagnostic positif Le diagnostic positif de l’allergie au poisson repose sur la crédibilité de l’histoire clinique (chronologie des événements – reproductibilité des symptômes après ingestion de poisson) et le bilan allergologique qui associe les tests cutanés et la biologie. L’histoire clinique est souvent sans difficulté, sauf en cas d’histoire complexe chez un patient poly-allergique alimentaire qui aurait pu manger de nombreux aliments suspects lors d’un même repas. Les tests cutanés : en cas d’allergie immédiate IgE-dépendante, sont pratiqués des prick tests réalisés avec des extraits commerciaux (laboratoire ALK ou Stallergènes), ou avec des aliments natifs. Les extraits allergéniques commerciaux sont limités et la morue est l’un des seuls extraits disponibles. Les aliments natifs peuvent être apportés par le patient ou être stockés et congelés par l’allergologue. La sensibilité des prick-tests est souvent meilleure avec les extraits natifs (figure). En cas d’allergie retardée non IgE-dépendante, les tests cutanés sont des épidermo tests ou patch-tests posés 48 heures au niveau cutané et lus à 48 et 72 heures. Les examens complémentaires biologiques comportent le dosage des IgE spécifiques globales au poisson, mais il est également possible de doser certains composants allergéniques dont la béta-parvalbumine. Deux composants allergéniques bêtaparvalbumine sont disponibles en dosage d’IgE spécifiques : Gad c 1 de la morue (ou cabillaud) et Cyp c 1 de la carpe. Nous rappelons que l’appellation des composants allergéniques dérive du nom latin des allergènes soit Gad c pour Gadus callarias (morue) et Cyp c pour Cyprinus carpio (carpe). Le tableau 1 exprime tous les dosages d’IgE disponibles en allergène global et le tableau 2 le dosage des 2 composants allergéniques. Les nombreux autres composants allergéniques ne sont actuellement pas dosables en IgE spécifiques. C’est alors la négativité de Gad c 1 ou Cyp c 1 qui suggère leur imputabilité en cas d’allergie avérée aux poissons. Par exemple, dans le syndrome poulet-poisson où l’on suspecte fortement une alpha-parvalbumine et non la bêta-parvalbumine, nous remarquons que le dosage de Gad c 1 et/ou Cyp c 1 est souvent soit négatif soit très peu positif (travail en cours non publié). Le test de réintroduction par ingestion de poisson peut être utile. Il est effectué en milieu hospitalier, en hospitalisation de jour pour une sécurité maximale et sous une surveillance médicale étroite. Le recours au test de réintroduction du poisson a 2 indications principales : – quand il existe un doute diagnostique (histoire clinique peu convaincante, bilan allergologique peu contributif), mais cette situation est relativement rare ; – pour vérifier la pérennité ou la disparition de l’allergie alimentaire au poisson. Ce dernier cas de figure est à envisager lorsque l’on constate, lors des bilans de contrôle allergologique, une nette diminution de la sensibilisation au poisson. Le diagnostic positif de l’allergie aux poissons repose sur les tests cutanés, le dosage des IgE spécifiques aux allergènes globaux et/ou aux composants allergéniques. Le diagnostic définitif n’est ret enu qu’en cas de parfaite cohérence de l’anamnèse et des tests cutanés et de la biologie, c’est-à-dire à l’issue d’un raisonnement d’imputabilité. En cas de discordance entre anamnèse et examens complémentaires, le test de réintroduction est recommandé. Il existe de nombreux composants aller géniques décrits, mais ne sont dosables en technique courante d’IgE spécifiques que les bêta-parvalbumines de ca- billaud – Gad c 1 – et de carpe – Cyp c 1. Figure. Prick-tests à différents poissons effectués chez un enfant de 8 ans. Diagnostic différentiel Deux situations principales amènent à discuter un diagnostic différentiel de l’allergie au poisson : – les symptômes induits par l’ingestion de poisson sont dus au poisson mais ne sont pas de nature allergique ; – les symptômes induits par l’ingestion de poisson sont allergiques mais ne sont pas dus au poisson proprement dit. Symptômes non allergiques dus au poisson Le syndrome scombroïde est dû à l’ingestion de poisson peu ou pas frais avec accumulation d’histamine (dérivé de l’histidine présent dans le poisson après activation enzymatique). Ce syndrome est une réaction toxique à l’histamine. Bien que non allergique car non IgE-dépendant, ses signes cliniques peuvent tout à fait simuler une réaction allergique du fait

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